Chapitre I : Les femmes et le genre au cœur des traditions vietnamiennes

Omniprésent, le discours sur la tradition s’insinue très loin dans l’image que, partout, l’on propose du Viêt Nam. C’est le nouveau ciment idéologique du pays. Les études historiques et littéraires, les beaux-arts, la redécouverte des œuvres naguères censurées, les articles de journaux, les productions culturelles actuelles : tout cela porte désormais le label « tradition » qui est un gage d’orthodoxie pour la plupart, et pour quelques-uns, une manière habile de faire passer des idées.

Philippe Papin, Parcours d’une nation, 1999

Les traditions vietnamiennes étaient et sont souvent appréhendées dans le contexte d’une culture sinisée dominée par le confucianisme. Dans la philosophie confucéenne, le principe directeur étant celui de l’ordre, de la hiérarchie, la femme se voyait assigner le rôle inférieur à celui de l’homme. L’ordre (trât tu, tôn ti trât tu) était perçu à la verticale, où le noble (tôn=en haut, grand, noble, valorisant et valorisé) était au-dessus et le vilain (ti=en bas, petit, humble, vil, de peu de valeur) au-dessous. La hiérarchie des genres en découlait tout naturellement : nam tôn nu ti (l’homme en haut, élevé, grand, noble ; la femme en bas, petite, humble, vile). Cette hiérarchie définissait effectivement la dominante du contexte socio-culturel dans lequel nous allons repérer l’émergence de nouvelles expérimentations.

Il n’empêche qu’elle ne saurait rendre compte ni totalement ni fidèlement des réalités. A travers l’orthodoxie confucéenne, mais aussi dans les philosophies et pratiques d’autres religions, dans les données anthropologiques et folkloriques, nous essayons dans ce premier chapitre de cerner les multiples figures de la femme mythifiée dans la conscience populaire. Nous analyserons d’un autre côté des représentations de femmes dans la littérature classique pour voir dans quelle mesure les écrivains et écrivaines ont pu s’échapper des contraintes idéologiques dans lesquelles ils/elles avaient été formé-es pour exprimer des aspirations plus profondément et plus largement partagées par le public lecteur.