Les craquements de mai 68

L’absence de mouvement étudiant dans la ville n’a pas provoqué les manifestations dont beaucoup de villes furent le théâtre. Pour autant, on ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu d’effets “ mai 68 ” à Annecy : l’industrialisation de la ville des deux décennies précédentes a formé le cadre d’une mobilisation ouvrière importante, avec des occupations dans les entreprises principales, des grèves de trois semaines et plus. L’Institut d’histoire sociale de la CGT de la Haute Savoie a rassemblé des documents relatifs à cet épisode314 : il en ressort une forte mobilisation syndicale autour des revendications salariales, également autour du rôle des comités d’entreprises, avec les lois Auroux, mais avec en toile de fond une concurrence CGT/CFDT. Le mouvement syndical prend également une dimension culturelle avec l’intervention en différents lieux du département, dans plusieurs usines occupées et à la Bourse du Travail à Annecy, de la troupe du Libre Elan “ troupe de la Fédération des Œuvres Laïques créée en 1959 et hébergée par Peuple et Culture 315  ”. Contre la position des élus de l’UNR, le conseil municipal d’Annecy vote le 27 mai une motion de soutien matériel aux grévistes et à leurs enfants, après que le maire eût pris “ l’initiative de réunir les responsables des Unions locales de travailleurs sur la proposition des conseillers municipaux syndicalistes, ainsi que les représentants des étudiants 316.

Si Annecy n’a pas été touchée de la même manière que les grandes villes à forte population étudiante, deux éléments apparaissent cependant comme révélateurs des ruptures qui s’opèrent dans la ville, des “ craquements systémiques ” pour reprendre l’expression du sociologue des associations, Albert Meister317.

Le premier de ces évènements est la lettre que trois responsables culturels annéciens adressent au maire Charles Bosson, à la fin de l’année 1968, lettre qui constitue un véritable manifeste culturel, en même temps qu’une prise de position politique vis à vis du maire. Cette lettre318 est rédigée par Daniel Sonzini, le directeur de la MJC de Novel, Georges Gondran, le président du Ciné-club, et Jean-Pierre Laurent, le conservateur du musée. Elle dénonce assez durement l’illusion selon laquelle Annecy serait une ville de culture, en argumentant avec les chiffres relatifs aux différentes manifestations culturelles, et en les rapportant à la population. On trouve bien sûr l’approche quantitativiste chère à Dumazedier qui permet de dépasser les discours officiels de la municipalité, et de pointer que finalement la culture à Annecy ne concerne qu’une minorité, 10 % de la population, avec quelques échos des travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, qui font alors figure de chefs de file de la sociologie critique et de dénonciation de la société bourgeoise dans ses mécanismes les plus fins de domination. En particulier, la question du public de la culture, et du non-public, dont s’emparent les responsables des grandes scènes nationales réunis à Villeurbanne, chez Roger Planchon en mai 68, trouve sa source dans les travaux de Bourdieu. De même une référence à Herbert Marcuse, et à L’homme unidimensionnel, autre ouvrage emblématique de cette période, résonne comme un avertissement quant à l’aveuglement de la municipalité face aux menaces de désordres sociaux qui pèsent sur la ville si rien n’est fait en faveur des jeunes.

Le ton général est très direct, presque violent, comme en témoigne cette apostrophe des trois cosignataires à l’adresse du maire : “ L’effort culturel aurait dû apparaître comme l’effort scolaire avec l’expansion démographique, c’est à dire en 1956. Si le départ a été manqué en ce qui concerne le scolaire, le retard a été rattrapé par la suite, mais dans le domaine culturel, nous accusons maintenant vingt années de retard. Annecy, ville de Saint-François de Sales, n’a rien à envier à la Russie des Soviets qui, au dire de Kroutchev répondant à Sartre : “ La Russie ne peut se payer le luxe d’avoir une politique culturelle quand elle a déjà une politique technique et scientifique ”. La lettre dénonce le libéralisme et le pluralisme revendiqués de la municipalité, qui au lieu de permettre la liberté de choix des citoyens, s’apparentent plutôt au refus des choix clairement affirmés, et surtout au refus de la présence des créateurs : “ Annecy a toujours refusé les créateurs (Gabriel Monnet, par exemple), et refusé également les actions novatrices : c’est le cas des animateurs venant offrir à Annecy les Trésors de la Cinémathèque française pour animer une partie de la saison d’été. Après une seule présentation (juillet 1967), ces animateurs se sont tournés vers une ville plus accueillante et c’est maintenant Avignon, la ville de Jean Vilar, qui présente régulièrement ces films de cinémathèque et inédits ”.

