1.2.2. Vers une définition mesurable

Au-delà de la multiplicité de ses formes, la ségrégation spatiale reste associée à la norme d’égalité, d’interaction et de mixité sociales. A coté de la distance physique il y a également distance et inégalité sociales entre les différents groupes de population, qui lui sont liées et qui posent problème. L’un des piliers dans l’étude de la ségrégation est, d’ailleurs, de «  renforcer la connexion sociale en réduisant les distances physiques et sociales entre les différentes catégories de population dans le cadre des agglomérations urbaines   » (Fitoussi et al. 2004, p.77). Définir la ségrégation dans le contexte urbain français doit permettre non seulement de la mesurer mais aussi de suivre des objectifs communs.

A partir des éléments apportés jusque là, nous pouvons définir la ségrégation socio-spatiale comme étant, un processus, alimenté par un ensemble de mécanismes et conduisant à un moment donné à un état d’inégalité socio-économique (1) visible entre les espaces de vie (2) qui composent l’espace urbain (3)et à une homogénéisation au sein de ces espaces de vie.

Cette définition, il ne faut pas le nier, est le résultat d’un ensemble d’aller-retours entre littérature théorique, littérature empirique et une recherche d’originalité sous une forte contrainte de disponibilité de données (Davezies, 2004). En prenant en compte à la fois l’inégalité entre les différentes zones de la ville et l’homogénéité à l’intérieur de chaque zone, elle va dans le même sens que la définition proposée par Castells (1972, p.218) dans la question urbaine, qui considère la ségrégation comme « la tendance à l’organisation de l’espace en zones à forte homogénéité sociale interne et à forte disparités sociales entre elles, cette disparité étant comprise non seulement en termes de différence, mais de hiérarchie ». Cela dit, le traitement de la ségrégation spatiale selon la dimension inégalitaire représente deux avantages en économie. Le premier est la neutralité de la notion d’inégalité ou de la différenciation (Lacour, 2005), car elle se nourrit de repères, d’observations et de mesures de la distribution des populations selon leur revenu, leur statut social et culturel. Le deuxième avantage est de créer une complémentarité entre un champ relativement nouveau « la ségrégation » et une vieille thématique qui ne cesse de se renouveler « l’inégalité ». Il serait vain d’opposer, au sein d’une autre fausse dichotomie, les deux phénomènes en France. La ségrégation incarne la dimension spatiale de l’inégalité et souligne le rôle important de l’élément longtemps négligé par les études économiques, « l’espace ». Les études récentes la considèrent comme une nouvelle forme d’inégalité qui regroupe toutes les inégalités (Maurin, 2004 ; Bensaid et al. 2004).

Nous précisons les trois points qui constituent notre définition à savoir les populations concernées et leurs caractéristiques (position sociale, revenu), l’échelle locale des espaces de vie (lieu de résidence et/ou travail et/ou école…) et l’échelle globale (Aire urbaine, Région), indispensables dans l’analyse de la ségrégation socio-spatiale (Preteceille, 2004).