B) L’irruption de la contre-culture

Les enjeux autour de la constitution d’Annecy Action Culturelle ne portent pas seulement sur le problème des statuts et les rapports avec les pouvoirs publics, locaux ou nationaux. Ils concernent aussi la finalité de cette structure et le sens de l’action culturelle. Certaines associations sont déjà porteuses d’un projet spécifique, et attendent d’AAC un appui pour leur développement, notamment pour obtenir un soutien plus important de la mairie. C’est le cas du Ciné-club de Georges Gondran, qui, depuis 1960, porte les Journées internationales du cinéma d’animation (JICA) et souhaiterait obtenir les moyens de leur donner une envergure plus large, notamment en direction du public, et non plus seulement des professionnels. C’est aussi le cas d’Annecy Jazz Action, qui, dans sa défense de la musique de jazz à Annecy, multiplie les concerts avec un souci d’ouverture aux tendances nouvelles, free jazz, mais aussi rock, blues. Enfin, les initiatives que Daniel Sonzini avait prises à la MJC de Novel pour ouvrir Annecy à de nouvelles troupes de théâtre jettent les premières bases de l’action propre d’AAC, et ceci d’autant plus que le théâtre demeure une des priorités du ministère des affaires culturelles en matière de création.

Nous avons souligné plus haut combien la création d’AAC avait agi comme un accélérateur pour faire entrer Annecy dans les politiques publiques mises en place au niveau national dans le domaine culturel, malgré les réticences de la ville. La perspective de soutien qu’elle ouvre dans le milieu local à tous ceux qui aspirent à une culture inscrite dans les courants issus de mai 68 agit comme un puissant facteur de cristallisation, donnant ainsi naissance à un large mouvement de contestation de l’ordre établi localement, mettant à mal la gestion mesurée de la municipalité, en contradiction avec l’analyse rationnelle des besoins et la planification des équipements comme réponse politique. Si la municipalité n’a jamais voulu s’immiscer dans les choix artistiques des associations, au nom de la liberté et du pluralisme, cette neutralité est bousculée dans ce début des années 70 par ce qu’il faut bien appeler une irruption du débat esthétique dans la ville, porteur d’une contestation politique et de désordres.