Et des amours fous

Un autre cas pathétique est celui de Han Mac Tu, dont les vers « entachés de sang 779  » exprimaient entre autres douleurs celle des rêves impossibles avec les femmes qu’il avait aimées, ou cru aimer, ou dont il était aimé. Han Mac Tu est le nom de plume de Nguyên Trong Tri, né le 29/9/1912, décédé le 11/11/1940 à l’âge de vingt-huit ans. Atteint de la lèpre, il passa quelques années à essayer de se guérir par la médecine traditionnelle, se faisant aider par la famille, qui n’avait pas beaucoup de moyen ; Tri vivait ainsi isolé, solitaire dans la douleur physique, sentimentale et dans une misère matérielle qui peinait ses amis ; mais il ne cessait pas de créer. Il ne se résigna à intégrer la léproserie de Qui Hoa que moins de deux mois avant son décès. Avant 1945, un seul parmi ses nombreux recueils a été édité en 1936, Gai quê (Filles de la campagne) dont voici les commentaires dans Les poètes vietnamiens : « Décrit des amours champêtres dans un paysage champêtre. (…) Mais l’amour n’a pas ce romantisme éthéré des sentiments amoureux souvent placés dans le cadre des jardins de bambou, des collines de pins. C’est un amour intense, d’une sensualité ensorceleuse (loi la), haletant, rempli d’images de tentation sexuelle. Gai quê (…) a comme origine la sexualité. » 780 Le lecteur de nos jours pourrait cependant être plus compréhensif et plus indulgent, parce que moins rigoriste. Et quand on se penche sur les questions de représentations de femmes, il est intéressant de constater que ce qui était diagnostiqué comme étant de la poésie « trouble » 781 n’était en fait, dans la plupart des cas que l’expression plus libre d’un cœur aimant. Regardons quelques portraits de « filles de la campagne » – ou plutôt de sa bien-aimée – brossés par Han Mac Tu :

‘’ ‘« Un printemps jeune, juvénile, plein de grâce’ ‘Je vois tout cela sur tes lèvres’ ‘Des lèvres minces fraîches comme du sang’ ‘Qui font remuer les miennes d’envie. » 782 ’ ‘« Tu ne pouvais te douter que dans les soirées’ ‘Où la lune épanchait sa lumière d’ivoire sur la surface sereine du lac,’ ‘Je m’en allais silencieux et rêveur, comme hébété,’ ‘Recueillir le parfum suave de tes habits…’ ‘Ta silhouette gracieusement souple passait près des saules pleureurs’ ‘De ce côté de la haie je regardais de l’autre côté’ ‘Dans l’ivresse de ma rêverie je suis retenu par ce parfum’ ‘J’aimais ces lèvres roses mais n’en soufflais mot. » 783

Et parmi les plus hardis, ce poème très aimé de la jeunesse sud-vietnamienne après 1954 et toujours utilisé comme parole de chanson :

‘’ ‘« La lune s’étend de tout son long sur la branche de saule’ ‘Attendant lascivement le retour du vent d’est ’ ‘Les feuilles et les fleurs s’immobilisent, se pâmant d’amour’ ‘Grande sœur Lune, comme mon cœur est palpitant !’ ‘(…) Ô, voilà la lune qui se baigne toute nue,’ ‘Et dévoile sa forme d’or au fond de la ravine.’ ‘Par inadvertance j’ai laissé le vent m’embrasser sur la joue 784 ’ ‘A minuit, quelle offense à ma pudeur !’ ‘J’ai peur que mon époux ne le sache, ’ ‘Et ne doute de ma chasteté. » 785

En fait, dès ses premiers poèmes où, à quinze, dix-huit ans, il témoignait d’un talent précoce en poésie des Tang, Nguyên Trong Tri surprenait déjà par des images poétiques osées, comme par exemple : « L’ombre de la lune grimpe par le barreau et palpe mon 786 oreiller ; Le vent d’automne passe à travers la fenêtre et frotte ma couverture » 787 . C’était sans doute sa formation à l’école moderne – Tri avait fait des études au collège Pellerin à Huê avant d’être employé au Service du Cadastre de Qui Nhon – qui expliquait cette originalité de sa poésie classique. Les premiers poèmes de Tri, signés du nom de plume Phong Trân (Vent et poussière ; sens figuré : vissicitudes de la vie) lui gagnèrent l’admiration et l’amitié du vieux lettré révolutionnaire Phan Bôi Châu, à l’époque exilé à Huê par les autorités coloniales. Toujours était-il que dans la vie réelle, Tri se montrait à l’époque timide et réservé. Il avait comme voisine une jeune fille nommée Hoang Thi Kim Cuc qui, après des études au collège 788 , restait à la maison s’occuper de son père, un haut fonctionnaire en poste à Qui Nhon 789 . Quand il tombait amoureux d’elle il n’osait l’avouer autrement que dans ses poèmes – ensuite édités dans le recueil Gai quê (Filles de la campagne) fin 1936 – sur le chrysanthème, l’automne (Cuc signifie chrysanthème, fleur d’automne) ou sur les jeunes filles de la campagne pour évoquer le mode de vie encore « traditionnel » de Cuc. Mais encore une fois, au lieu d’user d’effets stylistiques classiques, le jeune amoureux faisait des allusions concrètes, sensuelles qui lui valaient les commentaires que nous avons cités de la part des auteurs Hoai Thanh et Hoai Chân, pourtant résolument modernistes. Comme Cuc était en fait une jeune fille instruite de famille aisée et non point une vraie « fille de la campagne », les échanges imaginés avec elle étaient cependant bien appréciés de la jeunesse scolaire ; le talent et la renommée de Han Mac Tu, à l’époque responsable des pages littéraires très choyé par des journaux de Sai Gon contribuaient en plus à assurer le succès de librairie du recueil. L’auteur formulait même le projet de voyager dans toute l’Indochine après la vente de son premier ouvrage, quand il fut terrassé par la maladie, considérée à l’époque comme l’une des quatre maladies fatales. Mais autant la tuberculose était vue comme romantique – c’était la préférée des romans des années 1918-1945, avec la folie ! – autant la lèpre était effrayante par sa douleur physique mais encore davantage par la répugnance qu’elle causait et la contagion qui était de beaucoup exagérée par manque de connaissance. Tu, pourtant instruit et catholique, s’était caché pendant longtemps des autorités provinciales pour essayer de se guérir par la médecine traditionnelle, alors que l’hôpital de Qui Nhon, le chef-lieu de province où il résidait avec sa famille était le plus spécialisé dans cette maladie et disposait de la léproserie de Qui Hoa, tenue par les sœurs françaises non loin de là.

