C) La priorité de l’urbanisme

Le conseil élu en 1965 n’est pas, bien entendu, confronté de prime abord à l’élaboration d’un plan d’urbanisme à même de renouveler la structure de la ville. Des plans successifs ont déjà été arrêtés, modifiés, et des réalisations sont en cours. Georges Grandchamp, dans le chapitre “ Urbanisme et fonctions urbaines depuis 1860 ” de l’Histoire d’Annecy citée plus haut, retrace les différentes phases d’élaboration des schémas d’urbanisme à Annecy : plan Auburtin de 1927, plan Novarina, mission confiée au célèbre achitecte haut-savoyard en 1946, et arrêté en 1968 (Plan d’Urbanisme Directeur, PUD). Sans entrer dans le détail des orientations préconisées, dont G. Grandchamp reconnaît que certaines n’ont jamais été sérieusement envisagées (ainsi la mise à un gabarit de circulation moderne des vieilles rues du centre ville, par crainte de leur déclin commercial, problème qui reviendra lors de la création de la zone piétonne en 1976), il n’en reste pas moins que certaines opérations d’envergure sont engagées, qui modifient profondément le visage de la ville, et posent des questions au-delà de la réalisation du bâti. Si le percement d’une rocade de contournement de la ville ne peut qu’accroître la fluidité du trafic automobile croissant, par contre la mise en chantier de la Zone à urbaniser par priorité (ZUP) de Novel revêt une toute autre importance. En effet, le déficit de logements dans la ville, et dans l’agglomération en général, avait conduit la municipalité précédente à engager une vaste opération d’urbanisme dans la partie nord de la ville, bien au-delà des limites traditionnelles. L’architecte en chef n’est autre que Maurice Novarina, alors au faîte de sa renommée, et la conduite de l’opération est confiée à une société d’économie mixte dépendant de la Caisse des dépôts et consignations, la Société d’équipements de la Haute-Savoie (SEDHS), qui assure la maîtrise d’ouvrage déléguée135.

2100 logements sont programmés à terme, avec un souci de mixer les différentes formes d’accession à ces logements136. La zone sud, la plus proche du centre ville, est la première mise en chantier. La construction de logements bénéficie d’un accompagnement social adéquat : école, centre commercial, église, centre social avec des salles de réunions, halte-garderie, maison des jeunes et de la culture (MJC). L’échéance de réalisation se situe en 1966 pour les derniers équipements collectifs, dont la MJC de Novel. La réalisation de la zone nord doit suivre de peu, restant à résoudre le problème de l’acquisition des terrains militaires du camp de Novel qui sépare les deux, camp qui a hébergé dans les années d’après-guerre plusieurs milliers de prisonniers allemands137.

Parallèlement à cette vaste opération, qui bouleverse véritablement la ville, et en décentre une partie de la vie, la municipalité procède à des acquisitions foncières, entre autres auprès de la famille Laeuffer, que nous avons citée en introduction comme propriétaire de la Manufacture de tissage qui fit les beaux jours de la ville, alors rattachée au royaume de Piémont-Sardaigne. Les principales parcelles acquises en 1962 sont situées au Clos des Marquisats, et destinées à l’édification des nouveaux locaux de la Maison des Jeunes et de la Culture, et par la suite du bâtiment de ce qui deviendra l’Union des centres de plein air (UCPA), à l’heure actuelle siège de la Fédération française de ski. La seconde acquisition, toujours auprès des Laeuffer, entre 1963 et 1968, concerne le clos Bonlieu, situé en plein centre ville, face au théâtre-casino et à l’immense pelouse du Pâquier qui borde le lac ; ce sera le terrain d’assiette du centre culturel du même nom dans la décennie suivante138. Enfin, la commune rachète en 1971 la Manufacture, située à l’extrémité de la vieille ville, ce qui lui permettra de “ boucler ” la rénovation des vieux quartiers historiques, situés au pied du château des ducs de Nemours. Ce château a été racheté à l’armée en 1954 et transformé progressivement en musée, trop lentement au goût de certains, notamment de son premier conservateur, Jean-Pierre Laurent, qui exprimera régulièrement au sein de la commission des affaires culturelles son impatience. Nous l’avons dit en introduction, durant ces années, la municipalité n’a pas le souci du développement économique dans la mesure où la décentralisation industrielle a amené dans la ville de grandes entreprises modernes, et des emplois en grand nombre. Peut-être est-ce un des éléments qui a permis à la municipalité de concentrer ses efforts sur l’accompagnement social et culturel du développement.

Notes
135.

La SEDHS assurera la conduite d’une grande partie des opérations d’urbanisme dans la ville, en particulier la rénovation de la Manufacture dans la vieille ville, ainsi que dans le reste du département.

136.

Le Dauphiné Libéré du 17 novembre 1960 consacre une pleine page à cette opération qui démarre alors.

137.

Sur ce camp de prisonniers, à notre connaissance jamais mentionné dans les évocations historiques d’Annecy, il existe une plaquette photographique réalisée par Henri Odesser, photographe et militant culturel engagé au sein de Peuple et Culture dès 1945 : Hinter dem Draht (Derrière les barbelés), destinée à être achetée par les prisonniers en guise de « souvenir »… (entretien avec Henri Odesser).

138.

L’ouvrage Itinéraires d’architecture. Agglomération d’Annecy, Communauté d’Agglomération d’Annecy et Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de la Haute Savoie, Chambéry, Editions Comp’Act, 2005, offre un panorama détaillé, bâtiment par bâtiment, des opérations essentielles dans la ville.