1965-1983: les équipements au centre de la politique municipale

Nous avons opté pour une rupture chronologique franche, en ne prenant pas comme point de départ de notre travail l’origine désignée par tous, la Libération, mais en nous appuyant sur une période très significative du développement des politiques municipales, culturelles et socioculturelles en particulier, à savoir les années 60. Nous avons retenu l’année 1965, car elle correspond à une élection municipale, la seconde réélection de Charles Bosson. Un élément nous paraît également très significatif pour notre propos lors de cette réélection : il s’agit de la mise en place d’une nouvelle commission municipale, dédiée aux affaires culturelles, et aux fêtes, placée sous la présidence de Pierre Jacquier, l’assistant de Dumazedier, qui venait d’entrer au conseil municipal sur la liste de Charles Bosson. Par ailleurs, cette période est celle de la conduite des grands projets urbanistiques (ZUP de Novel, entre autres), des équipements socioculturels, de l’amorce du débat public sur une politique culturelle à Annecy.

Nous avons fixé le terme de notre séquence à 1983, date de l’élection à la Mairie de Bernard Bosson, le fils, qui prend ainsi la succession d’André Fumex, lepremier adjoint fidèle de Charles Bosson, élu maire en 1975 après sa démission pour raison de santé, et qui a assuré la continuité lors des élections de 1977. Une période de 18 ans, trois mandats municipaux, nous a paru offrir une durée suffisante pour observer et analyser la construction politique singulière. Ajoutons qu’en 1983 les principaux équipements sont pratiquement tous achevés, en particulier le centre Bonlieu, au sein duquel le centre culturel a largement trouvé son rythme de croisière. Nous ferons cependant quelques retours en arrière pour préciser les caractéristiques de certains acteurs, en particulier les associations, ou pour clarifier les données concernant l’engagement municipal dans le domaine culturel. De même, nous poursuivrons rapidement, en épilogue, l’exposé du développement de la politique culturelle dans la fin de la décennie 80, afin de ne pas fermer trop la perspective, voire de valider certains constats.

Nous proposerons donc une analyse de cette période de l’histoire politique d’Annecy, de 1965 à 1983, et de son intrication avec la construction d’une politique culturelle marquante, à partir d’un découpage en deux phases que nous avons délimitées après le travail de dépouillement des différents matériaux. Cependant, logique avec notre choix de suivre les différentes temporalités, nous n’attribuerons pas une valeur absolue aux dates, en raison de la complexité des processus en cours et de la diversité des logiques à l’œuvre.

La première phase, que nous nous pouvons qualifier de socioculturelle, couvre la période qui va de l’élection de 1965 à l’année 1972. Cette phase correspond à la construction des équipements socioculturels, dont la gestion est confiée à des associations de la Fédération française des Maisons des Jeunes et de la Culture, la dernière, celle des Romains, étant ouverte précisément en 1972. Certes, la deuxième tranche de la très importante MJC des Marquisats n’est achevée qu’en 1974, mais le réseau d’équipements est totalement défini en 1972. Cette phase est marquée, sur le plan politique, par la démission de Charles Bosson en 1975 et l’élection de son premier adjoint André Fumex, sans grande surprise, ni difficulté.

La seconde phase commence plutôt en 1971, par ailleurs année de reconduction de Charles Bosson à la Mairie, avec la création d’Annecy Action Culturelle, pour s’achever en 1983, avec l’élection de Bernard Bosson, qui inaugure une nouvelle période dans la “ dynastie ” municipale. C’est la période des conflits, notamment lors des débuts d’AAC dans les années 1971-75, puis lors des élections municipales de 1977, avec comme enjeu majeur la construction du Centre Bonlieu et le rôle du centre culturel. L’achèvement et l’ouverture du centre Bonlieu en 1981 marquent l’aboutissement du processus de mise en place d’une politique culturelle.

Les années qui suivent l’élection de 1983 correspondent au premier mandat de Bernard Bosson et à l’engagement délibéré de la municipalité dans une politique explicitement culturelle, appuyée sur le nouvel équipement de Bonlieu et la mise sur pied de manifestations essentiellement festivalières. Cette dernière période, caractérisée par un apaisement des conflits, sera traitée plutôt comme un épilogue que comme un épisode, en raison de l’achèvement politique du dispositif culturel.

Ainsi, dans la période étudiée, trois maires se succèdent, en assurant une continuité politique par leur attachement revendiqué à la démocratie chrétienne et à l’héritage du précédent, par le fait même de leurs liens personnels ; leur attachement respectif au développement de la culture, et des associations qui le portent, demeure constant. Si l’on rapporte cette forme de transmission du pouvoir municipal d’un maire à l’autre, sans difficulté apparente, aux enjeux culturels qui ont soulevé durant ces années polémiques et conflits, alors la question du maintien de cet ordre politique prend toute son importance.