3.3. L’emballage

La règle qui veut que l'on emballe un cadeau apparaît comme banale et normale mais elle a pourtant son importance et elle est plutôt très respectée44. C'est l'absence éventuelle d'emballage qui nous montre la pertinence de ce principe. En effet, l'absence d'emballage lorsqu'on offre un cadeau peut provoquer certaines réactions de la part du receveur. L'ornement du cadeau accroît l'effet et l'émotion que produit un cadeau sur le receveur, donc son absence diminue l'excitation du receveur face à un cadeau dont le contenu est d'habitude temporairement caché par l'emballage.

Par exemple dans la séquence 17 le cadeau est emballé dans du papier-journal et des boîtes vides de cartouches de cigarettes, le receveur ne manque pas alors de faire remarquer cette originalité :

On a pu remarquer qu'un cadeau reçu sans emballage n'apparaît pas comme un « vrai » cadeau, comme un cadeau « classique », aux yeux du receveur. Par exemple dans la séquence 3, le receveur ne comprend pas tout de suite que c’est un cadeau car l’objet n’est pas emballé, d’où son interrogation :

S offre un miroir de poche à L. Le miroir est dans une boîte transparente, il n'y a pas d'emballage.

S : tiens (S tend un paquet à L)

L : c'est pour moi ↑

S : ben non j' te l' montre c'est tout (ton ironique)

L : non mais c'est vrai c'est pour moi ↑

S : mais oui

L : ah bon c'est gentil mais

On peut observer que lorsqu'une personne offre un objet qu'elle n'a pas pu emballer, pour diverses raisons, elle présente souvent ses excuses. Il n'est pas rare à cette occasion d'entendre l’offreur dire des phrases telles que : « Excuse moi, j'ai pas eu le temps de l'emballer » ou « excuse moi je l'ai emballé dans du papier journal mais j'avais plus de papier-cadeau ». Donc, en situation d'offre l'absence d'emballage apparaît comme un acte « marqué » puisqu'il déroge à la règle.

En revanche lorsque l’offreur a fait un effort particulier pour faire un joli emballage il est souvent récompensé par une remarque positive.

Exemples :

(Séquence 11) : M : le beau paquet (.) c'est du ruban hein ça ↑ pour ça ça fait classe hein ↑ ça fait classe (.)

(Séquence 23) : I : en tous cas le paquet est déjà bien joli hein

Notre corpus nous a aussi donné accès à un phénomène récurrent autour de l’emballage du cadeau qui est : on déchire ou on déchire pas ? Deux groupes se distinguent : les adeptes du « déchirage » et les précautionneux.

Pour les précautionneux, l’emballage doit être préservé, le plaisir semble se prolonger dans la lenteur de l’ouverture. Exemples :

Séquence 2 :

Séquence 19 :

M : attends que je déchire pas tout il doit y avoir un système (7 s)

(…)

M : faut le sortir mais je vois pas comment y attraper

L : ben déchire (3 s)

C : non c’est la boîte le cadeau

Pour les personnes qui déchirent le paquet c’est l’excitation qui est mise en avant et l’impatience montre aussi le plaisir de découvrir le cadeau.

Séquence 24 :

S : merci (2 s) je suis pas patient moi je déchire tout

I : ah ben tu fais comme tu veux hein

L’importance de l’emballage prescrite par les guides de savoir-vivre est bien effective dans les interactions authentiques.

Notes
44.

Nous avons noté l’existence d’ouvrages spécialement dédiés aux emballages cadeaux : Doris, L’art du paquet cadeau, Le temps apprivoisé, 1980, et Glasser, Je vous fais un paquet ?, Marabout, 2006.