Le confucianisme entra au Viêt Nam avec la première domination chinoise qui dura de 111 AC à 938. Il fut officiellement reconnu comme une philosophie et une source de connaissances utiles à partir du 11ème siècle avec l’empereur Ly Thai Tô 94 qui édifia le temple de Confucius et organisa les premiers concours mandarinaux. Il vivait jusqu’au 15ème siècle dans une coexistence plus ou moins harmonieuse avec le bouddhisme et le taoïsme – ce qui permettait par la même occasion la survivance de traditions matrilinéaires plus profondément ancrées depuis un passé en partage avec d’autres populations sud-est asiatiques. Mais avec l’avènement de Lê Thai Tô 95 et surtout à partir du règne de Lê Thanh Tông, le règne le plus long et le plus favorable aux lettrés, le confucianisme ou plus exactement le confucianisme des Song s’imposa comme idéologie d’Etat et comme une source à la fois unique et omnipotente du savoir et surtout du savoir-être des hommes et, par voie de conséquence des femmes.
Vivant à l’époque troublée dite des Printemps et des Automnes, Confucius fut un nostalgique du passé. Son idéal politique avait toujours été la société idéale et idéalisée de l’époque des Zhou de l’Ouest où était censée régner la paix dans un ordre et une harmonie parfaites. La philosophie confucéenne n’était point une innovation mais plutôt une systématisation dans un objectif de restauration des valeurs chinoises antiques.
Dans ce système de valeurs, Confucius privilégiait l’ordre considéré comme étant à la base de la paix politique et de l’harmonie sociale 96 . Dans cet ordre, il faut bien que chacun soit à sa place, au rang qui lui est assigné, car l’ordre est conçu à la verticale, comme une hiérarchie 97 , où les femmes sont évidemment au bas de l’échelle. Reprenant à son compte la dichotomie 98 bien répandue dans la philosophie antique chinoise du yin et du yang 99 en la rigidifiant, le confucianisme lui assigne en surplus une dimension hiérarchique en plaçant le masculin au-dessus du féminin. Les formules fréquemment citées du confucianisme exprime un dualisme répété entre le masculin valorisé et le féminin dévalorisé (nam tôn nu ti, le masculin est haut placé et noble, le féminin est bas et ig-noble), le masculin pèse lourd et le féminin plus léger (nam trong nu khinh), le mari souverain et la femme assujettie (chông chua vo tôi). Se servant des rites 100 pour organiser la société, il recommande de « se ligoter 101 pour se conformer aux rites ». Dès leur plus jeune âge (avant de parler), les enfants vietnamiens apprennent à se croiser les bras et à baisser la tête en saluant les grandes personnes. Les Japonais, les Coréens se courbent plus ou moins profondément selon le degré de respect qu’ils doivent à l’interlocuteur. Les peuples asiatiques de culture sinisée pratiquent le geste rituel que les Vietnamiens appellent lay qui consiste à s’agenouiller (s’abaisser devant l’interlocuteur debout ou assis sur un siège plus élevé), les mains jointes, et à se prosterner jusqu’à ce qu’on soit face contre terre. Toute cette gestuelle fait partie des rites qui symbolisent le respect de l’ordre hiérarchique et la soumission du subordonné, du subalterne à son supérieur.
