Les femmes de lettres : écrivaines, poétesses, journalistes, éditrices, féministes

A travers le cas particulier des deux filles du tri huyên (chef de district) Nguyên Dinh Tri, on peut mesurer l’écart entre les diplômées qui ont choisi l’enseignement – ou la fonction publique dans l’ensemble, où nous regrettons de n’avoir pu trouver de cas exemplaire dans la santé, notamment l’obstétrique et la gynécologie – et d’autres, plus minoritaires, qui se sont affirmées dans les professions “libérales”. Nguyên Dinh Tri fut député municipal de Sai Gon-Gia Dinh au début des années 1930. Il était également Président du Club de football Etoile de Gia Dinh, très populaire à partir de 1930, 1931. Sa fille Nguyên Thi Châu, née en 1912 à Gia Dinh, était désignée chez elle par Cô Nhut (mademoiselle Première). Après le DEPSFI obtenu à la fin du cursus aux Tuniques violettes, elle avait manifesté un désir tellement fort de poursuivre ses études en France que ses parents, malgré leurs modestes moyens, avaient sollicité et obtenu une bourse, disent les uns, une aide bénévole d’ami-es, disent les autres. Nous avons vu comment la jeune professeure se dévouait dans sa carrière d’enseignante. La cadette, Nguyên Thi Kiêm, née en 1914 à Go Công, élève du même collège, commença aussi par être enseignante des petites classes des Tuniques violettes. Mais elle quitta au bout de quelques années pour devenir journaliste professionnelle. D’autres femmes instruites, comme Anh Tho et ses amies du club poétique de Sông Thuong, ont carressé le rêve jamais réalisé de vivre de leurs plumes. Dans le Centre et le Sud, où l’environnement social était plus favorable au développement des média en général et où la discrimination sexuelle était nettement moins marquée, les femmes de lettres ont pu se faire connaître comme essayiste, romancière, rédactrice ou même rédactrice en chef de périodique féminin, voire d’initiatrice de maison d’édition réservée aux femmes-auteurs. Nous allons en voir quelques cas représentatifs.