La revendication formulée à la fin de la lettre est vive et sans ambiguïté : “ Nous demandons donc, Monsieur le Maire, il faut le dire, une vraie révolution culturelle. Nous demandons que soit reconnue, dans le domaine urbain, l’existence d’un domaine culturel spécifique, en vue de permettre la participation de tous les citoyens à l’activité culturelle de la cité ; cette participation s’exprime plus particulièrement dans les associations volontaires. Nous demandons la création d’une instance spécifique chargée d’examiner obligatoirement et régulièrement avec le Pouvoir, l’ensemble des questions culturelles, chargée de proposer en temps voulu la politique générale et les budgets relatifs au développement culturel de la cité. Cette instance doit être fondamentalement différente de l’actuelle commission des affaires culturelles.(…)Nous demandons que cette ville comprenne enfin, grâce à vous, que l’option culturelle est l’option de l’avenir ”.

Cette revendication est signée de trois responsables culturels de la ville, mais en fait portée par un mouvement dont le point d’appui se situe à la MJC de Novel, lieu de rassemblement en mai 68 de tous ceux que les évènements mobilisent, y compris les responsables syndicaux des comités d’entreprise. En particulier les animateurs et éducateurs s’y retrouvent pour faire le point sur le domaine d’activité319. Le journal de la MJC, Novel 68, élargi bien au-delà des activités de la MJC, est alors le vecteur de cette expression revendicative et protestataire. Georges Gondran y dénonce en tribune libre les illusions de la culture dans la ville : “ les Dumazedier de l’an 2000 pointant les manifestations culturelles à Annecy pourront croire qu’il existait une vie culturelle à Annecy (…) Si nous parlions de tous les besoins de la population ce ne serait plus un ravin mais un abîme ”. Et Jean-Pierre Laurent de formuler à nouveau la revendication d’un centre ville innovant : “ Mais il faut encore, et surtout, sous peine de voir éclater la ville, sous peine de la voir se désagréger en autant de parcelles étrangères les unes aux autres, lui donner un cœur, un centre qui soit vraiment le cœur, le centre de la cité ; un centre qui soit à la fois le lieu concret et symbolique du loisir, c’est à dire un des risques les plus évidents du nouvel humanisme qui est en train de naître (…) Traduire cette vision est une œuvre de longue haleine ; elle demande moins de science que d’imagination, moins de calcul que de lyrisme.320

Cette charge virulente met en cause plusieurs positions de principe formulé par les deux élus. En particulier, c’est la profession de foi pluraliste de la municipalité qui est mise en cause par ceux qui revendiquent une action culturelle engagée : pluralisme affirmé contre la prétention des Marquisats à occuper une place centrale dans la vie culturelle annécienne, ainsi que nous l’avons vu plus haut, pluralisme fondé sur la tradition exposé par Pierre Jacquier en 1967 en Avignon devant les autres villes réunies par le ministère de la Culture321. Ce pluralisme est en fait dénoncé comme un refus des élus de s’engager dans une action d’envergure et de proposer des choix affirmés, comme une forme de neutralité face aux enjeux aussi bien politiques qu’urbanistiques. De même la dénonciation des arguments techniques, en particulier celui de l’engagement financier de la ville, vient battre en brèche le discours développé par les édiles annéciens aussi bien en Avignon322 qu’auprès de Dumazedier et du groupe d’enquête qu’il dirige. Le développement d’une action culturelle ne peut se lire seulement dans les chiffres d’un budget ou dans des déclarations de principes.

