Implications politiques : lutter contre la ségrégation spatiale

L’analyse de l’impact de la forme urbaine sur la ségrégation à l’échelle des villes n’offre pas des suggestions précises pour l’intervention des politiques publiques. Cependant, elle permet, à travers la compréhension des dynamiques métropolitaines, d’éclairer le lien entre l’espace et l’usage du sol, le marché foncier, les préférences individuelles, les effets de quartier et la ségrégation spatiale.

Tout d’abord, la loi SRU offre un cadre général à travers l’objectif de mixité sociale, mais la lutte contre la ségrégation spatiale doit être adaptée à chaque effet de quartier. Par exemple, une politique de lutte contre un effet d’enclavement doit être distinguée d’une politique de lutte contre un effet de stigmatisation, malgré leur complémentarité. La lutte contre la ségrégation dans certains quartiers de la ville nécessite de « casser des images négatives » à l’origine des effets de stigmatisation et d’évitement et de « valoriser d’autres aspects ». Même si l’amélioration de l’accessibilité d’un quartier isolé favorise son désenclavement, elle n’attire pas nécessairement des populations aisées et l’impact en terme d’image n’est pas le même selon qu’il s’agit d’une mise en service d’un bus ou d’un tramway par exemple. Les tendances récentes observées dans la commune de Vaulx-en-Velin confirment cette analyse.

La solution n’est pas simple, certes, mais ce n’est pas une raison pour rejeter l’efficacité des politiques visant l’espace. Face à l’absence d’une évaluation rigoureuse des différentes politiques de lutte contre la ségrégation (Benabou et al. 2004), il est bien évidemment plus facile de remettre en cause la pertinence des politiques d’aide au territoire et de les opposer aux politiques d’aide à la personne. Pourtant, nous avons mis en évidence que les tendances de la ségrégation spatiale suivent « naturellement » les mécanismes du marché de l’immobilier et les préférences individuelles. À travers ces deux mécanismes, les politiques visant à recréer de la mixité sociale peuvent cibler à la fois l’espace en améliorant son attractivité pour les ménages aisés et les individus en les aidant à s’installer dans des territoires plus riches. Nous savons que le marché foncier ne constitue pas une contrainte pour les ménages riches car ils peuvent s’installer dans tous les territoires de la ville, mais ils sont sensibles aux externalités et préfèrent ne pas habiter des quartiers pauvres. Dans ce cas, la solution viserait l’espace. Nous savons par ailleurs que les ménages pauvres sont sensibles à l’amélioration de leur environnement social, mais le marché immobilier leur est défavorable. Dans ce cas, la solution serait de cibler ces individus en les aidant à s’installer dans des territoires riches. Au lieu d’opposer les politiques d’aide au territoire aux politiques d’aide à la personne, il semble plus judicieux de chercher une meilleure articulation pour mieux lutter contre le processus ségrégatif et les inégalités qui l’accompagnent et l’entretiennent.