Le thème du mariage arrangé et de la “convenance des portes” revenait aussi très souvent chez Hô Biêu Chanh et les autres auteurs cochinchinois, avec des nuances particulières au Sud.
Hô Biêu Chanh en a fait très tôt la critique dans un roman édité en 1925 au titre significatif Argent, argent 445 .
‘’ ‘Après son baccalauréat, Ba Ky voulut arranger le mariage entre Hiêu Liêm, un ami de condition modeste, mais dont il appréciait les qualités morales, et sa jeune sœur Thanh Kiêu qui avait seize ans. Le projet avorta à cause de la mère de Ba Ky, Dô Thi 446 qui, mécontente de sa propre “mésalliance” comme de celle de sa fille aînée Thanh Huê, était décidée à mieux marier la cadette. Le mariage arrangé par Ba Ky conquit cependant le cœur des deux jeunes Thanh Kiêu et Hiêu Liêm. Liêm resta dévoué à son ami et, avec son maigre salaire d’instituteur, prit en charge les études de celui-ci quand la famille de Ba Ky tomba dans la déchéance matérielle après le décès du père. Il ne se maria pas même s’il était déçu non seulement de l’attitude de la mère mais croyait que Kiêu y adhérait aussi. Kiêu quant à elle résista à trois tentatives successives de la part de sa mère de la marier selon la “convenance des portes” ou purement par intérêt. Née une dizaine d’années avant son homologue Nga du Nord dans Feuille dejade…, Kiêu opposait à sa mère et à sa tante paternelle une résistance d’apparence plus passive, moins violente mais non moins déterminée. Hô Biêu Chanh a dû user de raisons externes pour la “libérer”. La première fois, son fiancé médecin, fils de la veuve d’un fonctionnaire, prit le prétexte d’aller continuer ses études en France pour renoncer au mariage après l’infortune qui avait appauvri la famille de Kiêu. La deuxième fois Kiêu se fit battre sans pitié par sa mère et sa tante, mais fut sauvée du mariage imposé grâce à une raison miraculeuse qui tenait du hasard : atteinte de la variole, elle en fut défigurée et ce fut sa future belle-mère, une Chinoise nantie, qui changea d’avis. La troisième fois, on voulait la marier à un riche propriétaire foncier, un veuf dont les filles étaient plus âgées qu’elle-même ; mais le prétendant préféra épouser la mère de Kiêu. L’auteur n’a pas hésité à se faire aider par le Ciel en faisant disparaître et la tante et la mère de Kiêu, l’une par un accident d’auto et l’autre par la maladie après l’avoir défigurée elle aussi de manière violente. Kiêu se retrouva riche héritière, mais répugnant à hériter d’une fortune malhonnêtement acquise par sa tante, elle en fit don aux orphelines et décida de se faire nonne. Son frère et son authentique amant Hiêu Liêm la ramenèrent de la pagode, la tête déjà rasée. Après tant de péripéties, on célébra le mariage, arrangé par un frère aîné “homme de bien” et ayant l’adhésion des deux jeunes, eux aussi homme et femme de bien.’Dans cet ouvrage, Hô Biêu Chanh a montré différentes stratégies de femmes – celles de Dô Thi, des mères des deux premiers prétendants de Thanh Kiêu, de Thanh Huê la sœur aînée, de la tante paternelle de Kiêu, toutes des stratégies effectivement déployées dans cette période de transition, où les gens parlaient encore de moralité, de nhân nghia (humanité et devoir) mais où ils étaient en fait mûs par l’intérêt. Il leur a opposé la dignité de Thanh Kiêu 447 , qui plusieurs fois affirmait : « Moi qui suis une jeune fille, si je dois me marier je choisirai quelqu’un de nhân nghia, je ne me vends pas, alors pourquoi rechercher un riche parti ? » 448
