2.1.2. Trois villes comparables par rapport aux déterminants de la ségrégation 

Avant de tester le rôle potentiel des centres secondaires dans la ségrégation spatiale à travers la comparaison de Lyon, Lille et Marseille, il est important de vérifier si les différences de niveaux de ségrégation ne sont pas liées aux autres déterminants. Au-delà de la structure urbaine, le niveau de ségrégation spatiale est effet déterminé par la taille de la ville, par sa structure soio-démographique et économique mais aussi par son histoire et celle des politiques de logement (Cf. chapitre 4).

Nous nous focalisons sur les facteurs les plus discriminants, car il est impossible de neutraliser l’ensemble des critères. L’objectif est de montrer que la comparaison n’est pas biaisée par d’autres facteurs indépendamment de la structure urbaine. Tout d’abord, parmi l’échantillon des 100 aires urbaines de plus de 80 000 habitants (Tableau 20), les trois villes sont comparables par rapport au critère de la taille de population qui affecte la ségrégation d’une manière non linéaire (logarithmique). Il s’agit des trois seules aires urbaines dépassant un million d’habitants après la métropole parisienne (11 millions d’habitants). Ensuite, nous savons que la concentration des logements sociaux favorise la ségrégation spatiale. Mais, par rapport à une moyenne de 15 % de logements HLM, un minimum de 4 % (à Fréjus) et un maximum de 36 % (à Creil), les trois aires urbaines restent relativement comparables même si Marseille frôle le 15 %. La forte présence des emplois de cadres d’entreprises favorise, également, la ségrégation spatiale. Lyon est relativement mieux dotée car elle est proche du maximum à Grenoble (9,5 %), mais le pourcentage dans les trois villes est supérieur à la moyenne (4,5 %). Enfin, le nombre de retraités est censé baisser la ségrégation spatiale d’une ville. Même si Marseille concentre un niveau plus élevé de cette catégorie sociale par rapport à Lille et Lyon, il reste équivalent à la moyenne des 100 aires urbaines (hors Paris).

Ces aires urbaines sont également comparables par rapport à d’autres facteurs, comme le nombre d’étrangers. Cependant, le taux de chômage est nettement moins élevé à Lyon et le pourcentage des logements construits pendant les trente glorieuses est beaucoup plus élevé à Marseille. Cela montre la difficulté de neutraliser l’ensemble des déterminants de la ségrégation, surtout face à la rareté des villes clairement polycentriques (Anas et al. 1998) et souligne bien les limites de notre démarche.

Tableau 20 : Niveau des principaux déterminants de la ségrégation spatiale à Lyon, Marseille et Lille en fonction des 100 aires urbaines (*Hors Paris)
  Taille de population HLM Emplois cadres entreprises Retraités
Lyon 1 648 216 19% 8,5% 19%
Marseille 1 516 340 15% 6,6% 22%
Lille 1 143 125 18% 7% 18%
Min100AU 78 500 4% 2% 17%
Max100AU 1 648 216 36% 9,5% 30%
Moyenne 100 AU* 380 000 15% 4,5% 22%

Source : données RGP 1999