Chapitre 2 : les associations locales et les nouvelles politiques publiques : quelle ressource pour la ville ?

Au moment où la municipalité met en place une instance spécialisée pour aborder les questions culturelles, mais aussi les fêtes, quel est l’état des lieux en la matière ? Etat des lieux local tout d’abord avec un examen des associations héritières de la période de la Libération, considérée comme fondatrice. En effet nous avons souligné combien dans la littérature consacrée au développement de la culture à Annecy, la notion d’héritage était prégnante, en particulier autour des valeurs de la Résistance. Ces associations “ historiques ”, issues du mouvement lancé par le Comité départemental de Libération, puis Peuple et Culture de Haute-Savoie, avaient engagé un développement d’actions dans divers domaines culturels et artistiques : leur situation en 1965 peut nous fournir des éléments d’appréciation sur leur valeur en tant que ressource pour la municipalité, ou même comme source d’initiative. Forment-elles à ce moment un facteur d’intégration politique, ou bien une force de contestation, pour reprendre la distinction que nous faisions dans notre introduction, en référence à la sociologie des associations et à celle des groupes d’intérêts ? Dans un premier temps nous dresserons donc un tableau de ces associations, avec une mention particulière pour la MJC des Marquisats, installée au bord du lac dans ce qui avait été le premier centre d’éducation populaire en 1944.

Pour autant, nous ne pouvons oublier que le milieu des années 60 est profondément marqué , au niveau national, par l’essor de nouvelles politiques publiques, à la suite de la mise en place de la Ve République. La relance de la planification à partir du IVe Plan (1962-1965) se fonde sur une volonté politique forte : l’utilisation des fruits de la croissance, et non plus seulement sur les infrastructures industrielles, ainsi que le souligne le rapport de présentation du IVe Plan : “ Sans doute vaudrait-il mieux mettre l’abondance progressive qui s’annonce au service d’une idée moins partielle de l’homme. En particulier, le mouvement d’urbanisation entretenu par la modernisation de l’agriculture et le développement des activités de services doit être conduit en vue d’un meilleur équilibre des groupements humains. L’occasion doit être saisie d’accomplir une grande œuvre durable au sein de laquelle les hommes vivront mieux. 155

Un accent très fort est mis sur les services collectifs, et en particulier les équipements collectifs dont la notion semble apparaître pour la première fois dans le discours public, si l’on suit ceux qui avec la revue Recherches, ont tenté “ une généalogie des équipements du pouvoir ”156. Les ministères des Affaires culturelles d’une part, de la Jeunesse et des Sports d’autre part, sont à ce moment là dans une position d’offre de politique publique, et en particulier d’une politique d’équipements, dont les communes sont en premier lieu les destinataires.

Ainsi, en 1965, dans le domaine culturel, la municipalité peut bénéficier de ressources très diverses en la matière, soit du côté de l’expérience des associations locales, et en particulier leur héritage des années d’après-guerre, soit de l’apport des nouvelles offres de politiques publiques et de cette réelle innovation que constitue la politique des équipements collectifs. Sa capacité à accepter, refuser ou négocier la mise en œuvre localement de ces propositions de politiques publiques sera un bon indicateur de son autonomie, telle que la définissaient Patrice Duran et Jean-Claude Thoenig157.

Notes
155.

Rapport de présentation du IVe Plan de développement économique et social.

156.

Revue Recherches, n° 13, Les équipements du pouvoir, réédition Paris, UGE, 1976.

157.

Duran Patrice, Thoenig Jean-Claude, L’Etat et la gestion publique territoriale, art.cit. p.585