2.1.1.2. Les revenus déclarés des ménages fiscaux

Les revenus fiscaux déclarés sont issus de la même base de l’impôt sur le revenu (IRPP). Ils correspondent à la somme des ressources déclarées par les contribuables sur la déclaration des revenus, avant redistribution et avant tout abattement à la différence du revenu imposable. Ces données sont diffusées depuis l’année 2000 à l’échelle communale ( www.insee.fr) alors que les revenus à l’échelle infra-communale (quartier IRIS) ne sont disponibles que pour l’année 2001 et 2002 (INSEE-DGI, 2005). Nous nous focalisons sur l’année 2001, plus proche de la date du dernier recensement (1999) pour l’analyse de l’état de ségrégation. De la même manière que les revenus imposables, les revenus déclarés regroupent (Encadré 1) les revenus des activités salariées et non salariées ; les pensions, retraites (hors minimum vieillesse) et rentes ; certains revenus du patrimoine (les revenus des valeurs et capitaux mobiliers imposables et revenus fonciers nets) et les revenus sociaux imposables (indemnités de maladie et de chômage, hors RMI).

Les revenus sont attribués à un ménage fiscal qui est constitué par le regroupement des foyers fiscaux (déclarations 2042) répertoriés dans le même logement (même Taxe d’Habitation). Il faut souligner que le ménage fiscal est relativement différent du ménage classique au sens de l’INSEE car il exclut les ménages constitués de personnes ne disposant pas de leur indépendance fiscale (principalement des étudiants) et les contribuables vivant en collectivité (foyers et autres). Il ne prend pas également les ménages concernés par un événement de type mariage, séparation ou décès avec un défaut de couverture d’environ 2,8 % du nombre « théorique » total de ménages fiscaux en France métropolitaine (INSEE-DGI, 2005).

Encadré 1 : La composition des revenus déclarés des ménages fiscaux
Les revenus salariaux sont des revenus d’activité qui comprennent :
les salaires, les salaires d’associés, la rémunération des gérants et associés (nets de cotisations sociales mais y compris les CSG et CRDS non déductibles) ;
les droits d’auteur ;
les avantages en nature ;
les indemnités journalières de maladie ;
les allocations perçues en cas de chômage ;
certaines allocations de pré-retraite ;
les revenus perçus à l’étranger par des résidents en France (ces revenus sont assimilés à des salaires bien qu’ils puissent en réalité correspondre à une autre catégorie de revenus : la déclaration de revenus ne permet pas de les distinguer).
Les revenus des professions non salariées sont des bénéfices nets de déficits et hors plus-values des indépendants. Ils comprennent les trois catégories suivantes :
Bénéfices Agricoles (BA).
Bénéfices Industriels et Commerciaux professionnels (BIC).
Bénéfices Non Commerciaux professionnels (BNC).

Les pensions, retraites et rentes comprennent :
les pensions, rentes, allocations de retraite et de vieillesse ;
les pensions, allocations et rentes d’invalidité ;
les avantages en nature ;
les rentes viagères à titre gratuit (reçues en vertu d’un acte de donation ou d’un testament) ;
les pensions alimentaires nettes (les pensions versées sont soustraites des pensions perçues) ;
les rentes viagères à titre onéreux (une fraction des rentes viagères perçues en contrepartie d’une somme d’argent versée ou de la transmission d’un bien, rentes allouées en dommages-intérêts par décision de justice).

Les autres revenus sont essentiellement des revenus du patrimoine :
les revenus des valeurs et capitaux mobiliers imposables au titre de l’IRPP, ce qui exclut les revenus défiscalisés comme le livret A et les produits de placements soumis à prélèvement libératoire ;
les revenus fonciers nets (loyers, fermages, parts de SCI, affichage) ;
les revenus accessoires : il s’agit des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC) non professionnels, des Bénéfices Non Commerciaux non professionnels et des recettes brutes de locations meublées non professionnelles.

Source INSEE-DGI, 2005

Contrairement aux revenus imposables, ces données au niveau du ménage fiscal sont plus fines et beaucoup plus détaillées. La base de données de l’INSEE-DGI (2005) offre des renseignements sur le revenu à l’échelle individuelle de l’Unité de Consommation qui reflète mieux le niveau de vie du ménage. Elle donne des informations spatiales au niveau du quartier IRIS sur les déciles de revenu, la moyenne et les niveaux de dispersion et des inégalités des revenus (écart-type, indice de Gini). La disponibilité des données et les échelles conditionnent largement, comme nous le verrons par la suite, l’étude de la ségrégation spatiale.

Enfin, le choix de ces deux sources de données de revenus vient du fait que toutes les autres données sur les revenus fiscaux sont a-spatiales (à l’exception du fichier FILOCOM, difficilement accessible) sinon beaucoup moins fiables lorsqu’elles proviennent d’enquêtes par « interview ». Le revenu dans ce type d’enquêtes, même s’il est censé prendre en compte les prestations sociales par exemple, est largement sous-estimé par rapport au revenu fiscal (environ 15 % pour les revenus de l’enquête ménages de Lyon en 1995, Bouzouina et Nicolas, 2008). Toutefois, au-delà des avantages dans l’utilisation des revenus fiscaux pour l’étude de la ségrégation et des inégalités, mais aussi des inconvénients et des reproches (Champagne et Maurice, 2001 ; Houriez et Roux, 2001), cette source demeure la plus fiable et la seule capable de supporter ce genre d’études sur plusieurs villes, à plusieurs échelles et sur une longue durée44. Toutefois, les données incontournables sur les mobilités résidentielles intercommunales des populations issues des deux derniers recensements (1990 et 1999) sont utilisées pour compléter l’analyse du processus ségrégatif (Cf. chapitre 5).

Notes
44.

Face à la contrainte de disponibilité des données spatiales, les revenus issues de sources administratives devront être utilisés pour analyser l’inscription spatiale de la pauvreté et la ségrégation : « … les données des enquêtes existantes ne sont pas suffisamment représentatives pour permettre une approche de la pauvreté territoriale par décomposition des observations nationales. Seules les sources administratives peuvent permettre une mobilisation de données territoriales, sous réserve de disponibilité des données et de précautions méthodologiques importantes. Les résultats demeurent ainsi parcellaires, ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent être négligés et qu’ils ne peuvent être capitalisés. » (ONPES, 2006, p.57).