2.2.2.1. Lyon : vers un centre mixte dominant une proche périphérie ségréguée

L’analyse des revenus fiscaux a montré un centre qui s’enrichit entre 1982 et 1990 avant de perdre en revenu moyen entre 1990 et 1999. Dans l’ensemble, le revenu moyen du centre augmente légèrement entre 1982 et 1999 (Figure 38).

Les évolutions des catégories sociales à l’intérieur du centre sont marquées par la croissance de la part des cadres et des professions intermédiaires et par la baisse de celle des ouvriers et des employés. Contrairement à ce qu’on peut imaginer, l’accroissement du nombre des cadres est davantage le résultat des fortes mobilités sociales et des transformations sociodémographiques que celui d’un solde migratoire positif. En termes de migrations résidentielles, les cadres quittant le centre pour s’installer ailleurs sont plus nombreux que ceux attirés par le centre (-8 % entre 1982 et 1990 et -6,6 % entre 1990 et 1999 : Tableau 21). Ce qui fait la différence entre la première période de croissance des revenus et celle de leur décroissance au niveau du centre est probablement la forte fuite des ouvriers (-5,8 %), des retraités (-13 %) et des personnes sans activités professionnelle (-8,3 %) entre 1982 et 1990. Pendant la période 1990-1999, le centre est désormais plus attractif vis-à-vis des populations moyennes et modestes et notamment des professions intermédiaires (+6,4 %) et des employés (+9 %). Cette évolution a sans doute contribué à la mixité sociale entre les populations aisées restant à l’intérieur du centre et l’ensemble des classes moyennes et modestes. Pour comprendre l’évolution de la ségrégation et le rôle du centre dans ce phénomène, il est important d’identifier les territoires d’origine de ces populations et les territoires de destination des cadres sortants du centre. Les zones d’emploi périphériques sont attractives seulement entre 1982 et 1990 alors que le reste de la périphérie continue d’attirer l’ensemble des catégories sociales pendant les deux périodes (Tableau 21), marquant ainsi la continuité de la tendance générale de l’étalement urbain.

Nous constatons tout d’abord qu’une grande partie des cadres quittant le centre de Lyon est attirée par les communes appartenant aux zones d’emplois périphériques (hors centres et reste de la périphérie). S’ils étaient 47% à emménager dans ces pôles et 41 % à aller en périphérie entre 1982 et 1990, ils sont plus nombreux, entre 1990 et 1999, à faire le choix de la proximité du centre (52 % pour les pôles d’emplois périphériques contre 36 % pour le reste de la périphérie).

Tableau 21: Évolution des catégories sociales sur les différents territoires de l’aire urbaine de Lyon et leurs mobilités résidentielles
Tableau 21: Évolution des catégories sociales sur les différents territoires de l’aire urbaine de Lyon et leurs mobilités résidentielles

Source : données RGP 1982, 1990, 1999

Nous savons par ailleurs que parmi les migrants à l’intérieur de l’aire urbaine de Lyon entre 1990 et 1999, les cadres sont les seuls à se rapprocher du centre en changeant de commune de résidence (en 1999, ils habitent à 16,2 Km du centre au lieu de 16,5 Km en 199064). Cela dit, les cadres sortants du centre font souvent le choix de l’ouest lyonnais, et particulièrement les communes relativement aisées de Caluire, Sainte-Foy-lès-Lyon, Tassin ou Écully, mais aussi des communes de l’est lyonnais comme Meyzieu, Genas ou Rillieux-la-Pape.

En revanche, la relative mixité retrouvée à l’intérieur du centre s’opère au prix d’un départ vers le centre des employés et des personnes exerçant une profession intermédiaire des communes les plus pauvres de la proche banlieue est, notamment entre 1990 et 1999. C’est notamment le cas de la commune de Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Bron ou Saint-Priest, marquées également par la mobilité résidentielle vers d’autres communes voisines de la périphérie comme Meyzieu ou Décines-Charpieu. Cela dit, la cause du déclin de ces communes n’est pas tant la fuite dont le taux reste relativement stable que l’évitement des classes moyennes et aisées mais aussi des catégories modestes à l’image de ce qui s’est passé à Vaulx-en-Velin (Tableau 22). Ce constat montre l’importance de l’image et la force des effets de stigmatisation dans le processus ségrégatif (Cf. chapitre 1). Par ailleurs et paradoxalement, les mêmes communes de Caluire et de Rillieux-la-Pape qui attirent les cadres du centre font fuir leurs classes moyennes vers le centre. Cette évolution suppose une croissance de l’hétérogénéité au sein de ces communes, entre les quartiers qui les composent .

Tableau 22 : Population, entrants et sortants de la commune de Vaulx-en-Velin entre 1982 et 1999
Population 82 90 99 Entrants 82-90 Sortants 82-90 Entrants 90-99 Sortants 90-99
Vaulx-en-velin 44516 44161 38951 14728 (33%) 17028 (38%) 11307 (26%) 17225 (39%)

Source : données RGP 1982, 1990, 1999

Le monocentrisme lyonnais, même s’il distingue bien l’est de l’ouest et exclut la banlieue défavorisée, réussit à structurer avec une couronne périphérique un espace à la fois d’emploi diversifié et d’habitat relativement mixte à l’échelle communale.

Notes
64.

En revanche, les personnes exerçant une profession intermédiaire se sont éloignées en moyenne du centre en migrant vers une autre commune entre 1990 et 1999 (16,44 et 17,13 km, respectivement). Ce résultat confirme le constat de la fuite des classes moyennes (Guilly et Noye, 2004), même si les ouvriers restent toujours les plus éloignés du centre (17,02 km en 1990 et 17,85 km en 1999).