Chapitre 5 : Polycentrisme et ségrégation : une comparaison sur trois aires urbaines

La croissance urbaine dans la ville contemporaine a connu de profondes transformations et ne peut être représentée par le seul modèle monocentrique. Les mouvements de décentralisation de population et d’activités ont conduit à un étalement urbain parfois dispersé mais plus souvent concentré, notamment en ce qui concerne les activités. Ils se traduisent par le renforcement des pôles périphériques bien accessibles au centre et parfois par l’intégration dans l’aire métropolitaine des « villes satellites » voire des aires urbaines entières, faisant émerger ainsi des formes polycentriques.

À la différence de la forme dispersée de l’étalement urbain, cette forme urbaine est perçue comme une opportunité pour une ville plus durable. L’hypothèse d’un polycentrisme intra-urbain favorable à la réduction de la mobilité et de la ségrégation spatiale est souvent avancée (Mignot et Aguiléra, 2004). L’idée est que l’émergence d’un centre secondaire en périphérie permettrait de diversifier la population et de réduire la polarisation sociale. Dans les politiques de l’aménagement du territoire, le polycentrisme est justifié par l’objectif d’équité territoriale à l’échelle nationale et de lutte contre la ségrégation spatiale à l’échelle intra-urbaine (Baudelle et Peyrony, 2005). Face au pouvoir grandissant des dynamiques économiques et urbaines face au pouvoir politique, il semble tout à fait justifié d’essayer de les comprendre et de les orienter d’une manière permettant de mieux gérer efficacité économique et équité sociale. Les centres influencent l’ensemble de l’espace urbain et structurent la répartition des populations et des activités. Leur émergence en périphérie traditionnellement résidentielle peut être une opportunité de rapprochement des populations périphériques aux emplois et de réduction de la ségrégation spatiale dans la ville. Encore faut-il éclairer le lien existant entre la dynamique métropolitaine polycentrique et la ségrégation intra-urbaine. Les recherches théoriques et empiriques ne se sont pas assez intéressées aux conséquences de l’émergence d’une forme polycentrique sur la structure économique et sociale de la ville et notamment sur la ségrégation spatiale.

Face au peu de littérature économique consacrée à ce sujet, l’objectif de ce chapitre est de tester empiriquement l’hypothèse selon laquelle les villes polycentriques seraient moins ségréguées. Ce qui nous conduit naturellement à éclairer le lien existant entre le polycentrisme et la ségrégation socio-spatiale et les mécanismes par lesquels le premier peut influencer la deuxième (1). Cela nous permet ensuite d’apporter des éléments de réponse à travers une comparaison de trois aires urbaines en France, Lyon, Lille et Marseille (2).