Toujours est-il qu’avant 1945, les trois liens et les cinq qualités permanentes pour les hommes, les trois dépendances et les quatre vertus pour les femmes étaient perçus par la majorité des gens comme les bases de la morale traditionnelle vietnamienne. Les trois liens 102 sont ceux qui subordonnent le sujet au souverain, le fils au père et la femme à son mari. Les cinq qualités 103 permanentes 104 de l’homme (masculin) sont : le sentiment humain, le sens du devoir, le respect des rites, l’intelligence et la loyauté 105 . Nhân (sentiment humain) est de loin le concept privilégié par Confucius. Il y a deux caractères nhân, le premier signifie “un être humain” (donc, sans discrimination sexuelle), le deuxième signifie “ce qui fait qu’un être humain est digne de l’être”. Ce dernier est composé de deux caractères , ce qui aurait signifié que dans l’optique chinoise, savoir se comporter comme un homme (être humain), c’est savoir gérer ses relations avec d’autres êtres humains. En principe, n’est pas sexué non plus. Mais en fait, comme savoir se conduire implique d’être instruit et que l’instruction en règle générale n’est pas accessible aux femmes, comme les autres “qualités permanentes” est censé être qualité masculine. Les trois dépendances 106 – obligations exclusivement féminines – sont la triple soumission au père quand la fille est encore chez ses parents, au mari une fois mariée et au fils aîné après le décès du mari. Les quatre vertus (tu duc) – exclusivement féminines aussi – sont l’habileté au travail ménager, le sérieux du visage, la politesse et la soumission exprimées dans la parole et la vertu féminine par excellence, la chasteté. De Gia huân ca 107 , l’extrait ci-dessous explique bien ce que sont les quatre vertus et est de ce fait souvent appris par cœur par plusieurs générations de jeunes filles “bien éduquées” :
‘« Công veut dire savoir confectionner toutes sortes de riz gluants et de gâteaux, être minutieuse et fine dans vos travaux d’aiguille ; dung désigne un visage de jade sérieux, qui ne se veut point séduisant ni séducteur ; ngôn vous apprend à présenter une requête, demander une autorisation, exprimer votre accord soumis, adresser la parole poliment ; hanh est la bonne conduite qui témoigne de votre droiture, votre respect [des normes] et qui vous rend digne de confiance ».’La différence est nette entre l’éducation des hommes et celle des femmes. L’instruction confucéenne poursuit l’objectif de faire de l’homme un homme instruit, c’est-à-dire d’abord bien éduqué 108 , un homme de bien (quân tu), digne d’être homme, capable et enthousiaste d’assumer son devoir d’homme. Il s’agit certes d’un sujet conscient de ses obligations envers son souverain et son père – souvent exprimées par trung hiêu, fidélité et loyauté envers le souverain et piété filiale – mais aussi d’un être autonome qui fait preuve de sentiment humain envers son prochain, qui a un sens du devoir vis-à-vis des autres, de la famille, de la société et aussi à l’égard de lui-même, qui se montre courtois dans les relations interpersonnelles et respecte les normes de conduite dans la communauté, qui use de son jugement pour agir en toute lucidité, qui tient sa parole, qui a en somme une haute conscience de son honneur et de sa dignité. Rappelons par exemple le sens de liêm (intégrité, c’est-à-dire ne jamais accepter de cadeau qui puisse exercer sur soi une pression pour s’écarter de la droiture dans sa conduite) et si (sens de la honte, avoir honte d’une situation indigne, de la faute commise ou d’un manquement au devoir moral, même si en apparence « personne ne le sait », personne ne vous le reproche, voir infra note 97). Liêm si forme un mot composé qui veut dire avoir le sens de la dignité, du respect de soi. Vô liêm si (ne pas avoir ce sens) est une injure des plus infamantes, surtout quand ce jugement est porté sur une personne un tant soit peu instruite. Il est lieu de souligner le concept de la prise de conscience éthique, de l’auto-contrôle et de l’auto-évaluation 109 du sujet confucéen ; il remplit ses devoirs parce qu’il y met son honneur personnel et non pas du tout par une quelconque soumission aveugle 110 ou obéissance vile et passive. L’homme de bien, l’idéal vertueux confucéen est celui que la richesse et les honneurs ne sauraient séduire, que la misère et l’adversité ne sauraient avilir, que le pouvoir et la force brutale ne sauraient subjuguer 111 .
Au contraire, l’éducation féminine vise à en faire une subordonnée à vie qui demeurerait successivement dépendante de son père, de son mari et de son fils, en somme d’un homme. Les qualités qu’on souhaite développer chez la femme sont celles qui lui permettraient de mieux servir son maître et seigneur, de lui préserver – à lui-même et à sa grande famille – l’exclusivité de la virginité de son corps comme la soumission totale et le dévouement inconditionnel de son corps et de son âme à la belle-famille.
