§2. La représentation désignée

Les interactions entre les institutions semblent inévitables, tant elles sont liées. En effet, deux des trois composantes du comité d'entreprise (membres élus et représentants syndicaux) ont un rapport plus ou moins direct avec le syndicat. Les membres élus sont issus, pour partie au moins, des organisations syndicales, puisqu'elles ont le monopole de la présentation de candidats au premier tour des élections du comité et les représentants au comité d'entreprise sont désignés par leur syndicat.

Ainsi, le syndicat est un premier lien entre délégué syndical et membres du comité d’entreprise. Les représentants syndicaux au comité d'entreprise (également au comité d’établissement, au comité central d’entreprise) sont des membres non élus du comité. Leur désignation au sein du comité d'entreprise est facultative « mais en pratique toutes les organisations syndicales représentatives présentes dans une entreprise ou un établissement procèdent à cette désignation même lorsqu’elles n’ont pas d'élus au comité »168. En principe, chaque organisation désigne un seul représentant : « Sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l’article L. 2143-22, chaque organisation syndicale de travailleurs représentative dans l'entreprise peut désigner un représentant au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L. 2324-15 » selon l'article L. 2324-2 du Code du travail (L. 433-1 a. C. trav.). Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, le délégué syndical est représentant de droit au comité d'entreprise, de même dans les comités d'établissements de ces entreprises169 (A).

Le rôle des délégués des syndicats (B) est très proche de celui des membres élus, puisqu'ils peuvent dialoguer avec le chef d'entreprise, faire des contre-propositions aux projets qui leur sont présentés. La grande différence avec les élus tient à la signification de leur vote car leur voix n'est que consultative. Le vote n'est qu'un moyen pour eux d'exprimer un avis et non d'arrêter la prise de position du comité. Cependant la stabilité de leur présence au sein du comité, du fait de leur désignation, représente un grand avantage par rapport aux élus.

Le représentant syndical est donc un excellent vecteur de la circulation de l'information entre le comité d'entreprise et le syndicat. Lorsque le représentant au comité d'entreprise est aussi délégué syndical, la consultation devient alors une étape de la négociation, étant donné qu'il dispose de toutes les informations économiques délivrées au comité d'entreprise pour défendre son point de vue pendant la négociation.

La composition du comité d'entreprise n’est pas binaire comme on pourrait le penser à priori. Il existe en fait trois composantes distinctes au sein du comité d'entreprise : les parties patronale, salariale et syndicale.

La confusion entre la partie salariale et syndicale est fréquente, mais l’idée selon laquelle les représentants élus et les représentants syndicaux seraient identiques est fausse. L’objet de la représentation n’est pas le même, le mode de désignation est différent.

La confusion entre ces deux composantes du comité d'entreprise provient du fait que le syndicat est détenteur d’un monopole de présentation de candidat au premier tour. C’est pourquoi les élus sont souvent syndiqués mais le législateur ne s’est pas contenté de cette règle pour assurer une présence syndicale au sein du comité d'entreprise. Il a préféré octroyer une présence spécifique au syndicat par le biais des représentants syndicaux.

La désignation de représentants syndicaux au comité est une possibilité offerte à chaque syndicat représentatif dans l’entreprise. Cette possibilité a été instaurée dès 1945170 mais le contour de leur mission était plus que flou. Une loi est donc venue préciser les prérogatives de ces membres particuliers. En effet, la « loi du 18 juin 1966 est venue reconnaître à chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise le droit de désigner un représentant (obligatoirement choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise) qui assiste avec une voix consultative aux séances du CE (art. L. 433-1, C. tr. In fine) »171.

Il est à noter que ces représentants constituent la première émanation directe du syndicat dans l’entreprise et, selon Maurice Cohen, la loi de 1966 « préparait le terrain à la loi de 1968, laquelle a reconnu le droit syndical à l’intérieur de l’entreprise et institué des délégués syndicaux. »172

Notes
168.

Maurice Cohen, Le Droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, LGDJ, 8ième édition, 2005, p. 128.

169.

Article L. 2143-22 du Code du travail (L. 412-17 a. C. trav.).

170.

Pour l’histoire du représentant du syndicat au sein du comité se reporter à l’ouvrage de Maurice Cohen : Le droit des comité d’entreprise et des comité des groupe, LGDJ, 8ième édition, 2005, p. 129 et s.

171.

André Brun, Henri Galland,  Droit du travail, tome 2 : Les rapports collectifs de travail, 2ième édition, 1978, p. 326.

172.

Maurice Cohen, Le Droit des comités d’entreprise et des comités de groupe, LGDJ, 8ième édition, 2005,p. 129.