A) Charles Bosson, l’ancrage de la démocratie chrétienne locale

Les élections municipales de 1965 reconduisent à la tête de la municipalité celui qui en assume la direction depuis le mois de décembre 1954, Charles Bosson.127

En effet, Charles Bosson, élu au conseil municipal en 1947, est choisi le 12 décembre 1954 pour succéder à François-Maurice Ritz, le maire MRP élu en 1953, décédé. La vie politique annécienne, depuis la Libération est dominée par une double série d’affrontements politiques, que retrace Pierre Soudan dans sa contribution à l’Histoire d’Annecy citée plus haut. D’une part, les radicaux, qui avaient tenu la mairie de 1909 à 1941 avec le maire Joseph Blanc, tentent de revenir au pouvoir, et se heurtent à la présence de la SFIO représentée par Albert Lyard, élu en 1944, renouvelé en 1945. A son décès en 1946, Lucien Boschetti, élu SFIO d’avant-guerre lui succède. Mais aux élections de 1947, la donne politique a changé : le Mouvement républicain populaire (MRP) et le Rassemblement du peuple français (RPF), nouvellement formés, le disputent aux deux partis traditionnels, et Georges Volland, du RPF, emporte le fauteuil de maire. Charles Bosson, élu MRP dans ce conseil, est par ailleurs, depuis la nouvelle Constitution de 1946, membre du Conseil de la République, et président du groupe MRP dans ce Conseil.

Son entrée dans la vie publique du département est marquée dès l’origine par sa prise de responsabilité au sein de l’Action catholique de la jeunesse française (ACJF), dont il assure la présidence diocésaine dès 1935, et ceci jusqu’à la fin de la guerre. Il ne fait aucun doute que le rôle de ce mouvement dans la formation d’un parti politique démocrate chrétien rencontre chez le jeune avocat fortement marqué lors de ses études à Paris par les Cahiers de la Quinzaine de Charles Péguy, un écho profond. D’autre part, la Haute Savoie a donné à ce courant l’un de ses grands hommes, François de Menthon. Président national de l’ACJF, membre actif de la résistance en Haute Savoie, François de Menthon est, à la Libération, Garde des Sceaux dans le Gouvernement Provisoire de la République Française, rapporteur de la Commission de la Constitution présidée par André Philip, et procureur au tribunal de Nuremberg. Par ailleurs, François de Menthon est élu député (MRP) de la Haute Savoie dès septembre 1945.

C’est sous les auspices de François de Menthon que Charles Bosson fait son entrée en politique, et il semble bien d’ailleurs que l’ACJF ait constitué à Annecy, dans ces années d’après-guerre, la base du réseau politique qui a rassemblé les hommes constituant l’essentiel des équipes successives de Charles Bosson, du moins jusque dans les années soixante dix. Ce point est confirmé par son successeur à la mairie en 1975, André Fumex128 ; celui-ci, engagé à l’ACJF dès 1939, puis dans la résistance avec l’Armée Secrète, avait, dès cette époque, noué des liens avec Charles Bosson, qui l’appelle à le rejoindre à la Mairie lors des élections municipales de 1959. Par le biais des différentes branches du mouvement, en particulier la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), les contacts sont nombreux avec des responsables syndicaux, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), des membres de la SFIO, que l’on retrouve dans les équipes municipales formées par Charles Bosson. Ce point alimentera une polémique avec le nouveau Parti Socialiste lors des élections de 1971 et 1977, et fournit dès les années 60 un argument fort en faveur de la démarche que le maire d’Annecy revendique comme pluraliste et dépassant les clivages partisans.

Parallèlement à cette responsabilité municipale, Charles Bosson succède à François de Menthon à l’Assemblée nationale lors des législatives de 1958, et garde ce siège jusqu’en 1968. Les législatives de 1967 voient apparaître dans le champ politique annécien un rival du député-maire d’Annecy, Jean Brocard, Républicain indépendant, qui brigue le siège de député. L’échec de Jean Brocard n’est que partie remise, puisque l’année suivante, celui-ci tire argument du vote d’une motion de censure contre le Général de Gaulle par Charles Bosson avec les centristes, pour attaquer son adversaire et lui ravir le siège, lors des élections qui suivent les évènements de mai. En 1969, Charles Bosson entre au Sénat où il siègera dix huit ans.

Dès lors, Charles Bosson doit faire face à une opposition politique sur sa droite, vivement soutenue par Jean Brocard qui conquiert un siège de conseiller général, puis la mairie d’Annecy le Vieux, commune voisine d’Annecy, en plein essor au moment où cette dernière commence à connaître un tassement dans son développement. Cette rivalité de droite va s’avérer particulièrement vive lorsque le débat politique local portera sur les enjeux du centre Bonlieu.

Notes
127.

Les éléments biographiques concernant Charles Bosson sont tirés de l’ouvrage dirigé par Paul Guichonnet Histoire d’Annecy, cité plus haut, ainsi que d’articles de journaux parus à l’occasion de son décès, survenu le 14 décembre 2001 : article de Pierre Plancher dans le Faucigny du 20 décembre 2001, de Nathalie Truche dans le Messager du même jour, ainsi que celui de Philippe Tomasini dans le Dauphiné Libéré du 15 décembre 2001.

128.

Entretien du 16 février 2001, non enregistré.