Chapitre 1. La recherche de la vraisemblance

Le jeu c’est jamais totalement naturel, c’est pas tout à fait naturel, ça veut dire quoi « naturel » ? Ca nous fait croire mais pour y faire croire et ben c’est pas tout à fait pareil que dans la vie.
Catherine FROT49

Metz nous dit que le vraisemblable « est ce qui ressemble au vrai sans l’être » (1968 : 31). Alors comment font les cinéastes50 pour que les scènes du film ressemblent à la réalité ? Quels sont les paramètres qui gèrent cette recherche de la vraisemblance ? Quels sont les signes qui vont permettre de « faire semblant » ?

Vanoye nous rappelle que

‘la question du naturel au cinéma (...) est le plus souvent posée à partir des dialogues. C’est-à-dire : d’une part sur la base d’évaluations des capacités du texte dialogique à reconstituer tel sociolecte ou tel habitus interactionnel, d’autre part à partir des façons de dire, sur la base, donc, du jeu des acteurs. (1998 : 221)’

Les dialogues de films nous apprennent beaucoup, non seulement sur l’histoire, mais aussi sur les intentions de l’auteur, le rôle et les valeurs des personnages. Ce sont souvent eux qui donnent le ton et l’ambiance d’une scène. Les dialogues sont des composantes majeures dans la constitution d’un film, ils sont un support et un moyen important pour signifier. On peut faire l’hypothèse que le réalisme d’une scène ou d’un film passe en grande partie par l’effet produit par le degré de vraisemblance des conversations.

Mais il est bien évident que l’effet de réalisme d’une scène n’est pas produit uniquement par les dialogues, et que tout le contexte dans lequel ils s’inscrivent peut être producteur d’effets de réels.

En nous appuyant sur notre corpus de scènes d’offres51, et en le comparant avec notre corpus authentique, nous allons essayer de voir comment les cinéastes « imitent » le réel.

Nous commencerons par regarder comment les stratégies de politesse en situation d’offre sont représentées dans des dialogues de cinéma. Puis nous évoquerons la présence des marqueurs linguistiques d’authenticité.

Notes
49.

Entretien de Catherine Frot avec Benoit Poolvord dans l’émission « Jour de fête » diffusée sur France 2 le 7 mars 2006.

50.

Dans cette troisième partie consacrée au cinéma, nous utiliserons les termes de « cinéaste » ou « d’auteur » pour évoquer les personnes à l’origine du film ou du dialogue. Les fonctions de réalisateur, scénariste ou dialoguiste semblent pouvoir varier d’un film à l’autre et il est difficile de connaître l’auteur réel du dialogue, ou du scénario. Le réalisateur peut aussi encore faire changer beaucoup de choses lors du tournage. Il est possible aussi certaines fois que le réalisateur laisse les acteurs improviser. Nous indiquons d’ailleurs à ce propos la sortie en janvier 2008 du film Le voyage du ballon rouge de Hou Hsiao-Hsien qui a écrit le scénario sans dialogues pour laisser les acteurs improviser.

51.

Nous utilisons le terme de « scène d’offre » ici, alors que nous parlions de « séquence d’offre » précédemment, pour différencier le genre authentique ou fictionnel. Nous utilisons le terme de « séquence » pour les situations authentiques et le terme « scène » lorsqu’il s’agit une situation fictionnelle. Nous effectuons aussi une distinction entre participants et acteurs (ou personnages) pour ne pas créer de confusion. Nous parlons de participants en situation authentique et d’acteurs ou personnages pour les situations fictionnelles cinématographiques.