Intérêts et limites des choix méthodologiques de la mesure et de l’analyse

La mesure

Pour quantifier la ségrégation, nous avons fait appel à différents outils de mesure simples et complémentaires permettant d’interpréter une ou deux dimensions de la ségrégation spatiale à partir des revenus et des catégories sociales. Des indicateurs synthétiques globaux simples tels que l’indice de Gini ont permis de mesurer la ségrégation spatiale sur l’ensemble des régions et des aires urbaines en France durant les vingt dernières années. Par ailleurs, les analyses de cartes et des seuils de concentration ont affiné les résultats en offrant des informations supplémentaires à une échelle fine. La disponibilité de l’information statistique à l’échelle de l’IRIS évolutif dans le recensement en continu ne permettrait pas d’effectuer ce type d’analyse dans le temps. Elle favoriserait, en revanche, les mesures par les indices synthétiques de ségrégation, capables de prendre en compte les modifications de l’échelle spatiale de mesure. La capitalisation des sources administratives, telles que les données fiscales, sera certainement incontournable dans l’avenir pour effectuer des analyses spatio-temporelles complémentaires à celles fournies par les indicateurs de ségrégation.

Enfin, ces mesures n’ont traité la ségrégation qu’à partir de la proximité, en se focalisant sur la dimension de l’inégalité et de l’homogénéité spatiales. D’autres indicateurs peuvent aborder cette question à partir d’aspects tels que l’accessibilité.

L’analyse

En ce qui concerne l’analyse de la ségrégation spatiale, nous avons essayé de prendre en compte les dimensions spatiale et temporelle. En effet, nous avons pris le soin de vérifier l’imbrication des échelles, du global au local, pour mieux interpréter les résultats des analyses effectuées au niveau communal et infra-communal. Le problème de la disponibilité des données à l’échelle du quartier nous a conduit à réduire l’analyse de l’impact des densités sur la ségrégation à la seule année 2001. Nous avons, en revanche, insisté, lors de l’analyse à l’échelle communale, sur la dynamique de la ségrégation durant les vingt dernières années.

Nous avons tenté lors de l’analyse statique méso/macroscopique de l’impact de la densité et de l’étalement urbain sur la ségrégation dans les cent aires urbaines de contrôler l’effet de certaines variables comme la taille urbaine en construisant des groupes homogènes. Mais le nombre limité d’aires urbaines ne permet pas d’étendre le raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » pour tester l’effet propre de chaque variable. Les analyses dynamiques seront certainement plus appropriées, encore faut-il disposer des données adaptées et aller au-delà de la période des deux derniers recensements 1990-1999, qui ne permet malheureusement pas de constater des changements à l’échelle des villes.

La comparaison plus fine de trois aires urbaines a l’avantage de permettre l’analyse des mécanismes ségrégatifs à travers les mobilités résidentielles à l’échelle communale. En mariant revenu et catégorie sociale, nous avons pu mettre en évidence certains mécanismes du processus ségrégatif en lien avec l’étalement urbain et le polycentrisme. La mobilité domicile-travail est un bon indicateur d’attractivité et d’autonomie des pôles, et la spécialisation sectorielle et fonctionnelle permet de distinguer leur caractère substituable ou complémentaire vis-à-vis du centre historique. La mobilité résidentielle, quant à elle, est révélatrice de préférences individuelles pour les aménités spatiales et l’environnement social. Les résultats, préliminaires, plaident à notre sens pour un prolongement de l’analyse sur plusieurs aires urbaines.