I. 2. La comparaison ou la blessure de l'Autre.

L'écrivaine tunisienne Hélé Béji, dans un passage tiré de l'un de ses essais fait de la tendance à tout comparer l'un des traits distinctifs de tout auteur ex-colonisé, en limitant son analyse à la comparaison. Elle avoue à ce propos:

‘La terre où je me contemple est l'Orient, le lieu où je m'exprime est l'Occident. La bizarrerie de cette posture ne m'échappe pas, car je m'éprouve d'abord sous la forme d'une géographie paradoxale, danslaquelle rien necorrespond mais tout communique. Cette architecture darde inlassablement sur mes pensées la luminosité changeante – rayon levant, rayon couchant – d'une indiscernable demeure. Pourtant mon expérience n'est ni unique ni originale, et il ne serait pas surprenant que d'autres s'y reconnaissent. Elle illustre la coalescence de deux mondes, que la raison tend toujours à considérer séparément, mais que la vie combine si violemment qu'il en émane comme une troisième existence, mystérieuse, dont les deux précédentes ne paraissent plus alors que de simples instruments.
Cet Orient et cet Occident dont je suis également animée, je les embrasse et les repousse tour à tour, dans tout l'éventail de leurs penchants incompatibles, jusqu'à ce que se forment en moi les étranges figures d'une connaissance intime et distancée. C'est une drôle de conversation, un permanent conciliabule de leurs énigmes qui vous dote d'une disposition quasi naturelle à l'exercice de la comparaison. Comparer, confronter devient un réflexe immédiat, où l'instabilité de l'être se trouve heureusement rattrapée par l'étendue de cette double assise de gravité de l'esprit.145

On pourrait étendre ce discours à toutes les figures du discours mentionnées plus haut car elles aussi, comme la comparaison, ne seraient qu'un témoignage de la double ou triple culture des deux auteurs. Et cette aptitude à la comparaison ne serait donc que la blessure langagière laissée par l'Autre. Ou plutôt la marque indélébile de la rencontre de deux civilisations totalement différentes. En tout cas cette figure de rhétorique ne fait qu'enrichir les textes maghrébins en devenant la principale figure de leur fécondité au niveau sémantique. En effet par leur but d'éclaircir une affirmation, un état d'âme, un sentiment ou encore une description, les comparaisons ne font qu'apporter au texte, par le biais du comparant, un surplus de sens146. Dans leur souci constant de s'assurer une compréhension majeure auprès du lecteur, les deux auteurs ont saturé de comparaisons leurs œuvres. Leur indiscutable supériorité numérique par rapport aux autres figures du discours nous a poussés à essayer de faire une classification à la fois formelle et thématique mais sans aucune prétention d'exhaustivité. Les comparaisons les plus récurrentes chez Saïd et Nadir sont d'ailleurs les plus classiques, c'est-à-dire celles qui sont introduites par le modalisateur comparatif “comme”. Ensuite il y a aussi de nombreuses comparaisons avec “tel / telle” et quelques-unes sans aucun modalisateur comparatif147. Pour ce qui concerne la classification au niveau thématique nous avons remarqué tout d'abord la forte présence de comparaisons dont le comparant renvoie à la nature avec ses phénomènes, à la mer, au règne animal, aux différentes parties du corps humain, au langage et à l'écriture surtout poétique. En particulier, chez Saïd, l'on trouve toute une série de comparants qui se réfèrent à quelque chose d'indélébile tandis que chez Nadir il y a quelques comparants tirés de la mythologie, de la religion, de la philosophie, etc., comme s'il saisissait toujours l'occasion pour étaler sa culture148. Nous avons aussi constaté, surtout chez Nadir, la tendance à développer très souvent le deuxième terme de la comparaison en donnant vie à une scène bien décrite dans les détails et cela pour visualiser ses comparaisons en réservant au comparant la traduction en images de ce qu'il dit au début. Il s'agit des comparaisons-scénarii qui apparaissent lorsque l'écrivain est épris d'un souci de clarté.