Au début de l’intrigue, quand Ba Ky voulait marier sa sœur à son ami, c’était surtout parce qu’il appréciait l’ami, il ne se souciait point des sentiments de sa sœur. Hiêu Liêm aimait la jeune fille parce qu’il la trouvait belle, et aussi parce que Ba Ky était son meilleur ami. A la fin, quand Thanh Kiêu se retrouva enlaidie et démunie matériellement, il s’avérait qu’elle avait toujours aimé Hiêu Liêm d’un amour sincère. En plus, elle était pour son amant un « homme de bien parmi les femmes », en vietnamien nu trung quân tu. Le terme quân tu désigne l’homme idéal dans l’optique confucéenne, il est étymologiquement masculin. Hiêu Liêm l’utilisa d’abord pour qualifier Ba Ky quand celui-ci avait renoncé à sa part d’héritage en faveur d’un fonds de bourse d’études. Quand il apprit que Thanh Kiêu avait fait la même chose pour les orphelines – le don était bien sexué ! – il fut encore plus admiratif. Alors que les autres femmes comptaient sur la richesse, la position sociale de leur famille ou sur leur propre apparence physique pour trouver un beau parti, Thanh Kiêu trouva son bonheur en affirmant sa dignité de femme, une dignité sans aucune différence avec celle de l’homme de bien confucéen. Elle illustre bien la pensée de Hô Biêu Chanh, son choix de défendre certaines valeurs confucéennes parmi les plus essentielles – la dignité, la droiture, la loyauté – mais avec ce biais important qui efface la discrimination de genre. Les deux jeunes héros de Argent, argent réalisèrent en apparence un mariage arrangé et soutenu par les membres les plus authentiquement vertueux de leur famille respective ; mais dans le fonds, c’étaient eux personnellement, individuellement qui se convenaient bien ; comme tous les autres couples du roman se convenaient bien aussi dans leurs différents choix des valeurs (im-)morales qui les guidaient dans la vie. C’est ce qui est depuis longtemps exprimé par le dicton Nôi nao vung nây (Telle marmite tel couvercle), version populaire de la convenance conjugale, version qui, avec une meilleure prise en compte de l’individu, semble avoir l’adhésion complète de Hô Biêu Chanh comme des personnages “positifs” de son œuvre et de la littérature quôc ngu du Sud en général. Des personnages, féminins dans la plupart des cas, dénouèrent et renouèrent – en dépit des parents ou des aînés qui reniaient leur promesse – des alliances convenues entre leurs familles ou en constituèrent d’autres, ce qui ne les empêchait point d’être qualifés comme vertueux, bien au contraire.
Dans l’ensemble du Sud Viêt Nam, on assistait également dès le début des années 1920 à une libéralisation très nette des pratiques traditionnelles : les rites 449 étaient simplifiés, il était mieux tenu compte des sentiments du jeune couple qui soit adhérait au choix parental ou familial soit le contredisait avec une bonne argumentation et il n’était pas rare que les jeunes obtenaient gain de cause. Dans les débats concernant les mœurs, les traditions et la modernité, c’étaient la personnalité de l’individu et les situations concrètes de leurs comportements qui déterminaient les critères pour distinguer les jeunes filles et femmes modernes téméraires voire provocatrices, mais réfléchies et responsables des dévergondées de type Cô Chiêu Nhi. Dans Qui arrive à le faire, Bach Tuyêt quitta le foyer pour suivre Chi Dai et devenir sa femme. C’était une faute considérée comme étant très grave par la moralité confucéenne. Mais le grand-père n’hésita pas à légitimer le choix de sa petite-fille par un mariage civil devant la loi. Madame Lan dans Deux amours répondit très simplement à une demande non moins simple et directe de la part d’un prétendant de sa fille, lequel s’excusait de ne pas passer par un entremetteur :
‘« Vous connaissez son caractère ; elle sait aussi très bien qui vous êtes, vous n’êtes guère étrangers l’une à l’autre, il n’y a donc pas besoin de sonder 450 . Bien que Monsieur l’avocat soit plus âgé qu’elle et qu’il ait déjà une femme défunte, pour moi cela n’a aucune importance. A vous entendre, il m’est évident que vous aimez beaucoup Cuc. Donc si elle accepte (ung) je vous la donne, je ne m’y oppose pas du tout. Le mariage est l’affaire d’une vie entière 451 , en plus elle est une fille instruite, je préfère la laisser libre de décider. » 452 ’Ce n’était évidemment pas tout le monde dans la société sud vietnamienne qui adoptait d’emblée une attitude aussi tolérante. La littérature moderne dévoile bien des drames de l’époque transitoire.
