2.1.2. Joie de recevoir

Selon les guides de savoir-vivre, le receveur a aussi une attitude à tenir lors de l'échange : il doit tout d'abord accepter le cadeau qu'on lui offre, puis exprimer de la gratitude et de la reconnaissance vis-à-vis de l’offreur. Montrer que le cadeau lui fait plaisir et remercier l’offreur pour son geste généreux sont les deux rôles principaux que le savoir-vivre impute au receveur.

‘Lorsqu’on vous remet un cadeau, déballez-le toujours de suite. Remerciez et si vous sentez que la personne a mis vraiment beaucoup de soin et de tendresse dans son choix, faites-lui plaisir. Portez le pull, essayez la parure, remplacez vos boucles d’oreille par celles que vous venez de recevoir, etc.. (Pidolle, 2002 :84)’

Selon Dewitte, reconnaître la générosité de l'offreur et lui exprimer de la gratitude vont ensemble : « voir le don dans le bienfait reçu, percevoir la générosité dont il est issu, c'est justement cela la gratitude » (1996 : 106).

Les guides insistent beaucoup sur le remerciement. Ils conseillent au receveur de remercier l’offreur quoi qu’il arrive. « Celui qui reçoit le cadeau aura évidemment le bon goût de dire merci. » (Petrovic, 2000 :114)

Le savoir-vivre pousse le receveur à signaler, même s'il n'est pas sincère dans certains cas, que le cadeau est à son goût et qu'il est reconnaissant envers l’offreur pour le plaisir qu'il lui procure. Fontanel et Perron résument ceci en disant : « on prend l’air content » (2003 :62).

Dans cette situation, les bonnes manières nous incitent à être parfois hypocrites, puisque même si le cadeau ne plaît pas au receveur il doit tout de même exprimer de la gratitude envers l’offreur et lui faire croire que son cadeau lui fait plaisir : « L'art de recevoir un présent va consister à rehausser la générosité du donateur. » (Lacroix , 1990 : 375).

Les guides indiquent au receveur de ne pas faire des reproches à l’offreur quant à la valeur ou au contenu du cadeau qu'il lui offre. Ils signalent que le receveur doit faire des commentaires élogieux sur le cadeau en exprimant sa joie de recevoir ce présent. Les guides expliquent que le receveur doit faire comprendre à l’offreur qu'il a fait un bon choix et que le cadeau correspond à ses goûts, il doit valoriser la bonté du geste de l’offreur. Lacroix résume ainsi la situation :

‘S'extasier devant un cadeau, c'est vouloir persuader celui qui nous le donne de sa capacité à rendre les autres heureux. C'est lui permettre de mesurer toute l'étendue de sa gentillesse. L'obligation de celui qui reçoit est d'apporter ce soutien de soi chez celui qui offre. (...) L'art de recevoir un présent est en somme l'art de magnifier la générosité ou la perspicacité du donateur. Il faut qu'autrui lise, dans l'expression de notre gratitude, les signes irréfutables de ses qualités de cœur. (1990 : 378)’

La personne qui offre un cadeau peut avoir des doutes et avoir peur que le cadeau ne plaise pas au receveur. Alors le savoir-vivre incite le receveur à rassurer l'offreur en se réjouissant à la vue du contenu du paquet.

Le rôle du receveur selon les guides semble donc se dérouler selon plusieurs étapes : accepter le cadeau, remercier l'offreur en lui exprimant de la gratitude, reconnaître sa générosité et montrer que le contenu du cadeau lui plaît.

Nous verrons dans la deuxième partie que le rôle des participants apparaît à travers différentes stratégies de politesse précises que nous illustrerons par notre corpus authentique. Et nous verrons ainsi que le rôle des participants est plus complexe que celui qui est présenté ici du point de vue des guides de savoir-vivre. L’analyse linguistique de notre corpus va nous permettre de nuancer ces principes.