Parfois cette figure de rhétorique finit par influencer la structure même du poème qui se présente ainsi comme une suite de comparaisons enchaînées149. C'est le cas de cette espèce d'élégie, écrite pour la mort de quelqu'un de très cher à l'auteur:

‘la mort tu ne l'as pas
lue dans les yeux
de celui qui s'en va
tu l'as lue dans ses hiéroglyphes
tracée comme signe
d'un passage

où était-ce toi qui partais
la mort aveugle
en naissant tu l'avais
dans les yeux comme une coupole
comme un visage
d'enfant
elle habitait ton regard

comme une promesse aussi
quand elle s'affublait de noms
de noms de vivants
de nom de fuite en jouant à ta vie
quand elle prenait ton nom
en t'adjurant de vivre
(PN, p. 21)’

Ce poème voilé de nostalgie pour cette personne qui est morte prématurément, contient deux types de comparaisons que l'on trouve très fréquemment chez Saïd, à savoir celle dont le comparant est tiré de l'une des parties du corps humain (“un visage d'enfant”) ou bien de quelque chose qui laisse une trace (“signe d'un passage”)150. Enfin, le choix du comparant “une coupole” disposé en chiasme avec le comparant suivant, exprime bien tout le poids du mauvais sort qui marque la vie de cette personne dès sa naissance.

Poussé par cet effort constant de clarté l'auteur finit paradoxalement par rendre plus difficile la compréhension du poème comme dans cette strophe où l'on assiste à un “embouteillage” de comparaisons:

‘et le silence palpite telle la mer
en son ventre de sel
palpite comme l'aile d'un oiseau
apprivoisant lentement le ciel
comme le vent la terre la vie
(DS, p. 97)’

Parfois le choix du comparant exprime une volonté de la part de l'écrivain de choquer son lecteur en créant des comparaisons aux effets dépaysants comme le montrent bien ces strophes dont la première se développe autour de deux antithèses (blanc / noir, silence / bruit), tandis que la deuxième s'achève sur une hyperbate curieuse:

‘et cette ombre noire d'attendre
dépouillée comme un os
éclairci de solitude
creusant sa voix en rondes de silence
rumeur enflée
à mon cœur coquillage
(MI, p. 38)’ ‘un océan est toujours là
à enfler ses voiles comme des oreilles neuves
spirales pour un visage de sable monstrueux
(Ibid., p. 96)’

Par contre, dans ces vers l'effet dépaysant est obtenu grâce à la présence d'un comparant lié au domaine scientifique qui contraste avec le contexte lyrique151:

‘la mémoire présente
est lourde du crépuscule
qui m'a sculpté un visage
comme un bistouri
au travers du cœur
(Ibid., p. 34)’

Parmi les différents types de comparants nous en avons trouvé plusieurs, surtout chez Saïd, qui renvoient soit au langage soit à l'écriture dont la strophe suivante constitue un exemple intéressant152:

‘jeux de mirages
sans paupières
lettre morte
en guise de message
inexplicable
au sein des saisons jalouses
qui se plaisent
à décomposer la lumière
et ne laissent rien
qu'un tracé de crépuscule
posé à même l'encre de la nuit
comme une signature
d'agonie
(Ibid., p.126)’

Ici le champ lexical de l'écriture finit par contaminer la strophe entière en donnant vie à un jeu de miroirs parmi les différents vers. La réflexion sur l'art scriptural est toujours présente chez cette poétesse qui semble obsédée par la recherche de la raison principale de son besoin spasmodique d'écrire.

La nature et la mer qui apparaissent comme toiles de fond privilégiées des poèmes ne manquent pas de donner vie aussi à des comparaisons très suggestives, comme la suivante, qui amorce une contamination de champs sémantiques par le biais de la synesthésie. Celle-ci se répand dans les deux strophes enchaînées aussi par le procédé stylistique de l'anadiplose153:

‘et plus haut c'est une chanson
très claire très blanche
comme une eau mûre
musicale et tendue

tendue vers la terre encore
et pour un temps neuve
ronde et bleue de cascades
fiévreuses et de vie pure
(Ibid., p. 77) ’

Parfois le choix du comparant donne vie à des processus de concrétisation, d'abstraction, d'humanisation, de réification et d'animalisation selon le but de l'écrivain. La présence d'un comparant concret permet de visualiser un comparé abstrait comme si l'auteur voulait rendre tangibles ses sentiments154. Ou vice-versa, le choix d'un comparant abstrait finit par dissoudre la réalité décrite dans le comparé comme en témoigne cette strophe155:

‘les femmes désormais tenues
à l'écart des batailles et du temps
n'ont que l'étendue des siècles à contempler
visages plantés d'antiques tatouages
silhouettes teintes vivant une vie d'emprunt
et fixes comme la peur
(SF, p.75)’