Avant que sa maladie ne le condamnât à une vie recluse, Tu eut encore le temps de contracter un nouvel amour, sans doute le plus grand de sa vie. Il désignait son amante par le nom poétique de Mông Câm (Luth de rêve). La liaison entre Han Mac Tu et Mông Câm avait un côté traditionnel qui serait ensuite bien exprimé par Tu dans sa poésie 790 : ils paraissaient se convenir à la fois selon les normes classiques et les convenances modernes de l’époque. Classique était l’alliance entre « un garçon talentueux et une belle fille (trai tai gai sac) », moderne était l’amour romantique entre le poète et sa lectrice issue de famille de tradition littéraire. Ce n’étaient pourtant pas les jours heureux qu’ils avaient vécus à Phan Thiêt mais le désespoir de Tu après l’avoir perdue qui lui inspirait de nombreux poèmes dans les recueils Tho diên (Poésie folle), Xuân Nhu y (Printemps exaucé) et Thuong thanh khi (Harmonie suprême)

‘’ ‘« Le désir, la rêverie et la nostalgie, l’un après l’autre’ ‘Sombrent silencieusement dans une imagination vague et profondément attristée. » 791

Ou le plus souvent, avec amertume ou de façon violente :

‘’ ‘« Si la bile n’était amère, l’amour ne serait pas suave’ ‘La poésie qui ne gémissait pas n’aurait aucun sens.’ ‘Maintenant que tu es mariée et que tu as le cœur de nous séparer,’ ‘Tout ce que depuis autrefois s’agglutine encore au bout des lèvres’ ‘Rends-le moi pour que j’en garde le vestige. » 792 ’ ‘« Je languis de toi 793 au point d’en être comme hébété, comme idiot,’ ‘Je languis jusqu’au point où mes membres en sont rompus… » 794

Le languissement n’était pas seulement de l’amante perdue, mais plus profondément le poète expérimentait la solitude de l’individu humain abandonné au milieu d’une nature, certes belle mais dont il ne saurait se rassasier, torturé par la contradiction entre ses désirs illimités et la réalité cruelle :

‘’ ‘« Ô Ciel ! Grâce à qui pourrais-je assouvir ma faim ?’ ‘Le vent et la lune 795 sont là, mais comment en manger ?’ ‘Comment tuer celle de mes rêves’ ‘Pour me venger de la destinée brutale ? » 796

Par l’intermédiaire de Mông Câm, Tu avait fait la connaissance de son oncle Bich Khê, un jeune poète avec qui il nouait une longue amitié et dont il soutenait les efforts créatifs. Bich Khê fut furieux contre sa nièce quand celle-ci décida d’accepter un parti plus fortuné après avoir eu confirmation de la maladie de Tu. Pour consoler son ami, il eut l’idée de lui offrir une de ses photos où il était à côté de sa sœur Ngoc Suong (Rosée de Jade), avec la ferme intention de provoquer la sensibilité amoureuse de Tu car il lui parla de sa sœur en louant ses qualités intellectuelles et littéraires. Le stratagème marcha à merveille : « Comme il aimait Bich Khê, Tu aimait également la sœur qui lui ressemblait vaguement au physique… » 797 . Mais Tu ne l’avouait que dans des poèmes où il évoquait son nom bien-aimé, particulièrement celui intitulé Personne de Jade (Nguoi ngoc). Cet amour éthéré unilatéral ne dura pas plus d’un an car Ngoc Suong, une fois informée, demanda à son frère d’y mettre fin.

Mai Dinh est le nom de plume de Lê Thi Mai, une admiratrice de la poésie de Han Mac Tu. Mai était originaire de Thanh Hoa, son père était un fonctionnaire à la Résidence de Phan Thiêt. Refusant un mariage contre son gré, elle avait quitté le foyer parental et aurait passé une vie tumultueuse, allant jusqu’à Kontum sur le plateaux, à Da Lat, Nha Trang, Sai Gon et jusqu’au Cambodge. Accompagnée d’un ami de Tu, de passage à Qui Nhon, elle voulut lui rendre visite vers fin 1937 quand il se retirait déjà du monde et ne communiquait plus qu’avec sa famille et ses amis intimes. Tu refusa de la recevoir, mais lui fit offrir son recueil Filles de la campagne. Mai Dinh confia par la suite à un ami de Tu qu’elle avait commencé par éprouver de la compassion quand elle le savait malade, mais elle s’éprit de lui après la lecture de son recueil de poèmes ; elle l’exprima d’ailleurs dans un poème intitulé Je te connais (Biêt anh 798 ) dédié à Han Mac Tu dont voici un extrait :

