B) Les élections municipales de 1965 : un rassemblement au delà des partis

Les élections municipales du 14 mars 1965 se déroulent sur un mode renouvelé par rapport à 1959. En effet la loi électorale de 1964 a instauré le régime majoritaire, et, pour les villes de plus de 30 000 habitants, ce qui est le cas d’Annecy, le vote majoritaire avec liste bloquée. En vertu de cette nouvelle règle Charles Bosson a composé une liste qu’il justifie ainsi :  “ C’est devant cette situation, afin de permettre à la population annécienne d’être largement représentée au Conseil Municipal, que j’ai proposé une entente à des candidats représentants des tendances diverses et que j’ai reçu le soutien de M. Boschetti, ancien maire socialiste d’Annecy, de militants syndicalistes, de commerçants, de cadres industriels ou libéraux, tous unis par un programme social et économique donnant priorité aux catégories les plus défavorisées : personnes âgées, jeunesse déficiente, malades, foyers mal logés, chercheurs d’emploi…  129 .

A cette liste s’opposent deux autres listes de gauche, la “ Liste d’union démocratique et d’action sociale ”, menée par les socialistes, et une “ Liste pour l’union des forces démocratiques et laïques et la défense des revendications des travailleurs ”, autour du Parti Communiste130.

Le scrutin est sans appel pour les listes de gauche : sur les 22 394 inscrits, il y a 13 226 suffrages exprimés, et 10 246 se portent sur la liste Bosson131. Le large rassemblement opéré autour de sa liste, face à la division des forces de gauche, offre au maire sortant un résultat quasiment plébiscitaire, même si l’abstention représente un niveau très élevé. Abstention de consentement ? En tout cas, cette élection municipale de 1965 reste dans les annales annéciennes comme un exemple de rassemblement des forces vives autour d’un programme d’action locale, avec une ouverture pluraliste, ainsi que le souligne Dumazedier : “ Il a voulu que sa liste électorale soit composée de représentants de différentes catégories socioprofessionnelles et des milieux culturels, sans qu’une importance soit attachée à leurs affiliations politiques : les affiliations politiques des conseillers municipaux sont donc diverses 132

Lors de la première séance du nouveau conseil, l’élection de la municipalité porte à nouveau au fauteuil de maire Charles Bosson, et désigne six adjoints, dont deux sur de nouveaux postes créés. Sur les six adjoints ainsi nommés, il faut remarquer que trois sont des anciens du maquis des Glières : il s’agit d’Alphonse Métral, le premier adjoint fidèle, d’Adrien Galliot, un syndicaliste de la SNCF, responsable départemental de la CFTC133, et d’André Fumex, en charge d’un nouveau secteur, celui de la jeunesse et du sport. Il est cependant à noter qu’aucune mention expresse de cette qualité n’est faite dans la profession de foi de la liste, et qu’aucune référence ne fait allusion à ce qui pourrait être l’héritage de cet épisode glorieux, mais douloureux, de la Résistance en Haute Savoie. Le docteur Servettaz est très investi sur les questions d’environnement, et plus particulièrement sur le problème de la préservation de la qualité de l’eau du lac, futur fleuron de la politique intercommunale. Georges Grandchamp, libraire et érudit local, a été, dès 1944, membre de l’équipe à l’origine de Peuple et Culture, sur laquelle nous reviendrons. Enfin, Lucien Boschetti, maire SFIO de 1946 à 1947, représente l’ouverture aux socialistes dont se réclame le maire.

La liste comprend d’autres anciens des Glières, ainsi que la veuve du lieutenant Tom Morel, la grande figure de la résistance héroïque du plateau en mars 1944. Des syndicalistes de la CFTC, alors en cours de déconfessionnalisation sous la direction d’Eugène Descamp au niveau national, y figurent aussi, tels Albert Barrat qui fut secrétaire de l’union départementale de la CFTC en 1958, Paul Doche, Aimé Grillon. Enfin un certain nombre de commerçants figurent sur cette liste, que l’on retrouvera ultérieurement à des postes d’adjoints.

Ce qui est certain, c’est que le maire, avec ses adjoints, entreprend d’élargir systématiquement sa liste en direction de la gauche. Ainsi, celui qui va devenir en 1977 le chef de file de ses opposants à la tête de la liste d’Union de la Gauche, Gilbert Goy, est-il approché par André Fumex, alors qu’au sein de la CFTC, il mène l’entreprise de déconfessionnalisation et de transformation en CFDT, dont il deviendra ultérieurement secrétaire départemental134. Tentative renouvelée, en vain, en 1971.

On peut noter la présence sur la liste de quelques responsables associatifs : Jean-Pierre Pochat, un des commerçants du centre ville, est président du Judo Club et du Comité des Fêtes ; Camille Mugnier, un hôtelier, est depuis fort longtemps engagé en faveur du théâtre, et a d’ailleurs installé dans son hôtel une petite salle de spectacle, l’Echange ; Georges Grandchamp est responsable de sociétés savantes ; Louis Richard, commerçant lui aussi, est administrateur d’une association de réinsertion de jeunes, le Logis, qui va jouer un rôle important. Enfin, entre au conseil Pierre Jacquier, professeur de lettres, et surtout assistant de recherche de Joffre Dumazedier.

Le programme de travail de ce conseil est, très largement, axé sur deux questions majeures, en lien avec le développement de la ville et l’expansion démographique : les grands projets d’urbanisme pour moderniser la ville, et l’accompagnement social, au sens large, de cette croissance.

Notes
129.

Déclaration publiée dans le Dauphiné Libéré du 18 février 1965.

130.

Archives municipales, cote 2 W 34.

131.

Ibid.

132.

Dumazedier Joffre, Société éducative et pouvoir culturel, op. cit., p.150.

133.

Article du Dauphiné Libéré du 23 juin 2000, à l’occasion du décès d’Adrien Galliot (non signé).

134.

Entretien avec Gilbert Goy le 18 septembre 2003 : “ J’avais été, en tant que CFDT, contacté et sollicité par Charles Bosson, par l’intermédiaire de Fumex, qui constituait la liste. Pour moi priorité au mouvement syndical qui sortait de son congrès de 1964. On est revenu en 1971 : j’ai fait la même réponse ” Il souligne combien cette question de l’entrée dans la liste du maire d’Annecy était un sujet de débat au sein de son syndicat, au moment où la déconfessionnalisation prenait effet. Enfin il reconnaît le rôle fondamental de la Jeunesse ouvrière chrétienne, dans la constitution de ce courant syndical.