Cependant, le point commun de l’éthique confucéenne inculquée aux hommes et aux femmes reste le caractère de l’acceptation vécue comme volontaire 112 des principes moraux, une impulsion interne qui pousse la personne “bien éduquée” à agir selon “le bien” sans avoir besoin de contrainte externe. C’est cet aspect souvent insuffisamment pris en compte qui fait toute la force – et tout le danger – de l’éducation confucianiste. Il est lieu d’évoquer une sentence où l’on commet souvent une erreur d’interprétation. Pour expliquer ce que sont les devoirs de fidélité et de loyauté envers le souverain (trung) et de piété filiale (hiêu), on a l’habitude de citer cette phrase : « Si son souverain le condamne à mort et que le sujet ne meurt pas, il manquera au devoir trung ; si son père le condamne à se perdre et que le fils reste en vie il manquera au devoir hiêu 113 . » La façon de s’exprimer fait penser à des ordres imposés de façon tyrannique par l’autorité supérieure. En fait, on ne peut pas ne pas mourir si l’on est condamné à mort par le souverain tout-puissant ; d’un autre côté, il serait rare qu’un père veuille la perte de son fils. L’erreur se trouve dans le mot “xu (condamner)”, qui doit s’écrire “su” et qui veut dire “employer, utiliser à son service”. La phrase ainsi rectifiée signifie : « Si pour être utile à son souverain un sujet doit mourir et qu’il ne meurt pas, il manquera à son devoir trung ; si pour rendre service à son père un fils doit se perdre et qu’il ne s’y résigne pas, il manquera à son devoir hiêu. » Le devoir impose donc au subalterne de se dévouer et de courir de son propre gré à sa perte afin d’être utile à son supérieur et non point d’accomplir passivement un ordre, de subir passivement un châtiment décrété d’en haut.
Il serait difficile de comparer les souffrances surtout morales et intellectuelles (mais la violence physique n’était point exclue) d’une jeune fille éduquée dans les principes de la soumission “volontaire” aux initiatives parentales, du sacrifice “volontaire” de son bonheur pour l’intérêt familial avec les douleurs physiques et morales d’une femme du peuple maltraitée par son père, sa belle-mère ou son mari qui voulaient lui imposer l’obéissance. Mais d’après les témoignages que nous avons recueillis auprès des femmes de ces générations (qui ont maintenant plus de quatre-vingts ans quand elles témoignent sur elles-mêmes et la soixantaine pour celles qui parlent de leurs mères) et les représentations littéraires de l’époque, ce furent les devoirs intérieurement ressentis comme irrévocables qui s’avéraient les plus puissants.
Parmi ces devoirs, il serait justifié d’insister sur celui qui était considéré comme la vertu féminine par excellence, la chasteté (hanh, tiêt hanh, trinh, trinh tiêt) et la fidélité conjugale (chung thuy , mais l’idée est comprise aussi dans le concept tiêt hanh ou thu tiêt, préserver sa chasteté/fidélité). En fait, ces concepts se rejoignent dans tiêt hanh, qui n’évoque pas seulement l’idée de s’abstenir des plaisirs charnels mais surtout le devoir de préserver sa virginité et l’exclusivité de son corps à son unique maître et seigneur et de lui rester inconditionnellement fidèle à vie, même et surtout en l’absence et après le décès de l’époux. Truyên Luc Vân Tiên 114 de Nguyên Dinh Chiêu commence par ces deux vers :
‘« L’homme considère la fidélité et la loyauté au souverain ainsi que la piété filiale (trung hiêu) comme le premier de ces devoirs, ’ ‘La femme ne cesse de s’éduquer au devoir de préserver sa chasteté et sa fidélité conjugale (tiêt hanh). »’Faire de la fidélité conjugale le premier devoir moral féminin et réduire cette fidélité à la chasteté du corps n’appartenaient pourtant pas aux traditions vietnamiennes depuis si longtemps. Il suffit de relire l’historiographie officielle rédigée sous la très confucianiste dynastie Hâu Lê (15ème siècle) ou la dynastie Nguyên (19ème siècle) encore plus fanatiquement confucianiste pour y voir des femmes illustres qui avaient été reines et/ou premières dames sous deux dynasties successives, des princesses et des reines qu’on mariait et remariait maintes fois 115 pour les besoins de la cause politique du moment, de multiples cas d’endogamie 116 violant les principes les plus primaires de la famille patriarcale institutionnalisée dans les lois des Hâu Lê et des Nguyên 117 . Mais il y avait souvent, sous-jacentes à ces pratiques matrimoniales “irrégulières” des “raisons d’Etat” ou les intérêts de la grande famille 118 .
