Troisième partie : La première vague du féminisme vietnamien 

En analysant les représentations culturelles des femmes et en présentant des parcours de femmes représentatives de leur époque et/ou de leur catégorie sociale, de leur choix professionnel ou idéologique, nous avons identifié des pensées, des comportements, des modèles de femmes modernes et modernistes. Dans cette dernière partie, nous allons nous poser plus directement la question : dans quelle mesure peut-on parler d’un – ou des – féminisme(s) vietnamien(s) qui aurai(en)t émergé dans les années 1920 et 1930 jusqu’à la Révolution d’août 1945 ?

En 1998, alors que nous étions à la recherche de traces féminines dans l’histoire moderne du Viêt Nam, nous avions entrevu des prises de position que nous étions tentée de qualifier de féministes 1164 . En explorant davantage les sources et documentations, nous avons ensuite cru pouvoir parler d’un début de féminisme vietnamien notamment à travers la presse et la littérature romanesque en quôc ngu 1165 . Dans cette étude plus approfondie, nous avons pu expliciter davantage d’idées émancipatrices et de pratiques innovantes et en questionner les origines. Il devient possible de rendre compte de l’existence d’un véritable féminisme vietnamien et d’en esquisser un premier bilan. En situant plus clairement la première vague du féminisme vietnamien en son siècle, nous aurons fourni des éléments d’une histoire (à écrire) qui permettront à des recherches ultérieures d’étudier les deuxièmes et troisième vagues sans commettre l’erreur de les penser comme ex-nihilo.

Notes
1164.

BUI TRAN PHUONG, « Etudier l’histoire des femmes au Viêt Nam », 12 p., manuscrit destiné au Colloque international sur la vietnamologie tenu à Ha Nôi en 1998. Nous en avons parlé en ces termes : « Le féminisme vietnamien (…) a témoigné d’une grande maîtrise de soi et de la situation, du talent et de la profondeur dans la pensée avec des noms tels que Suong Nguyêt Anh, rédactrice en chef de Nu gioi chung (Son de cloche du sexe féminin), puis Dam Phuong (Công Nu Dông Canh), Trân Thi Nhu Mân (femme de Dao Duy Anh)... Quand la lutte nationale tourne au conflit armé puis en guerre chaude, le féminisme a cédé le pas à d’autres urgences » (p. 6-7). « Au Viêt Nam, un certain mouvement féministe est apparu vers les années 30, 40 de ce siècle; il s’est développé plus en profondeur qu’en ampleur, s’est efforcé de construire avec patience plus que de détruire avec fracas; il a duré surtout trop peu longtemps et est tombé dans l’oubli après un éclat éphémère » (p. 11).

1165.

BUI TRAN PHUONG, Femmes vietnamiennes : 1920-1945, émergence d’une conscience de genre, mémoire de DEA soutenu à l’université Lyon Lumière en 2001.