1. Analyse d'une première séquence représentative du corpus : le vase

Nous allons analyser une séquence représentative de notre corpus. Nous étudierons la séquence de façon linéaire.

Pour cette séquence, nous n’avons pas pu avoir accès à « l’avant » et à « l’après », nous étudierons donc seulement le moment de l’offre enregistré sur une bande audio.

Voici tout d’abord la séquence dans son intégralité.

Cette séquence compte 38 tours de paroles (en dehors des extraits hors-sujet coupés lors de la transcription). Par rapport au corpus obtenu cette longueur semble correspondre à la moyenne.

On peut remarquer que la séquence commence par la parole d’accompagnement du don :

L’échange confirmatif s’ouvre donc ici en même temps que la séquence. Nous avions pu voir que c’est majoritairement la parole d’accompagnement du don qui ouvre les séquences d’offre. Mais on note ici que celle-ci se différencie de celles que l’on a observées : on aurait pu attendre un « tiens joyeux Noël » qui est plus courant dans ce genre d’événement. Cette parole d’accompagnement du don repose sur la légende destinée aux enfants selon laquelle seuls les enfants sages ont des cadeaux à Noël. C’est un savoir commun qui est évoqué ici.

La parole d’accompagnement du don de T est immédiatement équilibrée par un remerciement direct de la part de I :

Le remerciement direct étant ici du type « merci + terme d’adresse ». C’est un premier remerciement explicite avant ouverture. Par ce premier remerciement, le receveur répond à la parole d’accompagnement du don et complète l’échange confirmatif. Puis d’autres remerciements directs et indirects apparaîtront par la suite et étofferont ces FFAs envers l’offreur.

Comme on a pu le voir dans la première partie, l’emballage du cadeau est très important et dans cette séquence le receveur signale son contentement à l’offreur en lui disant :

Le receveur note ici l’importance de l’emballage dans la scène d’offre et par cette intervention flatte l’offreur pour cet effort, même si l’offreur n’est pas toujours l’auteur de ce paquet, étant donné qu’aujourd’hui la plupart des magasins proposent d’emballer les cadeaux.

Dans cette séquence, l’ouverture du paquet-cadeau prend un peu de temps, mais la stratégie de politesse qui consiste à montrer son excitation et son impatience arrive juste avant l’ouverture du paquet quand le receveur dit :

Après l’ouverture du paquet et la découverte du contenu, I commence à effectuer des remerciements implicites focalisés sur le cadeau :

On peut voir ici que pour renforcer ces FFAs, le receveur utilise l’intensification expressive et l’hyperbole.

Au niveau de la stratégie de politesse de remerciement, nous pouvons voir dans cette séquence que le receveur distingue deux types de remerciement : le remerciement direct focalisé sur l’offreur et le remerciement indirect focalisé sur le cadeau.Pour ce receveur, les remerciements sont assez codés et se distinguent bien.

  • Les remerciement directs :

Dans la séquence, I remercie directement T à trois reprises sous la forme « merci + terme d’adresse », dont un est intensifié (« merci bien tatan »). Il n’y a pas de remerciements implicites focalisés sur l’offreur du type « c’est gentil » ou « c’est sympa », les remerciements adressés à l’offreur sont explicites.

Un de ces remerciements directs permet à l’offreur d’utiliser une des stratégies facultatives qui est de minimiser l’offre. En effet, après deux remerciements directs successifs et un remerciement indirect (« faire la bise »), l’offreur minimise son geste :

Pour minimiser son geste l’offreur utilise ici une formule routinisée et celle-ci n’attend pas de réponse. C’est pour l’offreur un moyen de rétablir l’équilibre après les remerciements du receveur.

  • Les remerciements indirects :

Les remerciements indirects sont ici focalisés sur le cadeau. Le terme « super » est très présent pour ces remerciements. Mais on peut noter que le remerciement implicite le plus intensifié reste celui qui apparaît juste après l’ouverture du paquet.

Nous allons voir que ces remerciements implicites sont aussi provoqués par l’offreur qui utilise les deux autres stratégies de politesse qui sont la demande de confirmation et l’explication du choix.

Après une demande de confirmation de l’offreur :

Ce remerciement implicite arrive donc pour confirmer la demande de l’offreur. Le receveur rassure l’offreur en lui montrant que le cadeau lui plaît.