‘’ ‘« Quant à toi, je ne te connais pas encore’ ‘Je ne suis qu’émue par des poèmes avec tes paroles’ ‘Affectueuses et passionnées, chargées de rêverie’ ‘Qui font vibrer mon cœur en pleine nuit. ’ ‘(…) J’aurais rêvé de me faire emporter l’âme par le vent’ ‘Pour que je sois proche de toi et te confie quelques mots. » 799

Tu fut naturellement touché par l’amour de Mai Dinh. Au début, se fiant à son ami Quach Tân qui lui décrivait que Mai Dinh était très belle, Tu lui dédia un poème intitulé Quitter avec regret (Luu luyên) :

‘’ ‘« Nous ne nous sommes pas encore rencontrés que nous sommes déjà séparés’ ‘Mon âme suit ton ombre qui s’éloignait (…)’ ‘Je restais debout, loin de toi de tout un monde’ ‘Et contemplais silencieusement en rêve ton sourire. » 800

Mais l’homme était bien moins rêveur que le poète. « Plusieurs fois Mai Dinh passa chez Han Mac Tu mais n’était toujours pas reçue. Elle croyait qu’il l’évitait par complexe (à cause de sa maladie). En fait, il l’avait regardée par la fente de la porte. » 801 Déçu par le physique de Mai Dinh, Tu ne voulait pas aller plus loin. Mais touchée par la persévérance de la jeune fille, la famille de Tu intervint en sa faveur et Tu céda, lui accordant des entretiens où il ne cessait cependant de lui parler de Mông Câm, afin de ne pas lui donner d’illusion.

Han Mac Tu quant à lui, trouva une autre source de consolation, encore une fois grâce à l’initiative de ses amis. Trân Thanh Dich, l’oncle et Trân Tai Phung, le neveu étaient tous les deux parmi les amis intimes de Tu. Afin d’apaiser de cœur de Tu par suite de l’infidélité de Mông Câm, Thanh Dich lui imagina une admiratrice à qui il donna le nom de sa nièce, la sœur de Trân Tai Phung, qui s’appelait Trân Thuong Thuong, celle-ci étant en réalité une petite élève de douze ans qui n’en savait pas un mot du stratagème des adultes. Thuong Thuong 802 devint un nom qui hantait la poésie de Han Mac Tu dans les dernières années de sa vie. Inspiré de cette jeune fille qu’il croyait belle, compréhensive et capable de partager ses peines, tout en entretenant avec elle des échanges chaleureux de courrier – les lettres de Thuong Thuong étant en fait rédigées par Thanh Dich – Han Mac Tu écrivit des poèmes réunis dans un recueil intitulé Câm châu duyên (Alliance de velours et de perle) et deux pièces de théâtre en vers intitulés Duyên ky ngô (Alliance miraculeuse) et Quân tiên hôi (Association de fées). Alliance de velours et de perle évoquait une alliance qu’on pourrait considérer comme « voulue par le Ciel » entre un poète de talent (la belle poésie est dite brodée sur du velours) et une beauté de perle. Alliance miraculeuse était encore plus transparente, car Thuong Thuong représentait la bouée de sauvetage de Han Mac Tu dans sa fin désespérée. Conscient de son état de santé, Han Mac Tu ne parlait néanmoins dans les deux premiers ouvrages que d’un amour respectueux de sa belle :

‘’ ‘« Je ne te contemple passionnément que dans un petit instant,’ ‘Pour que mon âme poétique monte jusqu’aux nuages flottants.’ ‘Quant à rester près de toi pour toujours afin de jouir des plaisirs,’ ‘Non, jeune sœur, je n’oserais point me laisser aller à une telle ivre passion. » 803

Dans le dernier vers cité, Han Mac Tu utilisa comme mot d’adresse une formule très inhabituelle, que nous n’avons vu nulle part ailleurs dans le langage écrit ; et dans le langage parlé, il n’aurait pu être qu’ironique. Le poète s’adressait à Thuong Thuong en l’appelant em, petite sœur. En vietnamien, quand un subordonné – ou un cadet – parle à un supérieur, un aîné, il peut l’appeler anh, grand frère. Pour mieux marquer son respect, il dit « thua anh » ; thua est ainsi un signe de respect qui ne saurait, par définition s’employer vis-à-vis d’un inférieur. En commençant son vers par « thua em », Han Mac Tu semblait exprimer une adoration affectueuse marquée de respect pour la jeune fille qu’il savait par ailleurs inaccessible.

Ainsi chez Han Mac Tu depuis les premiers écrits mais bien plus intensément depuis sa maladie qui le condamnait à l’isolement, les femmes qu’il avait aimées ou plus ou moins bien connues étaient toujours présentes, à la fois réelles et imaginaires dans sa poésie. Avec les différentes femmes qui sont passées dans sa vie amoureuse, il a vécu, expérimenté et fait partager dans et par la poésie de multiples sensations fortes : émotions suaves de l’amour juvénile dans Filles de la campagne, douleur, désespoir, regret, colère, dépit et surtout un languissement jusqu’à le faire dépérir – physiquement mais non mentalement – dans la vie cloîtrée où il se remémorait le bonheur perdu depuis le mariage de l’amante infidèle ; puis espoirs sitôt éclos sitôt flétris avec celles qu’il n’aimait qu’à travers une photo, un nom ou qui l’aimait à la folie sans arriver à lui faire partager son sentiment. Mais aussi une ardeur jamais épuisée, une joie fervente dans la communion avec la nature et avec l’être aimé, de l’enthousiasme même ; en somme des efforts surhumains pour assumer sa destinée. Han Mac Tu était non seulement un intellectuel formé à la fois aux études classiques et à l’enseignement moderne franco-vietnamien, non seulement un jeune patriote au cœur généreux, non seulement un amoureux passionné et souffrant jusqu’au martyre, non seulement un catholique fervent, il était encore et surtout un poète de talent.

