4.2. Dire que ça ne plaît pas

Dire à l’offreur que le cadeau ne nous plaît pas est une réaction non-préférée car le receveur doit normalement montrer son plaisir et rassurer l'offreur en lui disant qu'il a fait le bon choix, comme nous l'avons vu plus haut. Mais il semble que de temps en temps, le receveur émette des critiques concernant quelques aspects du cadeau : sa couleur, sa taille, sa forme. Les personnes observées émettent ce genre de critique uniquement à des proches. Cependant, dire à l'offreur que le cadeau ne nous satisfait pas entièrement est un affront pour lui et il risque de se vexer parce qu'il s'apercevra qu'il n'a pas fait le bon choix. On se trouve ici face au cas de « double contrainte ».

‘Les règles qui régissent nos comportements dans l’interaction peuvent entrer en conflit les unes avec les autres, par exemple : (1) conflit intervenant entre les différentes maximes conversationnelles ; (2) conflit entre les différentes règles constitutives du système de politesse ; (3) conflit entre les maximes conversationnelles et les règles de politesse, par exemple entre la maxime de qualité et le principe de ménagement d’autrui – car la franchise et le tact ne font pas bon ménage, comme nous en faisons l’expérience à chaque instant de notre vie quotidienne, ayant à choisir entre le « pieux mensonge » et la sincérité blessante. (Kerbrat-Orecchioni, 2002 : 195-196)’

En effet, lorsque le cadeau ne nous plaît pas vraiment on se trouve face à deux réactions possibles : le dire et être sincère ou dire que cela nous plaît pour sauver la face de l'offreur mais bafouer la règle de sincérité.

Dans le cas de la situation d'offre, être sincère lorsque le cadeau ne nous plaît pas est une réaction qui se fait au détriment de la préservation de la face de l'offreur. On peut supposer que ce FTA sera atténué d'une manière ou d'une autre pour établir un équilibre et respecter les deux règles, car en atténuant on essaye tout de même de sauver la face de l'offreur. Ainsi « on compose avec la contradiction, en adoptant une solution de compromis » (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 280). Par exemple, on peut faire l'hypothèse que le receveur tentera de critiquer le cadeau de façon minime et de manière « délicate ». Nous avons pu entendre des réactions du type :

« J'aime bien mais c'est peut-être un peu grand non ? »

« C'est très joli, je ne sais pas encore où je vais le mettre, c'est voyant quand même »

« C'est peut-être pas la couleur que j'aurais choisie mais ça change »

Les raisons invoquées, par les personnes interrogées, pour « oser » dire que le cadeau ne nous convient pas vraiment sont diverses. Il semble qu'on se permet de faire ce genre de réflexion quand on sait qu'on a la possibilité de changer le cadeau ou quand on veut rappeler ses goûts à une personne susceptible de refaire des cadeaux régulièrement (personne proche).

On peut se demander maintenant quelle peut être la réaction de l'offreur face à de telles réflexions. On peut facilement imaginer qu'il se vexe, comme nous l'avons vu précédemment. Faire le mauvais choix est une menace importante pour la face de l'offreur. Il peut alors, dans ce cas, rester dans une phase de déception silencieuse, présenter des excuses pour tenter de sauver sa face ou essayer de réparer l'erreur en proposant un autre choix de cadeau au receveur.

Ce sujet sera aussi abordé dans la quatrième partie lorsque nous évoquerons les émotions.