1.1.2.3. Le rôle des macro-agents

Nous avons souligné dans le premier chapitre que la ségrégation spatiale n’est pas seulement liée à des mécanismes de marché foncier et de préférences individuelles, mais qu’elle est aussi associée à certaines décisions des macros-agents. L’apparition des pôles d’emploi périphériques et leur nature sont également dépendantes de ce type de mécanismes non-concurrentiels (Henderson et Mitra, 1996). Ces grands acteurs sont généralement des promoteurs d’immobilier ou des gouvernements urbains ayant suffisamment de poids pour créer des économies d’agglomération nécessaires pour attirer, en périphérie, un type d’activités (parc d’activité) ou des activités diversifiées et des ménages (Villes Nouvelles). Cette intervention a l’avantage d’inciter le déplacement simultané d’un nombre important d’agents vers des zones spécialement aménagées pour les accueillir (accessibles, riches en aménités…). L’implication de ces grands agents dans l’apparition et la détermination de la taille et du type de pôle secondaire est nettement plus importante dans la réalité par rapport à la place qu’elle occupe dans la littérature économique (Anas et al. 1998). Dans une étude empirique sur l’agglomération bordelaise, Gaschet (2003) analyse la sensibilité des différents secteurs d’activités aux économies d’agglomération des 93 parcs d’activité. Il distingue trois groupes de secteurs dont le premier est insensible à l’accessibilité routière et à l’aménagement des parcs. Il s’agit du secteur de service aux particuliers et du commerce de détail, plus attachés à la densité de population. Le deuxième groupe, celui du secteur de l’industrie, des transports et du commerce de gros, est, en revanche, très sensible à l’accessibilité. Enfin, le groupe des services aux entreprises est particulièrement sensible à l’aménagement et aux aménités. Cette analyse explique l’émergence de pôles secondaires spécialisés et complémentaires du centre historique. Le rôle des macro-agents peut être associé à la question de la taille optimale de la ville, aux économies et aux déséconomies d’agglomération, notamment dans le cadre des Villes Nouvelles (Huriot et al. 2003). L’émergence d’une Ville Nouvelle, capable d’offrir des économies d’agglomération, est une réponse à la sous-optimalité de l’ancienne ville liée à la croissance de sa taille et de ces externalités négatives. En France, les politiques d’aménagement du territoire ont largement contribué à la création de Villes Nouvelles dans les années 60 qui sont plus souvent des pôles d’emploi spécialisés ou de pôles d’habitat que de vraies villes ou de centres substituables au centre historique. La question qui se pose est de savoir si le rôle des macro-agents est suffisant pour créer une Ville (Nouvelle) concurrente au centre historique alors que ce dernier est souvent dominant ?

Cette littérature théorique, présentée ici, est indispensable pour comprendre l’émergence de la configuration polycentrique, et préciser la nature des centres secondaires et leur relation avec le centre historique. Ce qui peut fournir quelques enseignements à l’analyse empirique qui s’intéresse à l’impact de ces centres sur la ville, et cherche à les identifier.