Lorsque le deuxième terme de la comparaison est une personne ou bien il renvoie à une partie du corps humain, on est en présence du processus d'humanisation156. Si, par contre, le comparant appartient au domaine de l'inanimé, il y a une tentative de réification. Ce dernier processus est très utilisé dans les descriptions des personnages des contes pour donner vie ainsi à de véritables caricatures comme la suivante157:

‘Immense, l'air hargneux et féroce, la moustache en pointe et le cheveux ras, il avait un poitrail de chameau, des muscles noueux et des jambes comme des colonnes. (LS, p.126)’

Enfin, il y a un processus d'animalisation lorsque l'auteur associe le sujet du comparé à un animal présenté dans le comparant158. Il est curieux de remarquer que, chez Saïd, les animaux sont presque toujours, sauf l'oiseau qui fait partie de son vocabulaire poétique, des hapax dans ses recueils poétiques. Ainsi l'on trouve, nommés une seule fois, entre autres, le hibou (MI, p. 111), la coccinelle (MT, p. 77), le chat (SF, p. 44), l'hirondelle (Ibid., p. 68), le fennec (NA, p. 65), l'épervier (DS, p. 104).

Nadir semble privilégier les comparaisons-scénarii qui abondent dans ses récits pour leur donner, de temps en temps, une touche poétique lorsque la narration prend le dessus. Il s'agit d'une pause lyrique comme si le poète qui vit en lui s'arrêtait un instant pour se mettre à l'écoute de son cœur. Ce procédé stylistique est bien exprimé dans l'apostrophe suivante dont la structure se présente comme une prière scandée par une série de verbes à l'impératif et de comparaisons se référant principalement à la nature et à ses phénomènes. Parmi elles se détache la comparaison qui est introduite par le modalisateur “avec” et dont le comparant développe une scène de paix, cette paix si désirée par le sujet implorant:

‘Sur ta colonne, Siméon, quelles furent tes pensées, tes sentiments et ton espérance? Parle-moi comme la pluie et laisse-moi t'écouter. Eclaire ma nuit, dis-moi les mots qui affermiront ma résolution et m'apprendront à attendre la fin avec la sérénité d'un ciel épuré de colombes. Habite-moi, Siméon, comme le songe, féconde-moi comme l'étoile gémellaire, enfante-moi comme le miroir de l'eau... (LP, p. 119)’

Les comparaisons nadiriennes présentent souvent un comparant qui, tout seul constitue, dans sa concision, un tableautin isolé comme dans le passage suivant où l'auteur, pour mieux faire comprendre l'état d'âme du personnage, recourt à deux comparaisons enchaînées développant, elles seules, une micro histoire à l'intérieur même du récit159:

‘Elle passa sur ses lèvres gercées une peinture rouge et entreprit, avec des poudres et des herbes, de maquiller son pauvre visage ridé, comme une fiancée s'apprêtant à des épousailles longtemps attendues. Oui, comme une femme prête à accueillir un époux mystérieux mais désiré. (Ibid., p. 83)’

Cependant le comparant peut se transformer, chez Nadir, en une véritable glose explicative. D'ailleurs l'auteur, poussé par un désir d'exhaustivité, utilise n'importe quel stratagème pour enrichir de renseignements ses textes. Dans le cas suivant il se sert du deuxième terme de la comparaison pour définir le théâtre d'ombres:

‘Ne voyez-vous pas que la confusion entretenue, entre la substance spirituelle de la révélation et les miettes hasardeuses et non sacrées de l'exercice législateur, a abouti à asseoir les assises du pouvoir et à justifier toute injustice, en faisant prendre la proie pour l'ombre et en confondant l'aléatoire et l'essentiel, comparable en cela à ce Khayal al Dhil où les figurines s'effacent au profit de leurs ombres entre les mains d'un montreur, maître de l'illusion. (AM, p. 75).’

Le passage précédent cache un jugement négatif de l'auteur sur la religion islamique où la foi est mise au service de l'État en aboutissant à une confusion de rôles et de pouvoirs. Nadir laisse passer souvent, dans ses récits, un message, comme dans l'exemple suivant qui révèle tout le désespoir du narrateur face aux changements brutaux causés par la modernité sur un paysage intact:

‘Du haut de ma colonne, je pouvais voir les quatre coins de l'Ile. Pour la première fois, je pouvais discerner sa morphologie particulière. A mes pieds, elle s'étendait comme une belle endormie. Au nord, le vallonnement des collines, au centre, le bouillonnement bigarré de la ville et au sud, l'étalement plat des plaines irriguées. Des échafaudages métalliques avaient été édifiés sur toute la surface de l'Ile pour l'extraction des richesses souterraines. Ils étaient comme des purulences apparues sur la face de l'Ile. (LP, p. 110)’

Tout l'attachement du personnage pour cette île est bien exprimé non seulement par le choix, très fréquent chez cet auteur, de l'écrire avec la majuscule mais aussi par le processus d'humanisation amorcé grâce aux deux comparaisons.

