2.1.2.3. Histoire de la ville et politiques urbaines

La ségrégation spatiale est un phénomène lent qui est étroitement associé à l’histoire de la ville et des politiques successives de logement. Les périodes d’urbanisation accélérée marquent profondément la forme urbaine et la ségrégation spatiale des villes. Favorisée par les phases de croissance économique favorables, la construction des logements se fait souvent de manière uniforme. Au-delà de l’effet présumé de l’étalement urbain, c’est la construction de nouveaux logements homogènes en périphérie des villes qui favorise la ségrégation spatiale (Yang et Jargowsky, 2006). Pour expliquer la ségrégation spatiale à travers la dimension historique en France, nous insistons sur le pourcentage des logements construits pendant les trente glorieuses et sur la part de l’habitat social dans l’ensemble du parc logement.

Le niveau de corrélation entre l’indice de ségrégation et le pourcentage des Habitations à Loyer Modéré (HLM) est non négligeable (Figure 29). De plus cette variable est complètement indépendente de la taille urbaine. Du fait de l’inégale répartition des logements de type HLM au sein des villes françaises, les aires urbaines qui accueillent un pourcentage important de ce type de logements sociaux sont souvent parmi les plus ségréguées. En effet, ces logements abritent essentiellement des ménages à faibles ressources et des jeunes. Nous ne reviendrons pas sur la littérature théorique analysant l’impact des politiques de logements sur la ségrégation spatiale bien détaillée dans le chapitre 1 à travers le rôle des macro-agents.

Figure 29 : Niveau de ségrégation et pourcentage des HLM par aire urbaine
Figure 29 : Niveau de ségrégation et pourcentage des HLM par aire urbaine

Source : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999

Les différentes variables supposées influencer le niveau de ségrégation à travers l’indice de Gini de ségrégation sont regroupées dans quatre groupes et présentées de la manière suivante :

La ségrégation mesurée sur les quartiers de chaque aire urbaine est fonction des caractéristiques de la structure urbaine (SU), de la structure économique (SE), de la structure démographique (SD), de l’histoire de la ville et des politiques de l’habitat (HP) et d’autres facteurs non observés (u). L’ensemble des variables est défini dans le Tableau 11.

Tableau 11 : Ensemble des variables explicatives utilisées
  Variables Définitions




Structure urbaine
Densité de l’aire urbaine Rapport de la population sur la surface brute de l’aire urbaine (hab/hectare)
Densité centrale Rapport de la population du centre sur la surface brute correspondante (hab/hectare)
Densité périphérique Rapport de la population périphérique sur la surface brute correspondante (hab/hectare)
Étalement de la zone dense centrale Distance au centre qui correspond à la densité maximale (Km)

Structure démographique
Ln de la population de l’aire urbaine Logarithme du nombre de personnes habitant l’aire urbaine
Retraités Part des retraités dans la population totale (%)
Étrangers Part des étrangers dans la population totale (%)


Structure économique
Emplois cadres d’entreprises Part d’emplois occupés par des cadres d’entreprises (%)
Emplois activités immobilières Part d’emplois occupés dans le secteur des activités immobilières (%)
Chômeurs Part des chômeurs dans la population (%)

Histoire de la ville
et politique de logements
HLM Part des HLM dans l’ensemble des logements (%)
Logements construits pendant les trente glorieuses Part des logements construits entre 1949 et 1974 (%)

Enfin, la ségrégation spatiale est avant tout la conséquence des préférences à l’échelle individuelle, comme nous l’avons signalé dans le premier chapitre. Il existe donc un niveau minimum de ségrégation dans toutes les villes et les différents facteurs cités précédemment conduisent simplement à le renforcer. Cela justifie la prise en compte de la constante (c) dans la spécification des modèles de régression multiple dans la suite de l’analyse :