Depuis 1936 Han Mac Tu réunit autour de lui un groupe de poètes originaires de Qui Nhon, dont le noyau était constitué de Han Mac Tu, Quach Tân, Yên Lan et Chê Lan Viên. Han Mac Tu faisait un peu la jonction car il entretenait comme Quach Tân le goût de la poésie classique dans la souche la plus pure et la plus recherchée de la poésie des Tang. Mais il partageait avec les deux autres amis, notamment Chê Lan Viên des expérimentations les plus hardies et des réflexions sur la poésie française, notamment le romantisme et le symbolisme. S’inspirant du titre d’un recueil édité par Yên Lan, Giêng loan (Puits rebelle), Han Mac Tu considérait la préface qu’il rédigea pour le recueil Diêu tan (En ruine) de Chê Lan Viên en 1937 comme la première déclaration de cette école qu’il voulait nommer Ecole de poésie rebelle (Truong tho Loan). Il intitula son propre recueil Tho diên (Poésie folle). A notre avis, rébellion et folie devraient se comprendre émancipation, liberté absolue, négation de toutes contraintes, jusqu’à celle de la réalité. Mais comme les contraintes restaient indéniables et bien réelles, rébellion et folie équivalaient aussi à la conscience des contradictions et des tensions.

Han Mac Tuqui avait appris de son frère aîné les subtilités de la poésie des Tang étudia ensuite à l’école et en autodidacte le romantisme français. Il réfléchissait notamment sur l’œuvre poétique de Baudelaire, à qui il se comparait dans une correspondance privée : « Baudelaire prend la passion 804 comme inspiration poétique. Si tu feuillettes mon recueil Poésie folle, tu verras que beaucoup de poèmes sont imprégnés de sentiments très ardents et très passionnés. J’ai manifesté toute la force de l’âme, du sang par des vers qui pourraient nous faire perdre l’esprit dans le plaisir voluptueux. Là-dessus, je suis un peu proche de Baudelaire. Mais juste un peu. Car dans la création poétique, j’ai joui de la musique, des fleurs, de la lune et des filles de manière innocente. Alors que Baudelaire a dit : « la passion est chose naturelle », c’est-à-dire qu’il a mal compris le terme passion. » 805 Il s’ensuit tout un long paragraphe où Tu opposait le sentiment, l’enthousiasme à la passion (qu’il traduisait en vietnamien par duc tinh, passion amoureuse, sexuelle), où il démontrait que « le sentiment et l’enthousiasme sont purs, naturels, spontanés, immaculés et sans péché, alors que la passion est un désir extraordinaire qui sort des commandements de Dieu ». En dehors des anges et des hommes, le Seigneur a créé, prétendit Tu, une autre espèce, celle des poètes. Le but de la poésie aurait été de « verser dans l’âme humaine des plaisirs passionnés, mais très parfumés, très purs ». Le poète aurait été un « génie créateur, aimant toujours le nouveau », et par conséquent jamais rassasié.

‘« Dans la vie du poète, il est toujours solitaire. Des jeunes filles même très belles ne sauraient le satisfaire. Car que ce soit chez les femmes ou chez les hommes, le poète leur trouve une personnalité mesquine et banale qui ne convient pas à sa nature éthérée. C’est pour cela que le poète ne cesse de gémir, à la recherche d’une âme-sœur 806 . Mais hélas, il ne la trouvera jamais ! » 807

L’âme-sœur du poète ne saurait être que le Seigneur, dans sa perfection, affirma Tu. Il cita également Baudelaire 808 pour affirmer qu’à l’opposé de ce poète athée, lui-même croyait à la convergence de la poésie avec la science et la morale et qu’en sa qualité de poète catholique, il « prenait le Seigneur pour sa Vérité et comme normes de sa poésie ». Han Mac Tu-poète était heureusement bien moins radical, catégorique et par conséquent bien plus spontané, humain que Han Mac Tu-théoricien. L’interdit chrétien, en s’ajoutant à et en renforçant les interdits confucéens et bouddhiques 809 à la base des traditions vietnamiennes, est à notre avis l’un des éléments à l’origine de la tension permanente dans la poésie de Tu, et cette tension n’est pas le moindre de ses attraits.

Il n’était pas jusqu’à la Vierge Marie que le poète catholique ne priait avec une ferveur sensuelle :

‘’ ‘« Maria ! Mon âme frémit, glacée.’ ‘Tremblant comme aurait tremblé un sujet à la vue du visage impérial,’ ‘Tremblant comme aurait tremblé un souffle au toucher d’un fil de soie d’or…’ ‘Mais mon cœur est imprégné de votre grâce et de votre tendresse. » 810

Alliance miraculeuse, pièce de théâtre où l’auteur mettait en scène les personnages Trân Thuong Thuong et le poète Han Mac Tu se termina par la séparation des amoureux car le poète en avait ainsi décidé, se prévoyant une mort solitaire :

‘« Un jour à côté d’un ruisseau de jade,’ ‘Avec les étoiles et la rosée 811 , je serai allongé mort comme la lune.’ ‘Il n’y aura aucune fée pour venir me pleurer,’ ‘M’embrasser et laver la blessure de mon cœur. » 812

Mais comme l’auteur avait du mal à s’y résigner, il fit suivre cette pièce d’une seconde, Association de fées.

