2.1.1. La parole d’accompagnement du don

Comment offrir un cadeau ? En l’accompagnant toujours d’un petit mot … On a l’habitude de dire que c’est « l’intention qui compte ». Faites donc l’effort de trouver des mots pour présenter vos vœux et exprimer la raison de votre geste.
(Petrovic, 2000 : 113)

Dans notre corpus, nous avons observé que, dans la majorité des séquences, les offreurs accompagnaient le don de leur cadeau par une parole. Dans la majorité des cas, cette parole d’accompagnement du don est aussi « l’ouvreur » de la séquence d’offre car la séquence commence bien souvent avec le don et la parole d’accompagnement du don.

Cette parole d’accompagnement du don peut apparaître sous différentes formes. Lors de fêtes comme Noël ou les anniversaires, la parole d’accompagnement du don se présente souvent sous la forme de vœux comme « Joyeux Noël » ou « Joyeux anniversaire » pour justifier l’acte de don :

(Séquence 1) « joyeux Noël ma belle »

(Séquence 2) « joyeux Noël en retard »

(Séquence 8) « cadeau joyeux Noël »

(Séquence 9) « tiens joyeux anniversaire »

(Séquence 10) « joyeux Noël papa »

(Séquence 16) « joyeux anniversaire »

(Séquence 28) « tiens bon anniversaire »

Pour les anniversaires, le chant traditionnel de « Joyeux anniversaire » peut aussi être entonné avant de tendre le paquet (séquences (7) (11) (19)).

Nous pouvons noter que les occurrences « joyeux anniversaire » ou « joyeux Noël » n’apparaissent presque jamais seules (excepté la séquence (16)). Elles sont souvent suivies d’une précision concernant le statut familial de la personne, un terme d’adresse (souvent un « petit nom ») ou d’une réparation (comme une excuse pour le retard).

Voeux + statut familial de la personne  (10) « joyeux noël papa »
Vœux + terme d’adresse (1) «  joyeux Noël ma belle »
(17) « tiens bon anniversaire petit bonhomme »
Voeux + réparation (2) « joyeux Noël en retard »
(24) « tiens joyeux noël un peu en retard »

Ces occurrences sont aussi parfois précédées de l’impératif « tiens ». Exemples : (Séquence 28) « tiens bon anniversaire »

L’impératif « tiens » est d’ailleurs très présent dans notre corpus. On peut noter que 50 % des séquences ont une parole d’accompagnement du don qui contient l’occurrence « tiens ». Il apparaît de différentes façons :

« tiens » + ø (3) « tiens »
(26) « tiens »
« tiens + occasion » (5) « tiens c’est pour l’anesthésie »
(9) « tiens joyeux anniversaire »
(24) « tiens joyeux Noël un peu en retard »
« tiens + prénom » (22) « tiens P »
« tiens + cadeau » (7) « tiens un p’tit cadeau »
(21) « tiens un cadeau »

Cet impératif « tiens » apparaît comme un bon moyen pour l’offreur d’interpeller le receveur. De cette manière, il entre en contact avec le receveur, il attire son attention et lui indique qu’il doit prendre quelque chose. Cette parole est là pour accompagner le geste d’offre du cadeau. Cet impératif présent a pour rôle ici d’ouvrir la séquence d’offre, c’est une sorte « d’amorceur ». Offrir un cadeau est d’abord un acte non-verbal qui nécessite un accompagnement verbal, et c’est ici la première parole qui accompagne cet acte.

La parole d’accompagnement du don apparaît principalement au début de la séquence d’offre. Elle permet lors de l’interaction de marquer l’ouverture de la séquence et donc le changement de séquence au sein de l’interaction entre les participants.

De plus, il semble difficile pour l’offreur de tendre son paquet-cadeau sans accompagner son geste d’une parole, et cette parole ne peut exister que par la présence de l’acte non-verbal qu’est d’offre du cadeau. Seules deux séquences ne présentent pas de parole qui accompagne directement l’acte d’offre. Ce sont les séquences (15) et (25). Pour la séquence (15), il y a différents échanges qui précèdent le don et qui peuvent expliquer cette absence de parole d’accompagnement du don : l’ouverture de la séquence a déjà était faite autrement, le don n’est donc pas isolé et silencieux.

L’absence de parole d’accompagnement du don apparaît aussi lors de cérémonies familiales comme Noël où chacun prend son cadeau préalablement posé par l’offreur au pied du sapin (séquences (12) (13) (14)).

Mais il n’est pas étonnant de voir qu’un geste comme celui de tendre un cadeau pour l’offrir s’accompagne d’une parole car l’interaction n’aime pas le vide. Les participants laissent rarement des « blancs » au cours de l’interaction, d’autant plus en début de séquence. Cette parole d’accompagnement du don accompagne un geste qui ne se suffit pas à lui-même dans le cadre de l’interaction.