Depuis les années 1980, période marquée par les émeutes urbaines à Vaulx-en-Velin et au quartier des Minguettes à Lyon, la politique urbaine a placé au centre du débat les questions de ségrégation en dénonçant la “relégation” de certains groupes sociaux et en prônant plus d’équilibre dans la composition sociale des quartiers notamment en périphérie des villes (Dubedout, 1983 ; Delarue, 1991)37.
Nous pouvons distinguer deux compréhensions différentes du phénomène de la ségrégation en France et cela à travers les actions menées par la politique de la ville depuis une vingtaine d’années : une politique qui vise à améliorer l’espace ségrégué et une autre qui vise la mobilité de la population. Au-delà de cette fausse dichotomie, « People versus Place » (aide à la personne/aide au territoire), l’ensemble de ces politiques sociales a toujours concerné les populations et les territoires les plus pauvres. La lutte contre la ségrégation spatiale est souvent associée à la norme de mixité sociale et de l’égalité républicaine.
La mixité sociale, après une longue hésitation38, est devenue depuis une vingtaine d’années un objectif des politiques urbaines visant à lutter contre la ségrégation et promouvoir la cohésion sociale et l’équité spatiale. Elle désigne le mélange et la diversité des groupes sociaux et des fonctions urbaines. Mais son application est plus limitée au domaine de l’habitat qu’à celui de l’activité et vise les territoires les plus en difficulté. Depuis la politique de rénovation des quartiers défavorisés de la fin des années 80 jusqu’à la dernière Loi d’Orientation et de Programmation sur la Ville et la Rénovation Urbaine (dite loi Borloo) en 2003, le manque de cohérence entre l’ensemble de ces mesures a souvent été souligné. La difficulté de définir la ségrégation spatiale, comme iniquité sociale ou ethnique, territoriale ou socio-territoriale, est en partie responsable de l’ambiguïté dans l’intervention des politiques publiques.
Pour une lecture juridique sur le lien entre politiques urbaines et ségrégation spatiale voir Deschamps (1997).
La mixité sociale a été introduite pour la première fois dans la circulaire Guichard (1973), et elle a mis vingt ans pour être adoptée dans la politique de la ville (Deschamps, 1997).