‘’ ‘Le poète Han Mac Tu – personnage d’Alliance miraculeuse – partit se consacrer à la religion, le taoïsme en apparence, car au terme de sa pratique religieuse réussie (thanh chanh qua) il devint être divin et se déguisa en fée pour rejoindre l’association de fées créée par Thuong Thuong qui était en fait une fée nommée Quynh Tiên 813 . La fée-Han Mac Tu est nommé Huyên Tiên (Fée mystérieuse/de l’obscurité) 814 . Au terme d’une pratique religieuse réussie dans le bouddhisme, on devient bodhisattva ou bouddha ; dans le taoïsme on devient tiên. Mais comme l’Association des fées est une association féminine, le poète devenu tiên devait se déguiser en fée. Nous croyons voir par contre l’influence prohibitive très nette du confucianisme, du bouddhisme et du catholicisme quand les membres de l’Association des fées se rappelaient sans cesse que l’amour entre personnes de sexes différents était sévèrement exclus du monde céleste. Il suffirait pour s’en convaincre de comparer Association des fées par exemple au poème Tông biêt (Adieu) du poète romantique classique Tan Da sur un thème analogue, où cette prohibition était absente et qui de ce fait respirait un taoïsme plus authentique.’ ‘Hoa Khôi (son nom signifie Reine des fleurs) se plaignit :’ ‘« Depuis longtemps nous sommes éloignées du monde terrestre,’ ‘Comme nous souffrons de devoir cacher bien profondément notre amour secret,’ ‘Laissons-nous aller selon nos cœurs à nos passions et à nos rêves,’ ‘Aimons-nous donc, entre filles, aimons-nous bien doucement. »’ ‘Les deux « fées » se reconnurent et dansèrent ensemble, mais ne pouvant se retenir, ils s’embrassèrent éperdument et dévoilèrent ainsi l’identité de l’amant. ’

Dans sa lettre à Trân Thanh Dich, Han Mac Tu confia comment il avait l’intention de terminer l’intrigue :

‘’ ‘« Les fées encerclent le couple en disant que cet homme est un don du Ciel… Puis leur jalousie flambe. Le couple est obligé de prendre la fuite. Quand elles le savent, les fées quittent la montagne pour les poursuivre à tout prix, c’est-à-dire que les fées courent aprèsl’amour, retournent au monde humain, et les grottes nuageuses deviennent désertes et solitaires. » 815

Quand ils prirent connaissance des manuscrits d’Alliance de velours et de perle et d’Alliance miraculeuse, les amis de Tu se rendirent comptent que le jeu pouvait aller trop loin. « Afin de préserver l’honneur de la famille et par responsabilité vis-à-vis de l’avenir de sa sœur, Trân Tai Phung écrit à Han Mac Tu pour lui avouer la vérité. » 816 Tu reçut cette lettre quand il était en train de rédiger la dernière partie d’Association des fées, qui de ce fait resta inachevé.

Il ne faut pas croire cependant que les femmes dans la poésie de Han Mac Tu n’étaient que ses amantes réelles ou imaginées, fantasmées. Comme c’était – et c’est toujours – habituel dans la société vietnamienne, les hommes bénéficiaient non seulement de l’affection naturelle mais aussi d’une assistance très forte des membres féminins de leur famille et leur en étaient reconnaissants. Chez les hommes de talent et les militants politiques – qui avaient ce point commun qu’ils se consacraient tout entiers à leur œuvre/activité qui les passionnait – l’assistance était d’autant plus indispensable et d’autant mieux appréciée. C’était ainsi que Han Mac Tu comme de nombreux autres poètes éprouvait et exprimait une grande affection et une empathie profonde à l’égard de sa mère – à qui il dédia son poème Giang hô (Aventurier) à l’époque où il vivait loin d’elle, faisant du journalisme en Cochinchine – et de ses sœurs, plus particulièrement Lê, qui était la plus proche de lui par l’âge.

Dans la fratrie de Han Mac Tu-Nguyên Trong Tri, les enfants sans distinction de sexe étaient nommés Nhân (humanité), Nghia (sens du devoir), Lê (rites), Tri (intelligence), Tin (loyauté), Hiêu (piété filiale) qui sont les qualités essentielles de l’homme dans la moralité confucéenne ; les deux filles Nghia et Lê avaient donc des tên qui n’étaient pas habituellement des tên féminins. La contradiction latente reflète une réalité bien présente dans la culture vietnamienne : d’une part une forte valorisation des valeurs confucéennes, d’autre part une non-discrimination des genres bien plus profondément ancrée. Tri était très lié avec sa sœur Lê avec qui il partageait d’innombrables expériences d’enfance. Il en raconta une, qui l’avait bien marqué, car les images et les souvenirs de ce texte intitulé Promenade en saison de lune (Choi giua mua trang) se retrouvent dans plus d’un poème sur la lune de Han Mac Tu, qui mériterait bien le surnom « poète de la lune », par la fréquence de ce thème dans son œuvre et surtout par les vers saisissants qui sont les siens sur la lune. Des critiques ont expliqué – certes avec raison – que la lèpre le faisait souffrir surtout les nuits de pleine lune et que c’était la sublimation de la douleur physique qui se traduisait dans sa poésie. Personne n’a fait le lien avec Promenade en saison de lune, alors que la redondance des images et des expressions, et surtout décrivant des sensations voluptueuses nous paraît évidente. Lisons quelques extraits de ce texte, retrouvé dans les manuscrits de Han Mac Tu et qu’on n’a pas su malheureusement dater ; et nous comprendrons sans doute que seul un tabou toujours pesant l’a condamné à l’oubli :