‘’ ‘Dans Une humble destinée ballottée dans la vie 453 un notable de village qui, veuf, avait élevé son fils unique dans la morale la plus stricte, le renia pendant quinze ans parce que celui-ci s’était permis d’épouser une collégienne qu’il avait connue et aimée durant ses études loin de sa famille. Thu Vân, son épouse, une orpheline pourtant éduquée dans les deux cultures, avait un comportement encore très proche de la moralité traditionnelle : plus d’une fois elle voulait se suicider pour que son époux ne manquât pas à son devoir de piété filiale ou pour ne pas lui survivre quand elle le croyait naufragé. Mais le roman met en valeur leurs enfants, notamment la cadette, image représentative de la jeunesse scolaire du Sud. Elève n’ayant pas encore terminé les études primaires, elle savait lire et écrire couramment, pouvait aider son grand-père propriétaire foncier dans des travaux d’écriture et de calcul. Surtout elle était optimiste, confiante en elle-même, et consciente de sa propre valeur, était sûre dès le début qu’elle saurait gagner le cœur de son grand-père paternel. Sa mère et elle décidèrent d’arriver chez le grand-père comme travailleuses manuelles et assumèrent courageusement le dur labeur et la vie de misère à laquelle elles n’étaient pas habituées. Toutes les deux, surtout la petite Thu Cuc de treize ans s’étaient fait aimer et estimer avant de dévoiler leur identité à l’aïeul repentant. Le grand-père s’expliqua : « Auparavant Vinh ne m’a pas laissé décider de son mariage, il a fait selon sa propre volonté, cela est contraire aux mœurs de la famille 454 , c’est pour cela que je me suis mis en colère et que je l’ai renié. Je ne savais pas que sa femme et ses enfants étaient comme vous l’êtes. Quand, ayant appris que j’étais fâché tu voulais te suicider pour qu’il ne soit pas qualifié de fils impie, tu as vraiment témoigné d’une bonne conduite 455 . Si je le savais, je vous aurais pardonnés dès ce moment. Depuis deux mois que tu habites dans la maison, je t’ai observée et je constate que tu es très bien. Je regrette beaucoup, maintenant que je le sais, Vinh est déjà décédé. » Fidèle à la tradition de “récompenser ceux qui ont bien agi”, Hô Biêu Chanh ressuscite Vinh pour que la famille au complet soit réunifiée, y compris une fille aînée égarée depuis toute petite ; il prend même la précaution de ne donner à Vinh que deux filles, pour bien faire comprendre que c’était parce qu’il aimait et appréciait sa bru et ses petites-filles que le grand-père les adopta, et non point par souci d’avoir un héritier mâle. L’aïeul conclut : « Et dire que pendant plus de dix ans je ne savais pas m’accorder un tel bonheur ! »’Un autre roman de Hô Biêu Chanh, écrit en 1938, s’est beaucoup moins bien terminé, avec un violent réquisitoire contre la famille et ses contraintes. C’est de ma faute 456 , reconnaîtrait par la suite madame Ca Kim 457 qui sur le moment renia, battit et chassa de la maison son fils et sa bru enceinte parce qu’ils avaient commis la faute dite de « se marier sans en informer ses parents » 458 . Son fils, Nhu Thach 459 protesta, non au nom de la modernité mais de l’amour maternel : « L’amour maternel est très important, alors que ma faute est toute petite, comment pourriez-vous, maman, couper court à cet amour très chargé 460 à cause d’une faute aussi minime ? » 461 Son oncle maternel prit sa défense :
