2.2.1. Densité de l’aire urbaine et ségrégation

Il s’agit de tester si les aires urbaines denses sont les moins ségréguées et d’analyser le type de la relation, avant de montrer l’existence d’un effet densité indépendamment de la taille urbaine.

2.2.1.1. Les aires urbaines denses sont-elles moins ségréguées ?

Les résultats du modèle empirique de régression multiple60 sur l’ensemble des aires urbaines sont résumés dans le Tableau 12. Ce dernier montre les variables explicatives, les paramètres estimés et leur niveau de significativité, les t de student et l’écart-type. Toutes les variables présentées sont significatives à 1 % et expliquent une grande partie de la variance de l’indice de ségrégation. Le coefficient de détermination ajusté du modèle est de 0,72. Seules les variables significatives à 90 % sont retenues dans les résultats (au final, elle sont toutes significatives à 99 %). Il faut rappeler que la variable taille urbaine n’est pas introduite pour éviter le problème de multicolinéarité.

Tableau 12 : Résultats du test de l’effet de la densité de l’aire urbaine sur son niveau de ségrégation
Variable Paramètre Écart-type t- student
Constante 0,19462*** 0,04748 4,099
Densité de l’aire urbaine 0,01032 *** 0,00229 4,498
Retraités -0,00592*** 0,00155 -3,823
Emplois cadres d’entreprises 0,00785*** 0,00291 2,700
Emplois activités immobilières 0,03760*** 0,00958 3,926
Chômeurs 0,00859*** 0,00302 2,850
HLM 0,00301*** 0,00074 4,088
Logements construits pendant les trente glorieuses 0,00230*** 0,00078 2,950

R2 ajusté = 0,72 ; ***significatif à 1% ; n=94 

Le test de la densité de population montre l’existence d’un lien significatif avec le niveau de ségrégation (Tableau 12). Le signe positif suppose que que les aires urbaines françaises les plus denses sont les plus ségréguées. Ce qui semble, en première analyse, incompatible avec l’objectif d’une équité spatiale à travers la ville dense. Ce résultat renforce les conclusions des travaux américains de Glaeser et Gottlieb (2006) ou de Dawkins (2005) pour qui la suburbanisation et la faible densité favorisent l’intégration et la mixité sociale contrairement à la forte densité.

Cela dit, la relation entre l’indice de ségrégation et la densité brute de l’aire urbaine n’est pas évidente (Figure 30). Elle n’est certainement pas quadratique comme le suggèrent Pendall et Carruthers (2003) car le paramètre de la densité au carré, introduite dans le modèle de régression, n’est pas significatif. Ces auteurs montrent que la relation entre le niveau de ségrégation des ménages les plus pauvres (ceux qui gagnent moins de la moitié du revenu médian de l’aire urbaine) et la densité nette d’emplois et de population est quadratique, croissante dans un premier temps puis décroissante (Pendall et Carruthers, 2003). Mais au-delà des deux contextes différents, notamment par rapport à la dispersion de la taille entre les villes, les deux résultats ne sont pas complètement comparables. D’une part, nous utilisons la surface brute dans le calcul de la densité et non la surface urbanisée, et d’autre part, nous prenons en compte l’ensemble de la population et pas uniquement les ménages les plus pauvres.

Figure 30 : Indice de ségrégation en fonction de la densité de l’aire urbaine
Figure 30 : Indice de ségrégation en fonction de la densité de l’aire urbaine

Source : élaboration propre, Données INSEE-DGI, 2005 ; INSEE, RGP 1999

Cependant, la forme de la relation ne peut pas être considérée comme linéaire. Elle est tirée seulement par quelques points (Lille, Paris, Douai-Lens, Creil et Forbach), et le coefficient de détermination n’est pas très élevé (0,34)61. Même si l’effet de la densité sur la ségrégation semble significatif, la forme de la relation demeure ambiguë voire inexistante. La densité est une variable construite à partir de la taille, ce qui nécessite la prise en compte de cette dernière lors de l’analyse des effets.

Notes
60.

D’autres régressions ont été réalisées à partir du simple indice de Gini pondéré (Gk) et l’indice d’entropie généralisé (Cf. chapitre 2). À quelques différences prés, les résultats sont comparables et les mêmes variables explicatives sont retenues.

61.

Le niveau de corrélation est plus important entre le niveau de ségrégation et la densité d’emplois (R2 de 0,39).