Quand on a vu la flambée, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi elle fut si brève et en plus, apparut comme une étoile filante dans la nuit noire.
Et on pense tout de suite à la répression, avec raison. Aussi bien les contemporains – et encore plus spécifiquement ceux de Huê – que des chercheurs de l’époque postérieure se sont émerveillés de voir dès 1926 surgir l’Association éducative professionnelle pour les femmes en tant que première association féminine dans la cité impériale où aussi bien le présent colonial que le passé impérial semblaient défavorables pour une telle éclosion. L’organisation doubla son effectif en trois ans, mais son existence militante ne dura pas au-delà. Trân Thi Nhu Mân, secrétaire de l’Association fut arrêtée et resta un an en prison. Un membre d’une autre organisation révolutionnaire à Huê, pris par la police en juillet 1929, lui avoua tout ce qu’il savait, y compris en dehors de son organisation. Dam Phuong en subit les conséquences car elle-même fut incarcérée trois mois. NCHH fut “reprise et réorganisée” par l’épouse d’un haut fonctionnaire francophile. Dam Phuong démissionna et, même si elle était encore présente dans certaines cérémonies, n’y joua plus aucun rôle. Nhu Mân témoigna aussi que son nom restait dans la liste des membres mais ce n’était plus que formel. L’Association fut vidée de sa force vive et devint un anodin centre d’apprentissage de cuisine et de broderie.
En mai 1934, Phu nu tân van fêta son cinquième anniversaire en annonçant un programme optimiste et ambitieux. En décembre elle fut arrêtée net à son numéro 271 ; on n’en sait toujours pas la vraie raison. La Libraire des femmes (Nu luu tho quan) fut créée en 1928. Sa patronne Phan Thi Bach Vân « a comparu devant les assesseurs quatre fois, devant le tribunal deux fois, a même failli être mise en prison », comme elle en a fait elle-même le bilan. Elle fut effectivement traduite en justice le 10 février 1930, accusée de « menées subversives au moyen de la littérature et de la pensée ». Ce fut sa grossesse qui la sauva, selon le témoignage de sa fille : l’un des juristes français fut tellement gêné de la voir comparaître au tribunal en cet état qu’il intercéda en sa faveur pour qu’elle soit innocentée. 1689 Sept livres édités par sa maison d’édition furent interdits, dont Guong nu kiêt (Héroïne exemplaire) de Phan Thi Bach Vân, Giam hô nu hiêp (L’héroïne du lac de l’Epée) et Nu anh tai (Femme de talent) de Hoang Thi Tuyêt Hoa (autre nom de plume de Phan Thi Bach Vân), Bang tâm ngoc chât (Cœur pur de jade) de Huynh Anh Thi 1690 . La collection initialement intitulée « Tinh thân phu nu » (Esprit de femmes, ou, encore une autre traduction possible de Féminisme ?) fut obligée de changer en « Sach nu luu » (Livres de femmes). On peut dire que le modernisme en général, le féminisme en particulier furent directement victimes de répression même quand ils choisissaient la lutte culturelle ouverte. Il faut compter avec ce qu’endurèrent les femmes révolutionnaires, dont Nguyên Thi Luu, une journaliste militante, traînée dans plusieurs bagnes qui ne se laissaient surpasser en mauvaise renommée que par Poulo Condor, Minh Khai qui fut fusillée à l’âge de trente-et-un ans en dépit des efforts ultimes de son père 1691 et l’hésitation de quelques administrateurs français qui voulaient la faire grâcier « parce qu’elle était femme », etc.
Fait rapporté par Vo Van Nhon, Littérature en quôc ngu…, op. cit., p. 155.
Cette auteure n’est pas encore identifiée. Il y a de fortes chances pour que ce soit un autre nom encore de Phan Thi Bach Vân. Car Huynh est la prononciation sudiste du nom de famille (ho) Hoang qu’elle a choisi pour Hoang Thi Tuyêt Hoa. Huynh anh veut dire par ailleurs fleur jaune ; et son vrai nom est Phan Thi Mai, où le nom individuel (tên) Mai est une fleur jaune.
P. Brocheux souligne que sa lettre adressée au maréchal Pétain était fort émouvante. Entretien en mai 2007.