‘’ ‘« D’après l’ancienne génération, les mœurs sont rigides, comme tu le dis. Mais en ce temps-ci, nous devons être plus tolérants. Réfléchis un peu, ma sœur, Troisième 462 a été orphelin très tôt. Tu es sa mère, tu l’aimes, tu l’envoies à l’école, mais tu ne peux lui faire comprendre les mœurs familiales vietnamiennes. Depuis sa petite enfance, il a été à l’école, les mœurs et la morale, il les a apprises de ses livres et de ses maîtres. Or, aussi bien les livres que les maîtres sont français, c’est naturel qu’il soit imprégné des mœurs occidentales et françaises. Selon ces mœurs, aussi bien les garçons que les filles sont libres dans leur choix. » 463 ’Sa mère resta inflexible, non pas tellement à cause des « rites et devoirs vietnamiens » qu’elle invoquait, mais surtout parce qu’elle était frustrée dans ses sentiments. Dans ce roman, contrairement à ses habitudes, Hô Biêu Chanh a montré une rupture entre d’une part les défenseurs des valeurs nouvelles telles que la liberté, la franchise et la dignité personnelle et d’autre part l’ancienne génération accusée d’étroitesse d’esprit, d’hypocrisie et de cupidité. Cependant, à l’opposition de la sœur aînée de Thach qui en complicité avec son mari voulait monopoliser le droit à l’héritage, l’auteur dépeint un oncle maternel à la fois soucieux de faire vaincre la justice selon les mœurs traditionnelles et tolérant, compréhensif vis-à-vis des jeunes. Malgré son auto-accusation, madame Ca Kim restait une mère et une grand-mère aimante et responsable. Même s’il mettait dans la bouche de certains personnages – notamment un professeur-philosophe 464 qui avait obtenu sa licence ès lettres en France – des propos extrémistes contre la famille et la société traditionnelles, l’auteur a explicité des raisons psychologiques au drame plutôt que d’affirmer comme le font souvent les écrivains du Nord un irrémédiable conflit entre les traditions et la modernité. Cet esprit de conciliation est bien caractéristique de la culture régionnale qu’il représente.
Dans un éditorial intitulé « En ce qui concerne le mariage des enfants, quelle devrait être dorénavant l’attitude des parents ? » 465 , Phu nu tân van a affirmé comme acquis le principe :
‘’ ‘« Selon les habitudes de la société de nos jours, sur n’importe quel sujet, la raison 466 se trouve là où la majorité s’est prononcée, la raison dans cette question est par conséquent déjà bien solidement ancrée à sa place. Ce qu’il est juste de faire de nos jours en ce qui concerne le mariage, c’est d’en laisser le choix à ceux qui se marient, c’est-à-dire les enfants, et non pas à ceux qui les marient 467 , c’est-à-dire les parents. » Cependant, l’auteur de l’article « n’a pas peur d’être taxé de conservatisme » et n’a pas hésité à répondre qu’il n’était pas encore possible de mettre en pratique cet esprit si juste fût il. Puisque les jeunes n’étaient pas encore économiquement autonomes, ils ne pouvaient pas encore décider complètement de leur union conjugale sans tenir compte de l’avis des parents. Ce que l’auteur a appelé le compromis de la période de transition est pourtant bien clair : « En un mot, dorénavant, dans le mariage des enfants, les parents ne doivent plus les forcer (ep). Bien que le mariage libre ne puisse pas encore se réaliser entièrement, la très grande majorité tend vers le mariage libre. » Ce compromis revenait en fait à une attitude parentale tout à fait favorable au mariage libre : « Si un parti apporte du bétel et de l’acool 468 et que vous parents vous agréez mais quand vous posez la question à votre enfant, celui/celle-ci ne donne pas son accord, alors renoncez-y, n’en parlez-pas une deuxième fois. Si vous en parlez une deuxième fois, même en usant de paroles douces, cela équivaut en fait à le/la forcer. Et si vous forcez, vous gâchez les choses. »’En permettant le bonheur retrouvé à l’aïeul d’Une humble destinée… et en condamnant la mère dans C’est de ma faute à la mort tragique de son fils et de sa bru, au reniement de sa petite-fille et à la folie de son petit-fils, en fait à la désagrégation de sa famille, Hô Biêu Chanh qui se croyait modéré dans l’adoption de la modernité et fervent défenseur des valeurs traditionnelles s’est rangé exactement dans le même prétendu “compromis” de Phu nu tân van, qui reflétait l’attitude majoritaire des classes moyennes urbaines et rurales du Sud Viêt Nam dans les dernières décennies avant 1945. Une telle tolérance n’était malheureusement pas généralisée dans l’ensemble de la Cochinchine ni encore moins du Viêt Nam.