Par ailleurs, les ca dao reflétaient abondamment des liaisons amoureuses en dehors du rapport conjugal. Les fêtes folkoriques favorisaient les relations et les contacts corporels entre filles et garçons avant et même après le mariage. Justement, l’Etat à partir du 15ème siècle décida de combattre ou du moins de canaliser ces traditions populaires. Comme l’ordre dans la famille était censée être à la base de l’ordre politique, comme le devoir de chasteté (trinh) qui consolidait la subordination à l’époux représentait pour la femme l’équivalent du devoir de fidélité (trung) qui subordonnait le sujet au souverain, le monopole du confucianisme – dans la plupart des cas réduit au confucianisme des Song – signifiait une rigidification à l’extrême du devoir de chasteté. Aussi bien la loi de l’empereur (les codes Hông Duc puis Gia Long) que les coutumes des villages (qui, à partir du 19ème siècle et pendant la colonisation française furent encouragées à être formulées par écrit et appliquées plus strictement) prévoyaient des châtiments très sévères contre l’adultère féminin 119 , contre les filles-mères et même contre les mariages consommés avant d’avoir sollicité et obtenu l’approbation et l’autorisation non seulement de la famille mais aussi des notables du village. Cette faute était nommée “tiên dâm hâu thu, avoir des relations sexuelles avant le mariage”. Pour obtenir le pardon le couple devait se soumettre à des amendes en argent et/ou en nature et à des punitions corporelles humiliantes. Dans plus d’un cas il n’obtenait pas ce pardon du vivant des parents, surtout dans les classes supérieures instruites, imbues de moralité confucéenne 120 .
Le devoir de chasteté prétend réglementer également la distance considérée comme “convenable” entre deux personnes de sexe opposé. On se plaisait dans la première moitié du 20ème siècle à rappeler la recommandation : « quand l’un remet et que l’autre reçoit quelque chose [de la main du premier], un (jeune) homme et une (jeune) fille/femme ne doivent pas se toucher. » C’est ce que nous désignerons dans la suite de ce travail par « principe de la non-touchabilité ».
En raison du même parallélisme entre le masculin et le féminin, le dogme confucéen proclame également : « le sujet fidèle ne vénère pas plus d’un souverain, la femme vertueuse ne vénère pas plus d’un époux », ou « la jeune fille de bien 121 ne se marie pas deux fois. » Si l’adultère constituait une infraction à la loi, il n’était pas demandé à toutes les femmes de se montrer « femme de bien ». Mais quand l’idéal vertueux était présenté comme une conduite exemplaire… Et le mécanisme de la “vertu pratiquée de son propre gré” fonctionnait si bien qu’on voyait des femmes “modernistes” mettre leur point d’honneur à faire preuve de cette vertu de la chasteté.
Ce fut au milieu du 13ème siècle que pour la première fois, la Cour des Trân encouragea la fidélité à vie en décernant, sur le modèle chinois, le titre de « femme vertueuse/chaste digne d’être honorée (tiêt hanh kha phong) » aux veuves qui ne se remariaient pas, voire qui se suicidaient à la mort de leur époux. La dynastie Hâu Lê puis la dynastie Nguyên redoublèrent d’efforts dans ce sens, les Nguyên arrivant jusqu’à punir les mandarins de district qui par négligence auraient omis de signaler aux autorités supérieures les « veuves vertueuses (tiêt phu) » pour qu’elles fussent récompensées. La pratique laissa une marque si profonde que nous aurons la surprise de voir la très avant-gardiste revue Phu nu tân van (1929-1934) créer un prix de la femme vertueuse pour honorer les veuves méritantes!
