2.2.3. Du quartier au bassin de vie : quelle cohérence?

Le bassin de vie représente, selon l’INSEE, la plus petite échelle spatiale sur laquelle les habitants ont accès à la fois à l’emploi et aux équipements (Julien et Pougnard, 2004). L’échelle globale de l’aire urbaine construite sur la base des emplois est plus autonome et plus large et elle regroupe parfois plusieurs bassins de vie. Notre objectif ici est de comprendre la ségrégation des aires urbaines mesurée à l’échelle du bassin de vie. Cela consiste à distinguer l’inégalité de revenu entre les bassins de vie de l’inégalité entre les quartiers du même bassin de vie en considérant que les revenus des ménages du même quartier sont identiques (Cf. chapitre 2). Nous limitons notre analyse aux seules aires urbaines contenant plus de 10 bassins de vie, soit 25 aires urbaines. Les bassins de vie sont définis à partir des données communales.

Par rapport à l’échelle du quartier, l’inégalité spatiale des aires urbaines est naturellement encore plus faible à l’échelle des bassins de vie (Figure 21). En revanche, il n’existe aucune relation entre le niveau des inégalités entre les bassins de vie et les inégalités entre les quartiers. Les aires urbaines les plus marquées par les inégalités à l’échelle du bassin de vie ont parfois un niveau d’inégalité inter-quartiers relativement élevé (Montpellier, Amiens et Strasbourg), moyen (Caen) ou faible (Rennes, Clermont-Ferrand, Genève-Annemasse et Montbéliard). Les niveaux les plus faibles d’inégalité entre les bassins de vie caractérisent Metz, Nancy, Tours, Orléans, Le Mans, Marseille et Lille (Figure 21).

Figure 21 : Inégalité entre quartiers et inégalité entre bassins de vie dans les 25 aires urbaines
Figure 21 : Inégalité entre quartiers et inégalité entre bassins de vie dans les 25 aires urbaines

Source : élaboration propre, données INSEE-DGI (2004)

Par rapport à l’échelle communale, les inégalités entre bassins de vie et la ségrégation spatiale sont moins importantes. Cependant, à Rennes, la ségrégation spatiale à l’échelle des bassins de vie est légèrement plus importante que la ségrégation à l’échelle communale (0,211 contre 0,208). Nous retrouvons ici une des conséquences de l’effet échiquier déjà abordées dans la partie précédente, mais cette fois-ci c’est l’échelle plus petite, de la commune, qui occulte des inégalités à une échelle plus grande, du bassin de vie.

Par ailleurs, Marseille et Lille, qui sont parmi les aires urbaines les plus ségréguées à l’échelle du quartier (0,488, 0,493, respectivement), se retrouvent avec des faibles niveaux d’inégalités entre les bassins de vie (0,029, 0,03, respectivement) et des faibles niveaux de ségrégation (0,073, 0,079, respectivement). Ces deux aires urbaines sont marquées par leurs centres secondaires de Aix-en-Provence et de Roubaix-Tourcoing et sont considérées par nombre de recherches comme des villes polycentriques (Mignot et al. 2004 ; Cf. chapitre 5). Les aires urbaines polycentriques sont-elles plus ségréguées à l’échelle du quartier (proximité) alors qu’elles sont moins ségréguées à l’échelle du bassin de vie (accessibilité) ? Le constat effectué sur l’aire urbaine parisienne va dans ce sens, en mettant en avant deux hypothèses à la fois contradictoires mais complémentaires. Nous apporterons des éléments de réponse à la première partie de la question à travers l’analyse de la ségrégation spatiale à l’échelle communale et à l’échelle du quartier dans le chapitre 5.