HÔ BIÊU CHANH, Tiên bac, bac tiên (Argent, argent), 1ère éd. 1925, reproduit dans CAO XUÂN MY&MAI QUÔC LIÊN éds., Van xuôi Nam Bô nua dâu thê ky 20 (La prose du Sud Viêt Nam dans la 1 ère moitié du 20 ème siècle), éd. Thanh phô Hô Chi Minh&Trung tâm Nghiên cuu Quôc hoc, Hô Chi Minh Ville, 1999, T. I, 696 p., p. 172-245.
Hô Biêu Chanh reproduit avec exactitude les mœurs de l’époque, où les femmes entre quarante et cinquante ans n’étaient pas encore interpellées par leurs tên, même si elles en avaient un. C’est comme cela que Dô Thi Dao est désignée par Dô Thi ; la mère de Hiêu Liêm qui s’appelait Cao Thi Quyên par Cao Thi ; alors qu’à la génération suivante, Thanh Kiêu ou sa sœur Thanh Huê sont désignées par leur tên, de beaux tên composés. Du côté des hommes, aucune différence entre la génération du père, Ba Van et du fils Ba Ky.
Hô Biêu Chanh tient à une habitude que les commentateurs postérieurs lui ont reprochée comme portant atteinte au réalisme : le tên qu’il donne à ses personnages de romans préfigure – ou, ce qui revient au même est à l’opposé de – leur caractère, voire leur destinée. Thanh Kiêu veut dire “la jeune fille pure” ; le nom et les péripéties ainsi que d’autres détails de la vie de ce personnage dénotaient très nettement l’influence de Truyên Kiêu de Nguyên Du sur Hô Biêu Chanh, une influence qu’il a toujours fièrement reconnue ; encore une “déviation” – mais qui est loin d’être exceptionnelle – de la part d’un auteur qui se réclamait de la droiture morale traditionnelle ! Le tên de Hiêu Liêm, l’époux que le frère aîné a choisi pour Thanh Kiêu, signifie “aimer l’intégrité”, ce qui permet d’identifier dès le départ qu’il aimait Kiêu non point pour son argent.
Argent…, op. cit., p. 213.
Le mariage est dit hôn lê (rite crépusculaire) en sino-vietnamien et ce terme était dans la 1ère moitié du 20ème siècle plus commun que le terme actuel lê cuoi, qui a perdu de son sens étymologique. Le rite était dit crépusculaire parce qu’il se déroulait au crépuscule, au moment où le yang (soleil, jour, élément masculin, etc.) se retire pour laisser la place au yin (lune, nuit, élément féminin, etc.). Hôn lê se composait des six rites traditionnels (luc lê), d’inspiration chinoise : vân danh (demande des noms), so vân, ou dam (demande pour sonder la famille de la jeune fille), dai dang khoa, ou dam hoi (demande officielle, équivalente aux fiançailles), si loi (demande à la famille de la fiancée sur ses exigences d’offrandes, de cadeaux de noce), nap tai (les cadeaux sont remis et la famille du prétendant a le droit de rendre visite à la fiancée), tiêu dang khoa, ou dam cuoi (les noces proprement dites). Voir PHAN THUÂN THAO, Tuc lê cuoi ga, tang ma cua nguoi Viêt xua (Rites de mariage et d’obsèques des Vietnamiens d’autrefois), Thuân Hoa, Huê, 1991, 172 p., p. 11.