Les modernistes des années 1918-1945 n’avaient malgré tout pas trop de difficulté pour remettre en question l’authenticité de ces prétendues traditions vietnamiennes. Aussi bien les écrits des lettrés que la production littéraire orale déniaient vigoureusement les dogmes néo-confucéens qui étaient loin d’être des coutumes auxquelles toutes les couches sociales vietnamiennes auraient adhéré sans réticence, sans inflexions. Il serait par contre simpliste et contraire à la réalité de prétendre que l’idéologie et l’éthique confucéennes n’imprégnaient que les classes privilégiées ou n’étaient qu’usurpation et imposture. De la même façon que les caractères – et par voie de conséquence les concepts, idées et valeurs – chinois sont devenus par le truchement du sino-vietnamien partie intégrante de la langue parlée et écrite vietnamienne 122 , l’éthique et les valeurs confucéennes faisaient et font toujours irrévocablement partie du patrimoine culturel vietnamien. Les intellectuels des années 1918-1945 en étaient conscients dans leurs multiples tentatives de remanier leur passé culturel ou de s’en libérer.
Hoang Xuân Han fut le premier historien vietnamien à remarquer qu’en choisissant les noms de règne de type Thai Tô, Thai Tông, la dynastie Ly afficha (avec le choix du nom Thang Long, le dragon qui s’élève, pour la capitale) son ambition d’édifier un empire à l’égalité de (et donc indépendant de) l’empire chinois.
Lê Loi, vainqueur des Ming en 1428.
La réponse de Confucius à la question du roi Tuyên (Comment faire pour bien gouverner son pays ?) et qui peut être considérée comme sa première prise de position politique fut : « Que le souverain soit souverain, le sujet soit sujet, le père soit père et le fils soit fils. »
Trât tu (=ordre) se dit souvent (et se comprend toujours) tôn ti trât tu, où tôn désigne ce qui est élevé, respectable et respecté, ti ce qui est bas, méprisable et méprisé.
Cette dichotomie existe déjà dans le taoïsme. Mais dans la pensée taoïste, le yin et le yang sont à la fois contradictoires, opposés et complémentaires, interchangeables (dans le yin il y a du yang et inversement, le yin peut se transformer en yang et inversement, etc.). Alors que le confucianisme insiste plutôt sur l’opposition et affecte une dimension hiérarchique qui privilégie le yang (masculin) au dépens du yin (féminin). Dans les deux philosophies néanmoins, il est reconnu que seule l’association harmonieuse entre le yin et le yang est à l’origine de la fécondité, valeur fondamentale des sociétés agricoles.
Le yin et le yang sont des concepts taoïstes ; ce sont des forces cosmologiques liées au tao. Comme la pensée taoïste privilégie l’harmonie entre l’être humain et le cosmos, ces concepts sont associés aussi bien aux choses humaines qu’aux phénomènes naturels. Ainsi, dans le registre du yin on trouve : la terre, la nuit, l’ombre, la lune, le froid, l’humidité, la femme, le féminin, la passivité, … ; dans celui du yang on trouve : le ciel, le jour, la lumière, le soleil, le chaud, la sécheresse, l’homme, le masculin, le mouvement,…
Lê en sino-vietnamien.
Uoc thuc (se ligoter) ; khac ky phuc lê (se réprimer pour se conformer aux rites).
Tam cuong (les trois liens) : quân vi thân cuong (le souverain est le lien qui subordonne le sujet), phu vi tu cuong (le père est le lien qui subordonne le fils), phu vi thê cuong (le mari est le lien qui subordonne la femme).
Ngu thuong (les cinq qualités permanentes) : nhân, nghia, lê, tri, tin.
L’idée de la permanence souligne qu’il s’agit des qualités qu’on doit toujours observer. Elle sous-entend néanmoins que ces qualités qui doivent se manifester à l’ordinaire (thuong=permanent, continu par opposition à discontinu, épisodique, intermittent ; mais aussi ordinaire, par opposition à extraordinaire, exceptionnel) pourraient ne pas être strictement observées dans des situations qui sortent de l’ordinaire.
Tin veut dire “être fiable, digne de confiance, parce qu’on tient sa parole”.
Tam tung/tong=les trois dépendances/soumissions/obédiences/obéissances.
Gia huân ca (Chanson éducative dans la famille) est souvent attribué à Nguyên Trai, grand écrivain et stratège vietnamien du 15ème siècle. Nous partageons pour notre part l’avis d’autres auteurs vietnamiens qui récusent cette attribution à cause de la modernité du langage utilisé et pensent que l’auteur en est Ly Van Phuc, mandarin confucianiste de la deuxième moitié du 19ème siècle.
