Chapitre 3 – l’établissement d’une politique municipale de la culture

Si la première phase de construction d’une politique culturelle s’est avérée particulièrement agitée, du fait des tensions autour du rôle des associations, autour également des débats esthétiques et moraux, avec des épisodes qui peuvent être assimilées à des crises, comme ce fut le cas avec l’arrivée du Théâtre Eclaté, par contre, la deuxième phase, celle qui commence avec l’élection d’André Fumex en 1975, avec la stabilisation d’AAC, est caractérisée par un apaisement des conflits et surtout par de multiples constructions dans le domaine culturel. Mise en chantier de Bonlieu, bien sûr, mais aussi constructions contractuelles entre les acteurs, avec au centre du dispositif, la Mairie d’Annecy. L’affirmation d’une politique municipale spécifiquement culturelle, jusqu’alors contournée, se fait jour.

Cette période qui apparaîtra rétrospectivement comme une sorte d’âge d’or sur le plan culturel, entièrement tendue vers la réalisation de Bonlieu, n’est pas pour autant exempte de tensions et de conflits. Si elle contribue fortement à forger cette image durable d’une ville culturelle, rassemblée autour de ses édiles et d’un projet commun fondé dans l’histoire, c’est probablement en raison de la concordance avec les politiques nationales, culturelles et socioculturelles, mais qui entrent alors dans un relatif déclin. L’achèvement d’un dispositif local assez complet, fondé sur un ensemble d’équipements de qualité, animés par un groupe de professionnels important et homogène, et la naissance de manifestations d’envergure qui signent la réussite de cette politique complètent cette image. En ce sens, c’est une phase d’alignement des différentes politiques qui se dessine, pour reprendre les termes d’Olivier Borraz465, porteuse d’institutionnalisation de la politique locale, alors que la période précédente se présentait comme une phase de décalages.

Mais cette période, qui apparaît comme une phase d’achèvement, porte déjà en elle des éléments de division, des germes de crise qui, derrière l’image consensuelle et de réussite, provoqueront ultérieurement des remises en cause profonde. C’est aussi et surtout une période de mutation des acteurs culturels annéciens, avec une disparition progressive des associations historiques de la scène locale.

Notes
465.

Borraz Olivier, “ Pour une sociologie des dynamiques de l’action publique locale ”, dans Les nouvelles politiques locales, sous la direction de Balme Richard, Faure Alain et Mabileau Albert, op.cit.