4. Le rôle du cadeau au cinéma

Pourquoi les cinéastes utilisent-ils des scènes de cadeau dans leurs films ? Quelle est la fonction de ces scènes ?

Nous pouvons faire la supposition que les scènes de films concernant l'offre d'un cadeau sont essentiellement utilisées pour marquer la relation entre les personnages. Comme nous l'avons signalé dans la première partie, les deux principaux rôles du cadeau par rapport à la relation interpersonnelle sont de confirmer ou d'affirmer une relation et de manifester un sentiment. Or, en observant les scènes étudiées, on s’aperçoit que les dialogues en situation d'offre sont là pour marquer la relation entre les personnages.

En effet, par exemple pour Fanfan, la scène du cadeau est un bon moyen de montrer que la relation est détériorée. Le cadeau offert est symbolique d'un certain type de relation et le receveur explique que le cadeau ne lui convient pas.

Pour Le père Noël est une ordure, la scène d'offre montre que T essaye d'affirmer une relation avec son collègue de travail et tente aussi peut-être de lui manifester un sentiment.

Dans Une chance sur deux, V offre à B et D un cadeau pour marquer une relation qui est amenée à changer. Pour l'instant elle ne sait pas lequel des deux est son père, et en leur offrant à chacun le même cadeau, elle leur signale qu'elle souhaite entretenir une relation avec les deux quel que soit le résultat des tests sanguins.

Dans ç a reste entre nous, F utilise l'occasion pour faire passer un message à son mari, à propos de leur relation. H est en train de s'éloigner progressivement de sa femme, leur relation se détériore et la scène de cadeau est un moyen pour F de le lui signaler : « je souhaite te manifester mon sentiment amoureux et je souhaite qu'on entretienne encore notre relation de mari et femme ».

Pour la scène de L'homme est une femme comme les autres, S souhaite confirmer sa relation à son cousin C. A travers son cadeau, d'une grande valeur sentimentale, S souhaite dire à C qu'il veut une relation plus proche avec lui et qu'il ressent des sentiments très forts à son égard.

Pour Le grand bleu, l'offre du cadeau est un moyen pour E de dire à J, que malgré sa défaite face à lui, il souhaite entretenir les relations d'amitié qu'ils avaient avant, sans que cela ne change rien.

A ce propos, Vanoye confirme que :

‘le dialogue, dans la perspective classique, participe de l'action. L'idéal est qu'il paraisse surgir de la situation pour créer et révéler les relations entre les personnages, que celles-ci soient manifestes ou latentes, actualisées ou à venir. (1991 : 70)’

Le cadeau peut aussi être utilisé comme révélateur de comportements ordinaires. A travers cette situation quotidienne ritualisée, l’auteur peut utiliser la caricature pour faire rire le spectateur de ses propres travers et pointer du doigt nos comportements et nos paroles socialisées. Roulet explique très bien que le dialogue de cinéma est  :

‘un dialogue fabriqué qui (…) exploite de manière particulière les propriétés du dialogue ordinaire et permet de mieux saisir, par un effet de loupe, certaines propriétés du discours. (Roulet, 1999 : 462)’

Le spectateur peut s’identifier au personnage grâce à la base vraisemblable de la situation et il peut aussi rire des exagérations présentées. Les auteurs qui « puisent, sans doute de manière empirique, leurs modèles dans la vie sociale et quotidienne » (Vanoye, 1991 : 184) mettent en avant les contradictions devant lesquelles se retrouve toute personne polie. Ce problème de la « double contrainte » sera évoqué de nouveau dans la partie suivante à travers l’exemple de l’expression des émotions.

La scène d’offre apparaît selon un schéma différent en fonction du choix de l’auteur d’en faire une scène importante ou non. On peut voir que dans Le père Noël est une ordure, la scène d’offre est plutôt importante et qu’elle est là pour faire rire le spectateur en le prenant comme complice. Alors que dans Le rôle de sa vie (2), la scène est plus accessoire même si elle permet de caractériser la relation entre les deux personnages.

Malgré cette impression de liberté, les dialogues de cinéma ont donc une fonction précise que le cinéaste a choisie et qui doit respecter certaines contraintes fictionnelles. Comme le rappelle Vanoye :

‘La conversation filmique, si elle se structure naturellement selon les schèmes de base de la conversation authentique, est néanmoins subordonnée à la narration, à la dramatisation, à la séquentialisation. (1991 : 202)’

C’est ce que nous allons essayer de voir en détail à l’aide de l’analyse de trois scènes du corpus.