L’autre source de contestation de l’attitude de la municipalité est totalement différente dans sa nature et dans son expression, même si des recouvrements peuvent être faits en ce qui concerne les personnes qui en sont à l’initiative : le jazz, dans son expression la plus anticonformiste, voire subversive, le free jazz, fait une entrée tonitruante dans la ville sous l’impulsion d’un groupe conduit par un visiteur médical passionné de jazz, Michel Carvallo323. Il rassemble rapidement autour de lui tous ceux qui aspirent à une rupture avec les formes convenues de l’expression artistique, ceux qui depuis des années revendiquent des initiatives dans le domaine culturel : Jean-Pierre Laurent le conservateur du musée-château, le docteur André Bouvet, un des responsables “ historiques ” de Peuple et Culture et son président de 1958 à 1969. Une des premières manifestations du groupe a lieu le 7 juillet 1967 avec un concert du violoniste Jean-Luc Ponty au château. Ce dernier, que sa renommée va rapidement désigner comme un des leaders du jazz moderne, apportera un soutien constant à Annecy Jazz Action (AJA), aussi bien par ses prises de position que par sa présence fréquente dans les manifestations organisées à Annecy. Mais c’est réellement en 1969 qu’Annecy Jazz Action prend sa place sur la scène annécienne, après un manifeste publié dans Annecy 69, le journal qui succède à Novel 68, et la création de l’association. Un concert marque véritablement une rupture dans la vie culturelle annécienne : le 16 novembre 1971, Sun-Râ et son Intergalactic Arkestra, donnent un concert dont aussi bien la musique “ free ” que la mise en scène iconoclaste résonnent comme une provocation à l’égard des formes traditionnelles de la culture, et donnent un signe de ralliement à tous ceux qui aspirent à de nouvelles aventures artistiques. Le Dauphiné Libéré rend ainsi compte de ce concert : “ (…)Spectacle prodigieux déjà pour celui qui n’aura point été touché, révélation pour le grand nombre qui aura reçu la grâce, office pour les initiés, Sun Ra Orkestra n’est pas passé inaperçu à Annecy, il commence une ère d’après laquelle chacun datera son aventure personnelle. (…) Tant sur le plan de la musique que sur le plan de l’occupation de l’espace avec les danses, les projections sur écran des systèmes intergalactiques, la vie de Sun Ra et de ses musiciens, des scènes tribales, de vestiges des dynasties pharaoniques des réformateurs adorateurs du soleil, ce spectacle aura trouvé un écho dans les différentes sensibilités du public. Pour se laisser pénétrer par cette musique, il fallait mettre en sommeil son intelligence pour être irradié par l’Esprit.(…) Alors Sun Ra, du jazz ? de la danse ? de la musique concrète ? du folklore de couleur ? Oui et non, Sun ra c’est tout à la fois l’invitation au voyage, une grande fête chaleureuse, une bacchanale païenne où l’homme se réveille avec sa nature profonde. 324. Quelques jours auparavant, les Galas Karsenty avaient donné au théâtre une comédie de Terence Trisky, Une fille dans ma soupe 325

Il ressort surtout de cette période de fondation d’Annecy Jazz Action un élément très marquant : l’affirmation de valeurs fortes, de contestation bien entendu, très appuyées sur les musiques nouvelles, le free jazz en particulier, dont Lucien Malson rappelle la portée : “ Ces musiques velléitaires sont la proie d’un désir irrépressible de changement et ne cherchent nullement à cacher un profond désarroi. L’idée d’ordre, dit-on parfois, évoque le monde de l’injustice établie. D’où le goût du désordre en musique, contestation symbolique de la société d’asservissement. ”326. La bande dessinée, l’humour de dérision, en lien direct avec les publications les plus en vue de la contre-culture, complètent une expression contestataire, foisonnante, et en rupture avec les conventions.

Dans le domaine du théâtre, la MJC de Novel, à l’initiative de Daniel Sonzini, dès 1967, accueille de jeunes troupes, le Théâtre Populaire Romand, le Théâtre Populaire Jurassien, entre autres, qui renouvellent totalement l’approche du théâtre, avec un “ engagement artistique ” sur les problèmes de société. D’autres jeunes metteurs en scène viennent également produire des spectacles : Georges Lavaudant et son Théâtre Partisan, Alain Françon et son Théâtre d’essai Kersaki, avant qu’il ne devienne le Théâtre Eclaté 327 . C’estd’ailleurs ce dernier qui est réinvité à Novel dès 1971, pour créer en février 1972 une pièce extrêmement politique, La Farce de Burgos, qui dénonce les violences du régime franquiste et l’attitudede l’Eglise, avec une mise en scène de rupture avec les conventions artistiques, dans la lignée provocatrice du Bread and Puppet Theater.

Ce que ces manifestations, dans deux ordres esthétiques différents, introduisent à Annecy, au-delà d’un renouvellement du répertoire traditionnel diffusé depuis des années par les “ tourneurs ”, c’est une forme d’irruption esthétique, qui rompt la neutralité à laquelle la municipalité et la commission des affaires culturelles souscrivaient depuis 1965, celle là même que dénonçait Gabriel Monnet aux Rencontres d’Avignon en 1967. Ce que les élus d’Annecy n’ont pas voulu retenir de la vision malrucienne, à savoir la primauté de l’œuvre et de l’artiste, la force intrinsèque de l’art comme moteur politique, revient en force dans la ville, à la fin des années 1960, et sous des formes théâtrales et musicales qui battent en brèche les valeurs traditionnelles, en premier lieu les valeurs consensuelles, susceptibles de recueillir l’unanimité des publics et de la population. Daniel Sonzini parle à cette occasion “ de rapports très violents avec la collectivité mais qui agissent comme un révélateur de la situation locale ”.328

