Une nouvelle génération de femmes patriotes

On aurait pu parler en fait de plus d’une génération de femmes patriotes.

L’historiographie vietnamienne officielle distingue dans le mouvement des “nouveaux lettrés” 922 du début du 20ème siècle un courant dit « révolutionnaire » parce qu’il privilégiait la lutte armée anti-colonialiste et une tendance dite « réformiste » – avec une certaine connotation péjorative – car elle promouvait plutôt les réformes modernistes. Cette distinction est certes fondée dans une certaine mesure car il était effectivement difficile de trancher sur la priorité de l’objectif d’indépendance ou celui de modernisation et sur le choix des procédés de lutte – par la violence des armes ou en se ménageant une couverture légale afin d’élever le niveau d’instruction de la population. Une ligne de partage trop rigide ne paraît pas cependant correspondre aux témoignages des lettrés ayant participé au mouvement, témoignages directs à travers leurs écrits et indirectement recueillis par leurs descendants. En nous intéressant aux prises de position des deux leaders Phan Bôi Châu (1867-1940) et Phan Châu Trinh (1872-1926) comme de certains autres lettrés modernistes par rapport aux questions de genre, nous verrons encore plus clairement comme la ligne de partage gagnerait à être davantage nuancée. Nous utiliserons indifféremment « révolutionnaire » ou « réformiste » – sans aucun jugement de valeur – pour qualifier ce mouvement moderniste du début du 20ème siècle. Bien qu’il date des années 1904 à 1908, nous allons l’inclure ici dans ses expressions féminines, d’une part parce que ces aspects sont restés voilés jusqu’à maintenant et d’autre part parce que ce mouvement a jeté les bases de la phase moderne dans la lutte anticolonialiste, menée depuis le milieu du 19ème siècle dans une optique plus traditionnelle.

Notes
922.

On désigne par nouveaux lettrés ceux qui, dans un mouvement généralisé au début du 20ème siècle, ont critiqué le système des concours mandarinaux et leur corollaire, celui des études livresques détournées des réalités socio-économiques. Cette remise en question a été cependant initiée dès la 2ème moitié du 19ème siècle par une minorité de lettrés modernistes, dont le plus éminent fut Nguyên Truong Tô.