Elle fait référence ainsi à la fonction traditionnelle et justifiable de l’entremetteur, laquelle est d’informer, de sonder les intentions et de faciliter les contacts entre les jeunes, contacts qui étaient bien plus rares et difficiles avant les temps modernes.
En vietnamien viêc tram nam (une affaire de cent ans), cent ans étant la durée admise pour une vie humaine. La même remarque sur l’importance du mariage servait traditionnellement à justifier la décision parentale.
HÔ BIÊU CHANH, Hai khôi tinh (Deux amours), 1ère éd. 1939, rééd. Tông hop Tiên Giang, 1988, 156 p., p. 17.
HÔ BIÊU CHANH, Chut phân linh dinh (Une humble destinée ballottée dans la vie), 1ère éd. 1928, rééd. Tông hop Tiên Giang, 1988, 196 p.
Les Vietnamiens de la première moitié du 20ème siècle parlaient de la loi familiale (gia phap) ou des mœurs familiales (gia phong). Ces termes sino-vietnamiens sont maintenant vietnamisés : nêp nha et l’idée s’est beaucoup affaiblie, devient bien moins contraignante.
Biêt diêu veut dire “bien se conduire, savoir ce qui est raisonnable de faire ou de penser” ; c’est beaucoup plus pragmatique que d’être vertueux ou d’agir conformément à la morale. Cette qualité biêt diêu est hautement privilégiée dans le Sud.
HÔ BIÊU CHANH, Tai tôi (C’est de ma faute), 1ère éd. 1938, rééd. Tông hop Tiên Giang, 1988, 196 p.
Son mari a le titre de Huong Ca, chef de village, et s’appelle Kim, on l’appelle donc madame Ca Kim.
Un chef de district, ami du héros du roman cite une phrase en sino-vietnamien : « Bât cao nhi ky thu tôi chi trong (Se marier sans en informer ses parents est une faute grave) », op. cit, p. 46.
Son tên veut dire (dur) comme pierre.
En (sino-)vietnamien, le mot trong veut dire à la fois “chargé” et “important”.
C’est de ma faute, op. cit., p. 22.
Thach est le deuxième enfant de ses parents. Mais comme dans le Sud l’aîné(e) est désigné(e) par Deuxième, il est appelé Troisième par son rang.
C’est de ma faute, op. cit., p. 21-22.
Ce professeur est nommé significativement Tu Cuong (devenir fort en comptant sur soi-même). Il se dévoue au célibat mais accepte avec bonheur d’élever l’enfant orpheline de son ami, affiche un mépris total pour la famille traditionnelle et ses contraintes mais ressemble bien plus à un sage oriental qu’à un individualiste forcené à l’occidental.
« Dôi voi viêc hôn nhân cua con cai, ray vê sau cha me nên nhu the nao ? », signé P.N.T.V., Phu nu tân van n°167, 8/9/1932, p. 1-2.
Le phai en vietnamien. C’est la vietnamisation – biaisée, comme nous l’avons montré au chapitre III - du concept sino-vietnamien de chinh dao, de la voie droite et juste, de ce qu’il est juste de faire, de la bonne conduite, du bien, par opposition au mal, à la mauvaise conduite morale, etc. Raison est donc à comprendre au sens d’avoir raison, d’agir selon la bonne moralité.
En vietnamien “prendre une femme ou un mari” (lây vo lây chông) par opposition à “épouser une femme pour son fils et donner sa fille en mariage à un homme” (dung vo ga chông).
Trâu ruou (bétel et alcool) peut s’employer par extension pour demande en mariage, car ces produits sont presque obligatoirement présents dans ce cas.