Surtout, il résulte de ces craquements, une initiative en faveur d’un service technique culturel de coordination et d’assistance aux associations, projet qui avait été envisagé maintes fois lors des réunions de la commission,329 mais sans cesse reporté. Les trois personnes qui ont apostrophé le maire dans une lettre manifeste, Daniel Sonzini, Georges Gondran et Jean-Pierre Laurent, joignent les actes aux déclarations écrites, et lancent en 1969 le projet d’une agence technique, regroupant douze associations, dont bien sûr les deux MJC, le Ciné-club de Georges Gondran, les Amis du Château de Jean-Pierre Laurent, l’AJA, le Logis, Peuple et Culture, les Escholiers fondés par Camille Mugnier, les parents d’élèves du Conservatoire, les Amis de l’Art lyrique. Le premier lieu de rassemblement est constitué par le journal de la MJC de Novel, Novel 68 qui devient Annecy 69, dédié à l’information culturelle inter-associations.330 La responsabilité en est assurée par le président de Novel, Pierre Patel, et la MJC met rapidement à disposition de l’agence technique Daniel Sonzini pour la moitié de son temps.

Les objectifs initiaux sont limités à la mise en commun de moyens techniques (reproduction, publicité, matériel), à la coordination (réservation de salles, calendrier), en un mot à ce qui était souhaité depuis plusieurs années auprès de la mairie, sans résultat. La formule d’agence technique représente en outre une plate-forme minimale, qui évite le débat de fond sur les finalités de chacune des associations. D’après le témoignage de Daniel Sonzini331, la formule aurait été suggérée par Paul Jargot, le président de la FFMJC. Rapidement la mairie reconnaît le groupement, dénommé Groupe d’Action Culturelle (GAC) : le conseil municipal dans sa séance du 29 juin 1970 vote un crédit de 62 980 Francs332 en vue de créer une agence technique et lui accorde un local, un magasin inoccupé du Clos Bonlieu. La difficulté que rencontrent les promoteurs pour rassembler les associations autour de cet objectif minimum est rappelé par Pierre Patel, le premier président, dans l’historique qu’il fait de cette genèse à l’assemblée constitutive d’AAC : “ Il est apparu très vite qu’il serait difficile de créer une nouvelle association, compte-tenu des difficultés de concevoir une politique commune entre des associations très différentes. C’est pourquoi, au printemps 1970, il fut proposé à la ville d’Annecy de créer une agence technique culturelle. Après de nombreuses réunions, un accord est intervenu entre les associations et avec la ville d’Annecy, fin juin, début juillet. ”.333 La transformation de ce groupement en association intervient le 3 avril 1971, avec la constitution d’Annecy Action Culturelle, AAC.

Une première rupture s’ensuit au sein du groupement, le président du Ciné-club, Georges Gondran refusant ce qu’il considère comme une compromission avec la mairie334. Si des différents d’ordre personnel et professionnel pouvaient opposer Georges Gondran à la mairie (allégués par certains témoins), on peut penser que les réticences de celle-ci à soutenir les projets d’ampleur en matière de cinéma que lui avait proposés Georges Gondran, n’avaient pas contribué à améliorer les relations entre eux. Néanmoins cette première rupture, très précoce, porte sur un enjeu majeur pour AAC et les associations qui la composent, à savoir les relations avec la municipalité. D’autre part, elle provient de l’un des trois responsables les plus actifs sur le plan culturel, porteur du projet le plus marquant de la vie annécienne alors, les Journées Internationales du Cinéma d’Animation (JICA). Enfin, Jean-Pierre Laurent, le conservateur du musée, le promoteur d’un projet de bibliothèque digne de ce nom, quitte Annecy en novembre 1970 pour prendre la direction du Musée dauphinois à Grenoble. Le trio qui depuis 1967 portait la vision d’un projet culturel rompant avec le conformisme de la municipalité se trouve donc rapidement désuni.

Si on ne peut pas dire que les évènements de mai 68 ont déclenché à Annecy une “ révolution culturelle ”, on ne peut cependant que constater que la période produit une focalisation des éléments de contestation du conformisme ambiant, que ce soit dans la diffusion culturelle, encore largement dominée par les formes traditionnelles, dans les valeurs communément portées par les groupements associatifs, et dans le fil, de la position somme toute assez prudente de la municipalité à l’égard de tout ce qui concerne la culture, en dépit de la proximité des deux principaux responsables, Georges Grandchamp et Pierre Jacquier avec les instances nationales.

