3.2. Echanges initiés par l’offreur

Les échanges à propos du cadeau après l'offre peuvent être initiés par l’offreur. Pourtant, les guides de savoir-vivre le déconseillent :

‘Après avoir donné un cadeau, ne plus en reparler soi-même. Ramener la conversation sur ce sujet, c'est agir comme si on voulait vérifier qu’autrui continue d'éprouver de la gratitude. C'est l'obliger à réitérer ses remerciements, comme si ceux-ci devaient être indéfiniment renouvelés pour espérer constituer un équivalent de la chose donnée. (Lacroix, 1990 : 341).’

Mais nous avons remarqué qu'il n'est pas rare que l'offreur demande une confirmation de la part du receveur à propos du cadeau. Ici encore l'offreur cherche à s'assurer que le cadeau a vraiment plu au receveur.

L’offreur peut alors demander au receveur :

« T'es sûr que ça te plaît? »

« Alors tu l'utilises ? »

En réitérant des questions sur le plaisir du receveur, l'offreur effectue un FTA pour la face et le territoire du receveur, car ces deux questions peuvent apparaître comme une sorte d'« inquisition ». La demande de confirmation qui est avérée pendant l’échange prend un autre sens après le moment. Cela peut placer l’offreur dans une position insistante qui gêne le receveur.

L'offreur s'expose alors à deux réponses possibles de la part du receveur :

 Soit le receveur réitère ses remerciements. On peut cependant douter de la sincérité de cette gratitude. En demandant à nouveau au receveur si le cadeau lui plaît, l’offreur le pousse à exprimer son plaisir et à produire de nouveaux FFAs. Mais on peut se demander si la loi de sincérité est réellement respectée.

Comme le souligne Kerbrat-Orecchioni :

‘Il arrive donc aux lois de discours d'entrer en conflit les unes avec les autres, le plus constant de ces conflits étant celui qui oppose aux diverses lois de convenance la règle de sincérité : déchirés comme nous le sommes si souvent entre notre désir de franchise, et notre souci d'épargner à autrui les blessures narcissiques qu'elle ne manquerait pas de lui infliger, nous ne cessons de composer avec deux exigences contradictoires, au profit généralement de la seconde. (1986 : 257)’

Bien sûr, si le cadeau a réellement plu au receveur, il est évident que ces nouveaux remerciements, même sollicités par l’offreur, seront encore une fois sincères comme au moment de l'offre.

O : alors ce livre il est bien ?

R : ben j’ai été déçu, il est pas terrible en fait, mais il y a quand même des bons passages.

O : au fait, tu l’utilises pas le porte-monnaie que je t’ai offert ?

R : ben il est super mignon, mais en fait il est pas très grand, c’est pas très pratique.

On peut par conséquent penser que c’est le temps qui permet au receveur d’exprimer ses sentiments réels vis-à-vis du cadeau qu’on lui a offert. On peut difficilement imaginer que le receveur fasse de telles réflexions au moment de l’offre. Pour autant, ces commentaires sont des FTAs pour l’offreur même s’ils sont différés par rapport au moment de l’offre.

Les séquences qui ont lieu après l’offre remettent en jeu les faces des participants. Mais on note que l’on ne retrouve pas le même travail de figuration qu’au moment de l’offre. Le receveur produit des FFAs et sauve sa face en remerciant l’offreur ; l’offreur essaye toujours de se rassurer en sollicitant à nouveau de la gratitude de la part du receveur. Seul le cas où le receveur déclare de manière sincère, bien qu’adoucie, que, finalement, le cadeau ne lui plaît pas vraiment, change le « face work ». Ici le receveur risque de « blesser » l’offreur et de lui faire perdre la face. Ce qui n’a jamais été observé au moment de l’offre.