Après avoir vu comment les deux écrivains se servent habilement de cette figure de rhétorique pour donner vie à un style très personnel, nous allons nous occuper, dans le paragraphe suivant, de la comparaison dans sa forme abrégée, à savoir la métaphore.

Notes
145.

Béji, H., L'imposture culturelle, Paris, Stock, 1997, pp. 13-14.

146.

Dans cette comparaison, par exemple, Saïd aboutit à la confusion de trois espaces (ciel-terre-mer) par la juxtaposition de leurs champs lexicaux en donnant vie à un comparant très riche au niveau sémantique: “et cette chair aveugle / qui dort et enfle / comme étoile poussant ses branches / nourrie des sucs de la mer” (SF, p. 72).

147.

Voilà quelques exemples de comparaisons introduites par le modalisateur “tel/telle”: “tels des oiseaux acerbes / elles déploient des ailes froissées” (MT, p. 15); “telle une lame / quelque chose lacère la lumière” (Ibid., p. 53); “notre ombre fleurit tel un oiseau” (DM, p. 52); “ne tuez pas la lumière / en nous / tel un vaisseau dans la nuit” (DS, p. 112); “Quand les amarres furent coupés, les deux vaisseaux s'élancèrent d'un bond désordonné, telles de fougueuses montures libres de toute contrainte” (LP, p. 19). Par contre, les comparaisons suivantes sont dépourvues de tout modalisateur comparatif: “un vide grandit / au cercle de la pupille / te fixe te dépouille / t'attire navette / tendue dans l'extrême silence” (MI, p. 54); “les mots s'envolent / embruns / quittant la vague / pour le vent” (FO, p. 11); “mouette posée sur les navires blancs / je traverse la mer intérieure” (PM, p. 40); “les formes architecturales la / tatouant sont, graines éparpillées d'un chapelet rompu, / ses signes et son témoignage.” (LC, p. 19).

148.

“Et dans mon âme, le désir de la noyade / Comme un baptême dans les eaux du Jourdain.” (LC, p. 11); “Mais, comme le Phénix renaissait de ses cendres, La voilà qui cicatrise ses blessures et renâit à la vie, avec ses exigences redoublées.” (AM, p. 56); “...l'original du Coran était comme un modèle platonicien...” (Ibid., p. 109).

149.

Cette figure de rhétorique est très employée aussi par Nadir qui, au début de sa Célébration du Premier Matin, définit le vent par une suite des comparaisons donnant au poème un ton emphatique. En effet le vent est: “Irrité et violent comme le souffle des Forges, / Calme et doux comme le soupir de la Vierge d'ébène, / Rectiligne comme le fil du Tisserand, / Tortueux comme la Transgression, / Accordé au monde comme les Gémeaux, au fronton / de la nuit” (LC, p. 7).

150.

Voilà d'autres exemples de comparaisons dont le comparant est représenté par des marques plus ou moins indélébiles: “hors l'aube comme plaie dans les ténèbres” (MI, p. 13); “et toujours la mémoire comme une blessure commune” (Ibid., p. 63); “la vision d'un monde / en creux / comme une empreinte / d'éternité / sur un dos de tortue” (FO, p. 24); “la ligne du ciel / est comme une incision / de la lumière” (NA, p. 79); “Le labyrinthe et son fil d'Ariane: une chapelet d'îles / comme un tatouage immémorial” (LC, p. 22). Et quelques exemples aussi de comparants se référant à une partie du corps: “je retiens mal mes enseignes / et me défais comme une chevelure” (PN, p. 78); “chaque jour ce cris ramassé / porté comme un corps” (MI, p. 71); “arbre / innervé comme une main / naissant à la lumière” (SF, p. 29); “la nuit palpite / comme un sein alerté” (UA, p. 66); “j'ai porté en moi le vide comme la bouche d'un noyé” (DS, p. 90); “la pulpe juteuse des fruits, comme une vulve, pour la durée” (LC, p. 9).

151.