C’est le sens de la sentence « Tiên hoc lê, hâu hoc van (apprendre les rites d’abord, la littérature ensuite) » qui est souvent mal interprétée dans le sens d’un dogmatisme formel (les rites sont plus importantes que le savoir) lequel dérive facilement en une vulgarisation réductrice (il faut apprendre aux enfants à être polis, respectueux de la hiérarchie avant de leur apprendre des connaissances).
Une leçon de morale souvent enseignée – mais trop souvent oubliée ! – raconte l’histoire d’un mandarin chinois à qui on apportait des cadeaux chez lui en pleine nuit pour solliciter ses faveurs. L’intéressé lui dit, en insistant pour qu’il acceptât : « Personne ne le sait ! » Et le mandarin répondit : « Vous le savez, moi je le sais, le Ciel et la Terre le savent, comment pouvez-vous dire cela ? »
La fidélité aveugle et stupide (ngu trung) à un souverain indigne (hôn quân=souverain peu éclairé) ou un tyran (bao chua=souverain tyrannique) n’a jamais été valorisée dans l’éthique confucéenne. Mencius est arrivé jusqu’à affirmer : « Si le souverain traite ses sujets comme son cœur et ses intestins (si le souverain souhaite de tout cœur le bien de son peuple), ceux-ci le vénèrent comme leurs parents,… si le souverain les traite comme des chiens et des chevaux, ils le considèrent comme leur ennemi. »
Phu quy bât nang dâm, bân tiên bât nang di, uy vu bât nang khuât.
Tu giac=connaître (prendre conscience) par soi-même, accepter comme vrai et juste et mettre en application de son propre gré, sans autre contrainte que son propre sens du devoir.
« Quân xu thân tu thân bât tu bât trung ; Phu xu tu vong tu bat vong bât hiêu ».
Roman en vers écrit en nôm avant la colonisation et édité en quôc ngu après la colonisation française. Ce roman était en partie autobiographique. Lettré patriote farouchement anti-français, Nguyên Dinh Chiêu (1822-1888) le composa avec l’objectif déclaré d’honorer l’éthique confucéenne et les vertus considérées comme formant la base de la morale traditionnnelle vietnamienne.
Revoir également infra l’histoire de Huyên Trân, princesse de la dynastie Trân (14ème siècle).
L’endogamie était fréquente non seulement sous la dynastie Trân (1226-1400) mais aussi sous les empereurs Hâu Lê et les seigneurs Trinh et Nguyên (16ème-18ème siècles).
Quôc triêu hinh luât, communément appelée Code Hông Duc fut promulgée sous l’empereur Lê Thanh Tông de la dynastie Hâu Lê (15ème siècle) et Hoang Viêt luât lê, communément appelée Code Gia Long sous l’empereur Gia Long de la dynastie Nguyên (19ème siècle).
Tous ceux qui ont le même nom de famille (ho) – mais seulement quand ils savent encore reconnaître qu’ils proviennent de la même souche – sont considérés et se considèrent comme étant liés par la parenté. Les relations matrimoniales (en vietnamien quan hê thông gia=relation qui relient les familles) ont aussi comme conséquence d’élargir ces liens de parenté jusqu’à la belle-famille.
Il est lieu de rappeler ici le proverbe inculqué comme un dogme : « L’homme a cinq femmes et sept concubines, La femme droite et sérieuse ne connaît qu’un seul époux. »
De nos jours, même si elle n’est plus punie par la loi, cette faute est souvent regardée comme un manquement grave à la moralité (abusivement qualifiée parfois de “moralité révolutionnaire”) et est sanctionnée par des châtiments moraux, le parti communiste et ses instances tenant lieu du souverain et du père !
Liêt nu=fille de bien, en parallèle à l’homme de bien (quân tu).
Que cette langue soit transcrite par l’écriture nôm à base de caractères chinois ou par l’écriture romanisée quôc ngu à base de caractères latins ne suffit pas pour changer le fond du problème, et surtout pas dans un laps de temps trop court.