Le receveur utilise aussi une stratégie peu employée dans notre corpus qui est une variante de la stratégie montrer à l’offreur qu’il a fait le bon choix, et qui consiste à poser des questions sur le cadeau. Cela permet de montrer à l’offreur qu’on s’intéresse à ce qu’il nous offre. Dans cette séquence d’offre cela apparaît après l’ouverture du cadeau.

Dans cet extrait, l’intonation de la voix nous permet de dire que le receveur et son ami sont étonnés « positivement ». Cet échange est ici un FFA pour l’offreur car le receveur montre de l’intérêt pour le cadeau choisi par l’offreur. Poser des questions sur le cadeau permet au receveur de lancer des échanges sur le choix du cadeau.

Ensuite de nombreuses interventions se font entre les deux principaux participants dans lesquelles se mettent en place les deux stratégies principales pour chacun, c’est-à-dire expliquer son choix pour l’offreur et montrer à l’offreur qu’il a fait le bon choix pour le receveur. Ces deux stratégies de politesse fonctionnent dans cette séquence en parfaite harmonie.

On peut voir ici que les échanges les plus longs correspondent donc à l’échange autour de ces deux stratégies. L’offreur explique son choix et utilise des formulations du type : « parce que je me disais », « puis j’ai dit ben », « parce que je me disais », « c’est ce que je me suis dit », « j’ai dit non je peux pas ». L’offreur raconte l’histoire du choix du cadeau et s’implique en expliquant ses réflexions que l’on retrouve dans la séquence sous des formes diverses du verbe pronominal « se dire ».

L’objet du choix porte ici essentiellement sur la couleur du cadeau. L’offreur va expliquer pourquoi il a pris du rose à cinq reprises :

Donc l’offreur utilise ici la stratégie avec insistance et inlassablement le receveur réitère sa confirmation en montrant que T a fait le bon choix :

Le receveur montre à l’offreur qu’il a fait le bon choix à chaque intervention de l’offreur. F l’ami de I, qui n’a presque rien dit jusqu’à maintenant, intervient aussi pour montrer à T qu’il a fait le bon choix.

Le receveur montre à l’offreur qu’il a choisi la bonne couleur principalement en dénigrant l’autre couleur possible : « violet tu vois j’aurais pas bien aimé », « violet j’ai jamais bien aimé ». C’est une formulation qui gêne peut-être l’offreur qui souhaiterait sûrement une confirmation directe sur la couleur choisie. I dit « le rose ça me gêne pas » or T aurait peut-être préféré entendre « j’aime le rose ». On peut penser que cela « gâche » un peu le FFA. Kerbrat-Orecchioni définit le « gâcheur de FFA » comme un « énoncé où l’éloge comporte une réserve plus ou moins appuyée » (2005 : 197), et c’est bien le cas ici. C’est peut-être pour ça que I termine en disant « j’aime mieux ça c’est super ».

Cette séquence d’offre nous montre un exemple assez représentatif de notre corpus tant par sa longueur que par les stratégies utilisées. On peut voir dans cet exemple que l’offreur et le receveur utilisent beaucoup de leurs stratégies facultatives et celles-ci correspondent aux fréquences évoquées auparavant. Ce sont bien les deux stratégies expliquer son choix et montrer que l’offreur a fait le bon choix qui sont les plus présentes dans la séquence.

Pour l’offreur, les deux autres stratégies minimiser son offre et demander confirmation sont bien présentes mais font apparaître des échanges plus restreints. Pour le receveur c’est montrer à l’offreur qu’il a fait le bon choix qui apparaît le plus nettement, car montrer son excitation et son impatience apparaît un peu et exprimer son embarras n’apparaît pas. En revanche les remerciements sont bien développés autant de manière directe qu’indirecte.

Cette séquence est donc, comme la majorité des exemples de notre corpus, une série d’échanges de FFAs. Chaque participant effectue son travail de figuration de façon à ce que la séquence se déroule sans heurt et de façon positive. Mais nous verrons dans l’analyse de la troisième séquence que certaines fois, il peut apparaître un accroc qui met à mal cet équilibre subtil et que le travail de figuration prend alors une autre forme.