La suburbanisation des ménages n’a pas que des effets négatifs, car elle permet aux plus modestes d’accéder en périphérie à des logements plus spacieux à moindre prix58. Massey et Denton (1988b) analysent la suburbanisation des noirs, hispaniques et asiatiques dans 59 aires métropolitaines entre 1970 et 1980 et testent son effet sur la ségrégation en 1980. Ils constatent que les noirs américains, moins étalés que les hispaniques et les asiatiques, sont moins ségrégués en périphérie par rapport au centre, mais ce niveau de ségrégation reste nettement plus important par rapport à celui des autres minorités. Dans ce même sens, Glaeser et Kahn (2004) montrent que les zones périphériques sont plus intégrées d’un point de vue racial que les villes centres notamment parce qu’elles permettent aux ménages noirs de consommer plus d’espace de logement et d’être propriétaires. Kahn (2001) souligne que la qualité de vie de ces populations dépend de l’arbitrage entre le logement périphérique consommé et la perte en termes d’opportunité d’emploi à cause du spatial mismatch. Il estime qu’une législation visant la lutte contre l’étalement urbain peut réduire l’opportunité des minorités à accéder à ces logements périphériques en diminuant l’offre nouvelle et en augmentant le prix du marché immobilier : « affordability is likely to decrease in the presence of more antisprawl legislation. Such rules reduce the supply of new housing, which in turn raises the price of homes » (Kahn, 2001, p.84). Par ailleurs, Bond Huie (2000) montrent que la densité de population favorise l’isolement des noirs américains. L’étalement ou la décentralisation favorise l’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers. Cet argument va dans le même sens que celui de Dawkins (2005) qui montre une corrélation significative et positive entre l’indice de Gini d’inégalité de revenu entre les quartiers (ségrégation) et la densité de population sur 231 aires métropolitaines en 2000. En effet, il suppose que habiter une zone peu dense n’exige que très peu d’interactions et donc pose moins de problèmes de cohabitation entre les différents groupes.
L’étalement urbain en tant que faible densité est plus associé à l’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers qu’à celle entre les quartiers. En utilisant la décomposition de la variance des revenus sur 359 aires métropolitaines en 1980, 1990 et 2000, Wheeler (2006) distingue inégalités internes aux quartiers et inégalités entre les quartiers. Il démontre que la baisse de la densité résidentielle augmente l’inégalité de revenus entre les ménages, et que cette augmentation est surtout liée à la croissance de l’inégalité à l’intérieur des quartiers. En revanche, il constate que la variation de l’inégalité entre les quartiers n’est pas affectée par la densité de population : « In general, the findings suggest that between-neighborhood income gaps do not rise significantly as cities spread out » (Wheeler, 2006, p.21). Cette analyse montre, à notre sens, un étalement urbain moins ségrégatif car il favorise l’hétérogénéité à l’intérieur des quartiers. Les résultats de Glaeser et Gottlieb (2006) confirment cela. L’analyse du lien entre la densité et la ségrégation raciale mesuré à partir de l’indice de dissimilarité montre que les villes denses sont les plus ségréguées (Figure 22) : « dense cities are also places where racial segregation is higher…suburbanisation and integration are more likely to move together » (Glaeser et Gottlieb, 2006, p.1297).
Source : Glaeser et Gottlieb, 2006, p.1297
“Suburbanisation of employment and population may involve losses, but without doubt, there are also gains. Among these are cheaper, better, and roomier housing. While crowded cities may offer many amenities for middle class and high income adults, it is arguable whether they provide any real benefits to children, especially to those residing in the most overcrowded parts” (Beesley et Kain, 1964, p.193).