B) De nouvelles normes pour la politique culturelle

La première saison d’AAC au théâtre fait entrer définitivement l’association, et toute la ville par la même occasion, dans le grand mouvement de développement culturel, que les successeurs d’André Malraux rue de Valois ont soutenu, sur un mode moins épique que leur glorieux prédécesseur, mais plus négocié par la force des choses, ou plus exactement par les faiblesses budgétaires, en priorité avec les collectivités locales, et les mairies en premier lieu. Dans cet échange entre le ministère et les communes, il est un outil qui va s’avérer déterminant pour fixer le cadre et les normes de l’action culturelle ; il s’agit des conventions. Très loin des méditations métaphysiques sur la mort et la culture, les fonctionnaires du ministère, surtout depuis l’installation, laborieuse il est vrai, des DRAC, les directions régionales des affaires culturelles501, mettent en place un système de conventionnement, souvent tripartite ministère/mairie/association pour créer et développer les centres d’action culturelle. Ce mode de relation va connaître localement à Annecy un développement considérable dans ces années d’achèvement du dispositif socioculturel et culturel. On peut présumer que ce type de fonctionnement est favorisé par un apaisement relatif des débats artistiques : Annecy Jazz Action a perdu quelques-uns de ses animateurs, engagés dans le projet Bonlieu, et surtout son fondateur, Michel Carvallo, qui a quitté Annecy pour Avignon à la fin de 1974. Transformée en Annecy MédiAction (AMA) l’association poursuit son travail d’agitation culturelle et de contestation des valeurs établies, mais elle n’entraîne plus le même mouvement dans la ville. Les concerts qu’elle continue d’organiser dans les salles des MJC ou du théâtre soulèvent des protestations du voisinage en raison du bruit, et des gestionnaires à cause des mauvaises habitudes des spectateurs. C’est le cas lors de la première année de gestion du théâtre par AAC.

Le Théâtre Eclaté, soutenu par le ministère et la DRAC, bénéficie d’une notoriété artistique sans cesse croissante, reconnue par une progression continue dans les critères du ministère qui envisage, en 1978, de le faire passer “ hors commission ”, c’est à dire accéder à la première catégorie des troupes de théâtre502. Cette notoriété ne fait guère plier la municipalité qui continue d’opposer à ses interlocuteurs de Paris, de Lyon et d’Annecy, la difficulté de trouver des locaux de répétition et de stockage des décors, l’impossibilité pour les finances communales de supporter une troupe permanente, malgré les demandes répétées des administrateurs et directeurs d’AAC qui tiennent à la valeur créatrice d’Alain Françon et ses comédiens. Ces derniers trouvent auprès d’autres municipalités et centres culturels les financements des coproductions de spectacles que la troupe ne cesse de monter au fil des ans.

Notes
501.

Que Jean-Luc Bodiguel a retracée dans L’implantation du ministère de la culture en région, op. cit. ; les dernières sont installées en 1978, alors que les premières, dont Rhône-Alpes, datent de 1969 (p. 330).

502.

AMA, commission des affaires culturelles d u25 octobre 1978, 2 Mi 236.