Saïd aime insérer souvent dans ses poèmes des termes médicaux qui donnent vie à des métaphores filées. La présence de ces termes proprement scientifiques dans un contexte inapproprié révèle une recherche de déstabilisation de la part de l'auteur. Dans le prochain paragraphe consacré à la métaphore nous allons aborder aussi ce choix stylistique curieux en nous nous appuyant, comme d'habitude, sur des exemples précis.

152.

Voilà d'autres exemples éclaircissants: “chaque matin se réapprend / comme un langage” (SF, p. 95); “mégots tenaces et prétextes / entre les doigts / comme une métaphore acharnée / à brûler au cœur” (MI, p. 51); “comme la parole / la lumière est médiatrice” (GL, p. 30); “comme toi comme le poème / cette terre est née / du regard qui l'a rêvée” (PM, p. 47).

153.

Voilà d'autres exemples chez les deux auteurs de comparaisons dont le deuxième terme est tiré de la nature ou de la mer: “j'ai cultivé le silence comme une plante rare” (DS, p. 88); “comme un fruit cruel / la nuit reprend ses droits” (UA, p. 26); “Mauves sont tes lèvres / Comme, à l'automne, le lichen des mers” (SS, p. 67); “son chant vertical de midi suspendu / comme un jonc rigide / Au milieu du champ bleu” (LC, p. 25).

154.

Voilà des exemples de concrétisation amorcée par le comparant: “paix et angoisse / alternent comme les vagues” (GL, p. 83); “et la méfiance comme digue / à l'oppression du cœur / et des mots” (MI, p.116); “aimer comme une rive / malgré cette distance / qui s'insinue / au clair de nos blessures” (SF, p. 46); “la solitude est drame / sans la source claire au cœur / de ce désert elle surgira / tel un livre secret des lèvres / du messager” (GL, p. 105); “Ses songes se détachèrent de lui comme les écailles d'une ancienne peau chassée par la mue (AM, pp. 106-107).

155.

Voilà deux autres exemples de ce type de processus: “je suis pierre / et seule / comme la solitude // seule / et noire comme le destin” (FO, p. 38); “Une flamme douce comme le souvenir” (LA, p. 88).

156.

À ce propos voilà quelques exemples significatifs: “d'un jour nu comme une femme” (SF, p. 91);”dans la lumière noire de la nuit / la chair pâle de la lune / comme l'épaule ronde d'une femme” (DS, p. 48); “Monde gainé de fer / comme la main dans le gantelet.” (LP, p. 105).

157.

Voilà d'autres descriptions où l'on trouve le processus de réification: “― Un gamin de quinze ans sec comme une gousse de caroube?” (LS,p. 127); “Puis son œil unique distingua, parmi toutes, l'incomparable Noura: «Celle-ci est comme une lampe allumée, songea-t-elle,à côté d'elle, la lumière du soleil pâlit! Pourquoi Dieu l'a-t-il faite si jolie et moi si laide?»” (Ibid, p. 132); “Ils désignèrent un hargneux aux mains comme des bûches...” (Ibid., pp. 166-167); “Il ne fallait pas que ces citadins, blancs comme des pains mal cuits...” (AM, p. 21).

158.

Voilà des exemples d'animalisation: “Avec son visage plein, ses cheveux très noirs dont les tresses, tels deux serpents inoffensifs, dansaient dans son dos...” (LS, p. 131); “― Dix mille réaux! lança Jha, vexé comme un pou.” (Ibid., p. 150); “la sécheresse est / comme un serpent” (MI, p. 32).

159.

Voilà d'autres exemples extraits des poèmes et des récits: “Et c'est l'heure où le ciel, comme un grand totem paré / pour la danse rituelle, dilate son œil pour l'enchantement...” (LC, p. 9); “Trois roses dans ta paume, écloses / Comme, entre les doigts de l'épousée, / Un tatouage odorant de henné” (LA, p. 59); “Nos paroles croisées / Ont, longtemps, tatoué la mer / Comme, en leur envol, / Les colombes calligraphiaient le ciel.”(Ibid., p. 68); “C'est dans cette ville que la lumière de la foi fondit sur son cœur, tout aussi soudainement que l'aigle se laisse tomber sur une proie vite lacérée.” (LP,p. 29);“Mon frère m'assurait que, fidèles à notre ascendance et notre rang, nous serions les derniers citoyens de l'Ile à embarquer pour le départ définitif, comme des capitaines de navires en perdition respectueux de la tradition et du code de l'honneur.” (Ibid., p. 116).