‘« Ma grande sœur 817 rit aux éclats, le rire est limpide comme du cristal et d’une pureté extraordinaire. (…) Pourquoi cette nuit est-elle d’une beauté si gracieuse et si vivante ? Je voudrais demander à ma sœur si elle sent la douceur dans sa gorge comme si elle venait d’avaler une bouchée d’eau fraîche, si fraîche que sa langue et ses dents en sont gelées. Ma sœur ne dit rien, des pans de lune tombent sur ses habits comme des notes de musique en or. Les dunes sont d’un sable si blanc, plus blanc que la chair des êtres divins, d’une blancheur de la soie, plus blanche que la valeur de la virginité. Une blancheur qui me donne envie de me rouler follement dedans, de l’embrasser avec les lèvres, ou d’y frotter les joues pour jouir de la douce et délicieuse fraîcheur du sable… Nous nous tenons par la main et par la veste et nous nous appuyons l’un sur l’autre pour monter en haut… Parfois, nos genoux ne peuvent plus tenir et nous nous laissons tomber en roulant. Encore une occasion pour que le rire croustillant de ma sœur éclate dans l’air. (…)’ ‘Je m’aperçois soudain que ma sœur a un air si dégagé, d’une ingénuité, d’une fraîcheur et d’une majesté semblables à celles de la statue de la très sainte Vierge Marie. J’aurais envie de m’agenouiller devant elle pour solliciter sa grâce. Mais ô Ciel, comment ça se fait qu’elle soit si belle cette nuit ? Sa peau est blanche, et elle s’habille de soie blanche, comme elle paraît d’une pureté éblouissante !’ ‘Je lui secoue fébrilement la main et lui pose une drôle de question : « C’est bien toi, ma sœur ? » Je tremble à la pensée : et si ma sœur était une fée, un fantôme, ou une ogresse ? Mais j’éclate de rire et m’écrie : « Ah ! Ma sœur Lê, tu es lune, et moi aussi je suis lune ! »’ ‘Quand je nous regarde, ma sœur et moi, nous sommes effectivement lune. Ma sœur est gaie comme le printemps, court et danse, comme s’il lui était donné pour une fois de déployer toute la spontanéité d’une jeune fille de quinze ans. Je la contemple longuement et je me sens si heureux. Je me sens très fier de sa douce beauté, dont je ne jouis pleinement que sous ce ciel d’automne. Un instant lumineux comme celui-ci illumine mon âme et libère mon « moi » des contraintes de la chair… Je me mets soudain à hurler comme un fou et vais tendre la main pour recueillir une étoile filante. Ma sœur accourt de loin et me dit : ’ ‘Tu cries trop fort. J’ai peur que le son ne trouble l’atmosphère, et que les éclairs de lune ne deviennent écumes… ’ ‘Non, non, ma sœur ! La lumière de cette nuit sera éteinte, nous tomberons dans la tristesse et dans la nostalgie. Je veux monter directement au ciel pour chercher la lumière perpétuelle… » 818

On se croirait en plein film moderne de la fin du 20ème siècle comme A la verticale de l’été, film réalisé au Nord Viêt Nam par le réalisateur français d’origine vietnamienne Trân Anh Hung dans les années 1990 819 . Mais il a fallu le regard de l’extérieur de la part de Trân Anh Hung pour aller fouiller dans ces recoins inexplorés et surtout pour analyser, exprimer les émotions de la perception de l’autre sexe. Avant 1945, il fallait non seulement le drame personnel et la sensibilité poétique de Han Mac Tu mais aussi la fière affirmation du moi, la liberté d’esprit et d’expression des jeunes intellectuels de sa génération pour noter et pour rendre publiques ces notes. 820 Grâce aux amis de Han Mac Tu qui ont beaucoup œuvré pour la préservation et la publication de ses écrits, on a pu prendre connaissance des expressions les plus authentiques de ses états d’âme à travers la création poétique. On voit combien les femmes ont été importantes dans sa vie sentimentale, mais aussi combien leur rôle est resté très peu changé. Elles représentaient la grâce juvénile, la beauté dans la fleur de l’âge, la beauté comparable à la lune, aux fées du monde céleste, mais toujours attachée aux désirs et plaisirs humains ; elles étaient aussi pour le malade solitaire et souffrant une source infinie d’affection, de consolation tout en étant l’objet de son amour inassouvi, de son languissement, sa nostalgie du bonheur perdu, objet de son dépit, de sa haine meurtrière, mais plus souvent, d’un amour indélébile. Mieux, comme d’autres poètes vietnamiens de sa génération Han Mac Tu était imprégné à la fois de poésie classique des Tang, de ca dao et de romantisme français, tenté par le symbolisme, le surréalisme, et se distinguait d’eux tous par son catholicisme fervent. Il entrevoyait dans ses représentations de femme le salut ultime, la suprême consolation, le dernier recours, l’espoir de survie :

‘’ ‘« Je 821 vais rendre l’âme en cet instant’ ‘Où le vent infiniment triste exhale son regret dans les feuillages’ ‘Et toi, chérie, pourquoi n’en sais tu rien ?’ ‘Porte mon deuil, je t’en prie, jusqu’au dix-millième 822 jours. »’

Chê Lan Viên a certes raison en expliquant que dans cette interpellation ultime du poème intitulé Trut linh hôn (Rendre l’âme), Han Mac Tu ne s’adressait pas seulement à sa bien-aimée ou à une femme quelconque, mais en quelque sorte à l’humanité, à la postérité. Nous pouvons remarquer pour notre part que le mot d’adresse em n’étant pas « genré » en vietnamien (il signifie indifféremment petit frère ou petite sœur), « anh » et « em » pouvant désigner deux amis au masculin, il est arrivé à Han Mac Tu de rédiger deux poèmes intitulés Anh diên et Em diên dédiés à deux amis, titres qui pourraient se traduire l’un et l’autre par Je suis fou 823 . Les confidences, la consolation, ni les sentiments contradictoires et les relations tendues ne concernaient pas que les femmes. Il n’empêche, les femmes et la lune, encore une représentation féminine, remplissaient la poésie de Han Mac Tu et en débordaient. Cela est d’autant plus vrai pour la deuxième partie de sa création quand il souffrait déjà de sa maladie.

