La prise de conscience et l’affirmation identitaire

L’affiliation au nationalisme moderniste explique le fait que ce furent les hommes qui les premiers élevèrent la voix en faveur de l’émancipation féminine. Les premiers féministes vietnamiens dans l’ère moderne furent par conséquent, assez contradictoirement des lettrés, mais des lettrés réformistes, initiateurs du mouvement Duy tân (Renouveau) du début du 20ème siècle. Fidèles aux traditions, ils se souciaient de l’harmonie au sein du couple, où la femme obéissait à son époux ; mais considéraient comme condition sine qua non de cette harmonie qu’il était indispensable, d’un côté et de l’autre, de bien choisir son conjoint, pour que chacun et chacune contribue au bonheur de la famille. 1593 L’harmonie familiale se devait par contre de contribuer à l’accomplissement du devoir envers la patrie, ce qui encourageait la conscience citoyenne de la part des femmes comme des hommes. La patrie vietnamienne étant humiliée et exploitée sous la colonisation, la conscience citoyenne s’exprimait tout d’abord par une protestation contre toute atteinte à la dignité humaine. Les femmes vietnamiennes, quand elles reprirent à leur compte l’exhortation au modernisme, surent dès le début stigmatiser l’attitude « y lai (s’appuyer passivement et exclusivement sur autrui) 1594  » comme première cible de leur lutte pour l’autonomie. Pour mériter d’être la compagne à égalité avec son époux, la femme idéale était celle qui « nourrissait l’ambition de son mari (truong chi cho chông) », qui savait bien élever et éduquer ses enfants, etc. Et l’individu-femme, dans quelle mesure en était-il tenu compte ?

Notes
1593.

Voir supra chapitre VII.

1594.

Comme il n’existe pas d’équivalent français à ce terme pourtant très usuel en vietnamien, surtout pour désigner l’attitude comportemental des “faibles” (femmes, enfants, subordonnés, petit peuple, etc.), nous avons eu recours au Dictionnaire vietnamien-français, op. cit., p. 1129, qui donne comme traductions : « compter passivement sur, ne compter que sur, s’appuyer exclusivement sur ».