Notre mesure de la ségrégation spatiale repose sur le principe de la décomposition de l’inégalité entre une composante intra-zones et une composante inter-zones. Il semble logique que l’inégalité inter-zones soient plus importante et se rapproche de l’inégalité totale si le découpage spatial est de plus en plus fin55. Les zones de taille importantes sont souvent caractérisées par une plus forte hétérogénéité sociale interne et dissimulent de grandes disparités spatiales à des échelles plus fines. Cela est l’une des conséquences de l’effet d’échiquier, chekerboard problem, qui consiste à sous-estimer le niveau de ségrégation à des échelles d’agrégation importantes, souvent administratives, imposées par la disponibilité des données. Dans le cas contraire, cet effet conduit à sous-estimer le niveau de ségrégation dans une ville à des échelles fines, en séparant certains quartiers contigus et identiques au lieu de les considérer comme une seule entité spatiale. Ce deuxième cas consiste à substituer les limites traditionnelles de la commune par le principe de la contiguïté entre les quartiers pour construire des nouveaux découpages reflétant, en principe, le niveau de ségrégation le plus élevé. En revanche, l’objectif ici est de comparer les résultats à l’échelle communale avec ceux à l’échelle du quartier afin de tester leurs robustesses et de comprendre leur cohérence spatiale, et nous serons plutôt dans le premier cas.
Effectivement, le niveau de ségrégation calculé à l’échelle du quartier est plus important que celui calculé à l’échelle communale, et cela dans toutes les aires urbaines étudiées. Cela renforce les résultats obtenus par les chercheurs américains (Wong, 2003) et français, notamment sur la région parisienne : « La mesure de la ségrégation faisait d'ailleurs effectivement apparaître en Île-de-France une ségrégation plus forte si l’on prenait le découpage en quartiers que si l’on restait au niveau communal » (Preteceille, 2004). Encore, la différence du niveau de ségrégation entre les deux échelles à Paris n’est pas très importante (0,03) par rapport à d’autres aires urbaines comme Nîmes (0,11), Le Havre ou Reims (0,1). La commune-centre dans ces aires urbaines regroupe souvent des quartiers socialement contrastés. Dans l’aire urbaine parisienne, le niveau de ségrégation spatiale à l’échelle communale est très proche de celui à l’échelle du quartier puisque les quartiers pauvres se trouvent souvent dans des communes pauvres et les communes riches sont également composées de quartiers riches.
Statistiquement, la ségrégation serait maximale si nous considérons que chaque individu occupe un espace indépendant, ce qui serait une situation absurde.