Chez Han Mac Tu, Xuân Diêu, comme dans toute la poésie des années 1920-1945 dont nous avons analysé le courant majeur, celui de la poésie dite nouvelle, les femmes auraient-elles été mieux prises en compte ? Oui et non. Oui, dans la mesure où aussi bien le physique que l’âme et le cœur féminins furent brossés avec recherche ou spontanéité, avec une approche plus réaliste ou plus romantique selon les auteurs mais souvent avec des accents émus, et d’une émotion sincère. Dans l’imagination des poètes de la première moitié du 20ème siècle, les femmes souffraient toujours, mais aussi, il leur arrivait de trembler de la solitude, d’exprimer leurs sentiments. Et surtout, elles apparaissaient dans toute leur individualité face aux hommes, à la fois proches et éloignées, adorées, désirées de manière plus sensuelle, parfois en communion étroite et pourtant, plus souvent autres, distantes, inaccessibles. Non, tant que ces silhouettes de femmes restaient des représentations sous les yeux des hommes, des yeux aimants, passionnés même, mais les femmes sont demeurées objets. Ce qu’on souhaiterait entendre davantage – puisque la voix féminine était audible dans d’autres domaines – ce serait le sujet féminin d’une vie sentimentale moins contraignante et plus individuelle.

Notes
779.

Les poètes vietnamiens, op. cit., p. 201.

780.

Les poètes vietnamiens, op. cit., p. 200.

781.

Les poètes vietnamiens, op. cit., p. 206.

782.

Gai quê (Fille de la campagne), poème de Han Mac Tu, édité pour la première fois dans le recueil Gai quê (Filles de la campagne), 1936, reproduit dans LU HUY NGUYÊN, Han Mac Tu, tho va doi (Han Mac Tu, sa poésie et sa vie), Van hoc, Ha Nôi, 2003, p. 17.

783.

Âm thâm (En silence), poème de Han Mac Tu, édité pour la première fois dans le recueil Gai quê (Filles de la campagne), 1936, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 22.

784.

Le baiser vietnamien se pratique souvent non en collant les lèvres mais en déposant le bout du nez sur la joue de l’autre, ensuite en aspirant plus ou moins doucement ou chaleureusement.

785.

Ben len (Pudeur), poème de Han Mac Tu, édité pour la première fois dans le recueil Gai quê (Filles de la campagne), 1936, reproduit dans Les poètes vietnamiens, op. cit., p. 207 et dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 20.

786.

En fait, « mon », « ma » ou « je » ne sont pas explicites dans l’original en vietnamien. Dans les vers précédents, l’auteur se désigne par ta, nous singulier.

787.

Thuc khuya (Veille tardive) ou Dêm không ngu (Nuit blanche), poème de Han Mac Tu, envoyé au club poétique Mong du (Somnambulisme) de Phan Bôi Châu vers 1930-1931, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 14.

788.

D’après Thê Phong, Cuc faisait des poèmes qui paraissaient dans la presse, signés du nom de plume Hoang Hoa (Fleur Jaune) ; mais nous n’avons pas pu retrouver. The Phong est le seul biographe de Han Mac Tu à mentionner ce détail sur la première jeune fille dans la vie du poète. Voir THÊ PHONG, Han Mac Tu, nha tho siêu thoat (Han Mac Tu, le poète métaphysicien), 1ère éd. Dai Nam van hiên, Sai Gon, 1965, 3ème éd. Dông Nai, 2002, 108 p., p. 15.

789.

Le père de Hoang Thi Kim Cuc est Hoang Diêp, Directeur du Service du Cadastre.

790.

Voir, entre autres, Phan Thiêt !Phan Thiêt !, poème de Han Mac Tu dans le recueil Printemps exaucé, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 102-103.

791.

Dung cho long bay xa (Que mon cœur ne s’envole pas au loin), poème de Han Mac Tu dans le recueil Harmonie suprême, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 112-113.

792.

Dâu tich (Vestige), poème de Han Mac Tu dans la deuxième partie du recueil Poésie folle intitulée Mât dang (Bile amère), reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 66.

793.

Dans l’original en vietnamien, « je » et « toi » sont implicites.

794.

Muôn nam sâu tham (Elegie de cent mille ans), poème de Han Mac Tu dans la deuxième partie du recueil Poésie folle, intitulée Mât dang (Bile amère), reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 65. Dans ce poème, pour une fois, l’amoureux-poète interpelle sa bien-aimée par son vrai nom.

795.

Ce vers est à prendre pas seulement au sens propre, car « vent et lune » signifie « amour » au figuré. Mais nous pensons que le poète a fait exprès d’utiliser un verbe très cru, « an (manger) », qui reprend « assouvir ma faim » du vers précédent ; nous préférons par conséquent le garder dans la traduction.

796.

Lang thang (Errant), poème de Han Mac Tu dans le recueil Printemps exaucé, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 92.

797.

