1.2.1.2. Distribution des populations pauvres sur l’ensemble de la ville

La mise en place de la Loi d’Orientation sur la Ville (LOV) en 1991 et de la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) a permis de déplacer les politiques de lutte contre la ségrégation du simple quartier prioritaire à une politique de logements à l’échelle de l’agglomération voire à l’échelle nationale à travers des mesures législatives. La question de la ségrégation prend une dimension plus globale à travers les politiques urbaines (Loi Voynet sur l’aménagement du territoire, Loi Chevènement sur la coopération intercommunale, Loi Gayssot sur la Solidarité et le Renouvellement Urbain) et souligne le souci d’équité dont l’état se porte garant. L’objectif de la LOV « anti-ghetto » est d’inciter les communes qui ont moins de 20 % de logements sociaux ou qui accueillent moins de ménages bénéficiaires d’Aides Pour le Logement (APL) à construire plus de logements sociaux et à accueillir plus de ménages modestes. Ce qui permettrait une plus grande équité territoriale dans la distribution des logements sociaux et les charges associées. La loi SRU reprend ces mêmes principes en les intégrant aux exigences du cadre du « développement durable » et en leur donnant plus de moyens d’application par une politique volontaire de mixité sociale. L’autre objectif est de mieux répartir les moyens et les ressources financières entre les communes concernées par les situations de concentration des populations les plus pauvres et les autres, afin de réguler les inégalités inter-communales (Lelevrier, 2005). La distribution des populations pauvres sur les différentes zones de la ville, y compris les plus riches, au-delà de la question de dépense, peut être perçue comme une recherche d’égalité d’opportunité, dans le sens de Sen, à travers le mélange social.

La ségrégation spatiale est appréhendée au niveau de l’habitat, mais à une échelle qui dépasse le seul quartier défavorisé. Elle représente l’inégale répartition des populations les plus pauvres entre les différentes communes de l’espace urbain vue comme une forme de désolidarisation de la ville. Cet élargissement de l’échelle de la ségrégation, du quartier à l’agglomération, reconnaît le caractère multiéchelle du processus ségrégatif : «  L'agglomération serait le niveau pertinent pour prendre des décisions structurantes affectant le devenir des quartiers de la politique de la ville. Se dessine une sorte de schéma articulant l'échelle du quartier (proximité, démocratie), de la ville (projet local, cohésion) et de l'agglomération (structuration du développement économique et urbain) ». (Lelevrier, 2004, p.13). Cela dit, d’autres questions subsistent quant aux modalités d’intervention des politiques : Faut t-il aider les lieux ou les personnes ? Faut-il ramener les « riches » chez les « pauvres » ou les « pauvres » chez les « riches » ?