2.4. Conclusion: une forme de ville moins ségréguée ?

Face aux exigences du cadre théorique du développement durable, la prise en compte de la ségrégation spatiale dans l’analyse des causes et des conséquences sociales de la croissance urbaine est plus que jamais incontournable. La ségrégation spatiale produit à long terme des inégalités d’opportunité de capital humain et social et peut même conduire à un déficit de croissance économique, rejetant une partie de la population vers le chômage et provoquant un décrochage des quartiers en difficulté et un éclatement de la ville.

Figure 6: Cadre conceptuel du processus ségrégatif
Figure 6: Cadre conceptuel du processus ségrégatif

Les conséquences négatives de la ségrégation socio-spatiale abordées par la littérature théorique et empirique, à travers le lieu de résidence, l’emploi et l’école, sont au moins contraires au principe de l’équité sociale. La figure 6 résume l’ensemble des points abordés dans ce premier chapitre, y compris les mécanismes liant la forme urbaine à la ségrégation socio-spatiale dans la ville.

La question principale de notre thèse concerne l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation socio-spatiale dans les villes françaises et s’insère dans le cadre général de la recherche de forme de ville durable. La forme urbaine peut être définie de plusieurs manières et des travaux théoriques anciens distinguent bien ses différentes acceptions basées sur la morphologie ou la structure (Dockes et al. 1977, p.84). La forme urbaine peut apparaître comme volume ou quantité privilégiant ainsi les analyses des densités urbaines, mais elle peut également se limiter au seul dessin urbain et du cadre bâti, ou prendre en compte l’organisation socio-économique de l’ensemble de l’espace urbain. D’une manière générale, cette notion renvoie aux différentes formes d’usage du sol qui déterminent « la structure urbaine » et prend en compte à la fois l’agglomération et l’articulation en réseau.

La forme urbaine est façonnée par les dynamiques métropolitaines de concentration et d’étalement urbain qui modifient ses trois dimensions de densité, de diversité et de design (Cervero et Kockelman, 1997) et affectent par là la ségrégation spatiale. La suburbanisation touche toutes les villes et favorise à travers sa forme déconcentrée la faible densité. Par ailleurs, des centres secondaires complémentaires ou substituables apparaissent et se renforcent en périphérie à cause d’une suburbanisation concentrée ou par une intégration dans l’aire de fonctionnement métropolitain d’anciennes villes. La forme dense des villes ou la forme polycentrique peuvent être perçues comme étant moins ségrégatives. Notre objectif est d’analyser l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation spatiale en partant de ces deux principales questions : Les villes denses sont-elles moins ségréguées ? Les villes polycentriques sont elles-moins ségréguées ?

Pour compléter ce cadre d’analyse, nous définissons la ségrégation spatiale et nous justifions les choix méthodologiques liés à sa mesure, dans le deuxième chapitre. Nous montrons, lors du troisième chapitre, la croissance de inégalités intercommunales à différentes échelles globales (nationale, régionale et intra-urbaine) de 1984 à 2004, avant d’insister sur la ségrégation au niveau des aires urbaines pour montrer l’imbrication des échelles locales (quartier, commune, bassin de vie) en 2001. Dans le quatrième chapitre, nous présentons tout d’abord une revue de littérature théorique et empirique, principalement américaine, sur l’étalement urbain, sa mesure et surtout son influence sur la ségrégation spatiale. Nous analysons, ensuite l’effet des densités urbaines sur la ségrégation spatiale au niveau des cent plus grandes aires urbaines en France. Enfin, dans le cinquième chapitre, nous associons conséquences du polycentrisme et causes de la ségrégation spatiale pour essayer d’expliquer l’impact de l’émergence d’une structure polycentrique sur la ségrégation spatiale. Nous tenstons, ensuite d’apporter une première réponse à travers une comparaison de trois aires urbaines de formes différentes : Lyon, Lille et Marseille.