Témoignage de Quach Tân, un poète ami de Han Mac Tu dans son article « Dôi net vê Han Mac Tu (Quelques traits sur Han Mac Tu) », rédigé en 1960, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 169-195.

798.

Encore une fois, le « je » reste implicite dans le titre vietnamien.

799.

Témoignage de Quach Tân, op. cit., p. 178.

800.

Luu luyên (Quitter avec regret), poème de Han Mac Tu, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 55-56.

801.

Témoignage de Trân Thi Huyên Trang, « Nhung bong dang khuynh thi (Des silhouettes qui ont influencé la poésie) », dans Han Mac Tu , sa poésie et sa vie, op. cit., p. 290-312.

802.

Thuong=aimer, la répétition a un sens diminutif ou embellissant.

803.

Duyên ky ngô (Alliance miraculeuse), pièce de théâtre en vers de Han Mac Tu, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 121-134.

804.

Les mots en italique sont en français dans le texte original de Han Mac Tu.

805.

Lettre à un ami désigné par l’initiale M., rédigée à Qui Nhon en juin 1939, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 152-156.

806.

Le terme vietnamien correspondant est tri ky, qui me connaît, qui me comprend.

807.

Lettre à un ami désigné par l’initiale M., rédigée à Qui Nhon en juin 1939, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 152-156.

808.

« La poésie ne peut pas sous peine de mort ou de déchéance, s’assimiler à la science ou à la morale. Elle n’a pas la vérité pour objet, elle n’a qu’elle-même. » Citation en français dans le texte de Han Mac Tu.

809.

L’un des premiers poèmes de Han Mac Tu intitulé Gai o chua (Fille à la pagode) déplore que la beauté et la jeunesse de la nonne soient à jamais sacrifiées dans sa vie religieuse. Ce poème est reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 9.

810.

Ave Maria, poème de Han Mac Tu, dans Printemps exaucé (Xuân nhu y), reproduit dans Les poètes vietnamiens, op. cit., p. 211.

811.

A ne pas oublier: la jeune fille Ngoc Suong (Rosée de Jade) que Han Mac Tu avait aimée parce que son physique ressemblait au frère Bich Khê, un de ses amis les plus chers.

812.

Cette strophe suit immédiatement celle que nous avons citée auparavant: « Je ne te contemple…ivre de passion. »

813.

Tiên signifie fée, Quynh est le nom d’une fleur de la famille du cactus, célèbre pour sa pure beauté mais aussi pour sa vie éphémère, car elle s’épanouit vers minuit et ne survit pas le lendemain

814.

En fait, en vietnamien, tiên n’a pas de genre ; on n’en connaît le sexe (et l’âge ! même si le temps au pays divin est connu pour être très différent de celui du monde humain) que par les mots d’adresse ông (monsieur), ba (madame) ou (mademoiselle) tiên.

815.

Han Mac Tu , sa poésie et sa vie, op. cit., p. 135-137 et 186-187. Les mots en italique sont soulignés par Han Mac Tu.

816.

Témoignage de Trân Thi Huyên Trang, Han Mac Tu , sa poésie et sa vie, op. cit., p. 312.

817.

En vietnamien chi signifie grande sœur et em, petite sœur; em s’emploie aussi pour s’adresser à une jeune fille de la même génération sur un ton plus intime, et désigne par conséquent l’amante dans une relation amoureuse ; alors que chi exprime un rapport plus distant, plus formel quand on s’adresse à une jeune fille/femme qui n’est pas sa propre sœur. Dans le reste de la citation, nous traduirons par « sœur » pour alléger le texte en français ; mais il conviendrait de garder à l’esprit ce contexte linguistique et culturel vietnamien.

818.

Choi giua mua trang (Promenade en saison de lune), sous-titré « Tho van xuôi (poème en prose) », manuscrit non daté de Han Mac Tu, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 138-145.

819.

Ce film reflète l’intimité de la vie à l’intérieur des familles traditionnelles de Ha Nôi, les relations de complicité dans la fratrie et la proximité dans la vie quotidienne, une proximité renforcée du fait de l’exiguïté de l’espace du foyer ; ce qui fait problème à un certain moment de l’adolescence quand le jeune frère découvre la femme dans sa sœur, sa cousine ou une autre parente.

820.

Rappelons que les manuscrits de Han Mac Tu n’étaient pas prévus d’être tous publiés et que, pressentant sa fin il a tenu à les confier à son ami Quach Tân avec ces recommandations : « Avant d’entrer à (la léproserie de) Qui Hoa, j’ai fait le vœu de brûler mon manuscrit Poésie folle si Dieu m’accorde la grâce de la guérison. Mais réflexion faite, j’ai pensé qu’une fois que c’est écrit, même si on le brûle, on n’efface pas pour autant son péché, j’ai abandonné cette intention. Cependant, il ne faudrait pas dévoiler tous les mystères de mon âme aux yeux du public. (…) Lesquels de mes poèmes devraient paraître au monde et lesquels pas, tu le sais déjà, je te laisse carte blanche. » Témoignage de Quach Tân dans « Dôi net vê Han Mac Tu (Quelques traits sur Han Mac Tu) », reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 190-191.

821.

Dans tout ce poème l’auteur utilise en vietnamien « ta », un « je » moins individuel que « tôi ». Le contexte nous permet cependant de traduire em par « chérie ».

822.

Dans la culture sino-vietnamienne, « dix-mille » est synonyme de « toujours, à perpétuité ».

823.

Poèmes de Han Mac Tu dans le recueil Printemps exaucé, reproduit dans Han Mac Tu, sa poésie et sa vie, op. cit., p. 93.