Innovation dans le domaine institutionnel avec AAC, irruption de la contre-culture à Annecy avec Annecy Jazz Action, bientôt du théâtre politique avec le Théâtre Eclaté, la culture s’annonce dans la ville plutôt comme une rupture que comme l’étape d’une construction méthodiquement programmée. Les choix antérieurs de la municipalité, qui privilégiaient la maîtrise raisonnable du développement de son action, ne peuvent prévenir l’incertitude qui préside à cet épisode.

*****

Ainsi la première phase que nous avons retenue pour notre étude, correspondant au mandat municipal 1965-1971 est-elle celle des équipements d’animation en direction des jeunes, construits en nombre important pour une ville moyenne, et assez rapidement. En ce sens la ville est en phase avec la politique menée par le Secrétariat d’Etat à la jeunesse et aux sports. A l’inverse, et malgré une proximité des responsables annéciens avec les décideurs parisiens du ministère des affaires culturelles, la ville est plus que réservée dans son engagement en direction d’une politique proprement culturelle : la question de la grande salle, et en corollaire la définition de la jauge de celle des Marquisats, forme une question récurrente, et résolue a minima. De même, les projets culturels présentés par des acteurs annéciens en matière de cinéma, ou par le Ministère des affaires culturelles dans le domaine du théâtre, sont écartés par la municipalité, au motif invoqué de la petite taille de la ville.

Enfin, au sein des associations locales, l’héritage de la Libération n’apparaît plus comme un élément déterminant de leur engagement dans une construction politique : l’essor des MJC est lié au développement des nouvelles politiques publiques de l’animation, et à l’émergence du métier d’animateur ; le projet des Marquisats, s’il se réfère au passé, n’est pour autant pas concevable hors de ce contexte. En dernier lieu, il n’apparaît pas que les associations culturelles et socioculturelles forment à la fin de cette première phase une coalition d’intérêts, qui mette en difficulté le pouvoir municipal, ou plus simplement qui exerce une pression forte en vue de la définition de nouveaux engagements dans une politique culturelle. C’est cette capacité de la municipalité à exercer des choix de manière relativement indépendante que nous aborderons dans la conclusion de cette première partie : quels sont les clefs politiques de cette stabilité et de ette autonomie ?

Notes
314.

Cahiers de l’Institut CGT d’Histoire sociale de la Haute Savoie : n° 22, 23, 24,25, 1998, à l’occasion du trentième anniversaire de mai 68.

315.

Cahier n° 25, septembre 1998.

316.

Texte reproduit dans le Cahier n° 24, juin 1998.

317.

Dans un entretien donné à la revue Pour, n°59, mars-avril 1978,  Les associations : problèmes actuels, bénévoles, militants et professionnels. ”.

318.

Conservée dans les archives d’AAC, AMA, boite 6. Ces archives classées en 78 boites numérotées sont non cotées à ce jour.

319.

Entretien avec Daniel Sonzini du 14 novembre 2002.

320.

Journal Novel 68, AMA, archives AAC, boite 10.

321.

Dans Philippe Poirrier, La naissance des politiques culturelles…, op.cit. p.278. Ce sont quasiment les seuls moments, et lieux, où l’on trouve une formulation explicite à ce moment de ce principe, qui sera ensuite développé très abondamment dans les travaux écrits ultérieurs.

322.

Philippe Poirrier, La naissance des politiques culturelles…, op.cit., pp.254-260.

323.

Sur l’histoire d’Annecy Jazz Action nous nous appuyons sur le travail de Roueff Olivier, Le Jazz et l’action culturelle. Annecy Jazz Action (1969-1975), mémoire de DEA en sciences sociales, sous la direction de Jean-Louis Fabiani, EHESS Marseille, Paris 1997.

324.

Le Dauphiné Libéré du 18 novembre 1971.

325.

Le Dauphiné Libéré du 6 novembre 1971.

326.

Malson Lucien, Histoire du jazz et des musiques afro-américaines, op.cit. p.172

327.

Conseil d’administration de la MJC de Novel du 18 mars 1969, Archives de la MJC, registre n°1.

328.

Entretien du 15 janvier 2003.

329.

La question est abordée lors des réunions de la commission des affaires culturelles des 25 mai 1965, 7 juillet 1966, 19 octobre 1966, 26 octobre 1967, 12 mars 1970.

330.

Les éléments concernant cette évolution sont conservés dans les archives d’AAC, AMA, boite 6.

331.

Entretien du 15 janvier 2003.

332.

Registre des délibérations du conseil municipal, volume 138.

333.

AMA, archives AAC, boite 8, projet de compte rendu de l’assemblée générale constitutive du 3 avril 1971.

334.

Projet de compte rendu de l’assemblée générale constitutive du 3 avril 1971.AMA, archives AAC, boite 8.