1.2.2.1. Un étalement urbain plus ségrégatif : la densité diminue la ségrégation 

Une partie de la littérature montre que l’étalement urbain favorise la ségrégation spatiale. En utilisant les huit dimensions d’usage du sol qui caractérisent l’étalement urbain (Galster et al. 2001), Galster et Cutsinger (2007) montrent d’une manière générale un effet positif sur la ségrégation spatiale. Dans leurs résultats, même la forme concentrée de la suburbanisation, constatée à travers le renforcement de la multipolarité est favorable à la ségrégation (Cf. chapitre 5). En utilisant le gradient de densité de Clark, la densité et le niveau d’homogénéité des nouvelles constructions basé sur l’âge du parc de logement, Yang et Jargowsky (2006) montrent également un effet positif de la suburbanisation sur la ségrégation des ménages en fonction du revenu. Même si l’indice de ségrégation (NSI) baisse entre 1990 et 2000, les villes les plus marquées par la suburbanisation des ménages sont celles qui connaissent la plus faible réduction de la ségrégation. Il existe un effet négatif du gradient de la densité urbaine (b) sur le niveau de ségrégation, reflétant ainsi un étalement urbain ségrégatif. Ce qui suppose, par ricochet, que la ville compacte ou la ville dense favorise la faible ségrégation.

À travers un échantillon de 58 aires métropolitaines les plus grandes en 1990, Bond Huie (2000) analyse la relation entre différents types de densité et les cinq dimensions de la ségrégation (Black/Blancs) proposés par Massey et Denton (1988a). Il trouve que la densité de population et d’habitat diminue le niveau de concentration des noirs américains au niveau du centre, déterminé par l’indice de centralisation. L’étalement urbain favorise la ségrégation sociale quand il prend des formes strictes de recherche d’entre-soi de nouveaux espaces périphériques protégés, comme c’est le cas des gated communities dans la région de Los Angeles (Le Goix, 2005).

La suburbanisation et la faible densité peuvent diminuer la ségrégation spatiale. Dans une analyse préliminaire sur 25 villes moyennes (80 000-220 000 habitants) en Grande-Bretagne, Burton (2000) teste l’hypothèse selon laquelle la forte densité urbaine favorise l’équité sociale. En faisant référence à la justice sociale, elle teste le lien entre la densité et la ségrégation sociale, parmi d’autres indicateurs. Elle constate une corrélation inverse entre la densité de population et l’indice de dissimilarité mesurant la ségrégation des groupes à faible revenu, des ménages non-motorisés, des familles monoparentales et des ménages propriétaires. Les villes denses semblent donc moins ségréguées. Derrière cette corrélation, Burton considère que ce lien ne concerne pas la densité en soi mais plutôt le type de logement et le statut d’occupation. En effet, la ségrégation des populations modestes est plus faible dans les villes avec des fortes proportions de logements à forte densité (appartements et pâtée de maisons). Elle est, en revanche, plus élevée dans les villes dominées par des logements à faible densité (maisons isolées). Ce type de logements est occupé par des ménages propriétaires où il est très peu probable qu’ils soient des ménages modestes. La mixité sociale caractérise les villes dont le logement est dense, à condition d’avoir des ménages riches qui restent attachés aux aménités centrales. Les ménages sont ségrégués selon leur capacité à payer un logement (Cf. chapitre 1). L’auteur reste très réservé quant à la généralisation d’un tel résultat en rappelant qu’il s’agit seulement d’une corrélation établie sur un nombre très limité de villes.