Un dispositif culturel très institutionnalise

Le dispositif culturel, au sens large, dans la ville présente dans les années 80 quelques caractéristiques bien marquées, entre autres l’étroite imbrication du secteur socioculturel stricto sensu avec les structures culturelles. Ceci s’est réalisé au cours des ans sur quelques grandes lignes de force poursuivies avec persévérance par les élus municipaux, mais aussi avec le concours des principaux responsables associatifs :

• La prépondérance des associations cogérées avec une représentation élargie, par le jeu des membres de droit et associés, des syndicats, services publics, associations de parents et culturelles, avec un système de participations croisées assez largement développé comme nous l’avons montré plus haut. Le multipositionnement des principaux responsables n’est pas à proprement parler une singularité annécienne, mais son développement dans une ville moyenne le rend plus marquant et plus efficient. On peut même penser que nombre de responsables de l’opposition politique à la majorité municipale sont engagés dans ces structures culturelles ou socioculturelles, et donc engagés dans une coopération avec la municipalité sur le plan des actions. L’autre caractéristique réside dans la relative imperméabilité entre la sphère culturelle et la sphère politique : l’élection comme maire-adjoint chargé des affaires culturelles de l’ancien président de la MJC des Marquisats est une exception dans la construction politique annécienne, qui ne sera d’ailleurs pas renouvelée en 1989 ;
• L’engagement réduit de la municipalité dans la coordination du secteur culturel : autant nous l’avons dit, la prise en régie directe par la mairie des activités d’enseignement artistique (conservatoire et école des beaux-arts), de lecture publique et de conservation est précoce, dès la fin des années 60, autant la mise en place de moyens spécifiques, et notamment de personnels dédiés, dans les services municipaux est tardive et restreinte. C’est seulement après les élections de 1983 qu’un poste d’attaché est créé dans les services pour assurer spécifiquement la coordination de la politique culturelle : la revendication des années 60 d’avoir un vrai service culturel en mairie n’est satisfaite qu’a minima par cette création. La mairie a maintenu son choix d’une coordination culturelle que l’on pourrait qualifier d’externalisée par rapport à ses propres services ;
• La professionnalisation des activités culturelles : la gestion de nombre d’activités par des associations de cogestion ne repose pas essentiellement sur l’engagement bénévole des animateurs mais sur l’action de professionnels, en particulier nous l’avons vu le corps des directeurs de MJC, qui fournit l’essentiel de l’encadrement des structures associatives, MJC et autres puisque, par exemple, les deux premiers directeurs des Journées internationales du cinéma d’animation sont des directeurs de MJC, le premier en provenance d’Annemasse, le second n’étant autre que l’ancien directeur des Marquisats, devenu en 1981 délégué régional de la FFMJC. Par contraste, la municipalité tient à distance les associations d’animation qui revendiquent un engagement politique et social, et qui s’appuient fortement sur la participation de leur public : l’Association des quartiers du Parmelan, association d’habitants d’une cité de transit vouée à la rénovation (qui n’aura lieu finalement qu’en 1994), créée par une travailleuse sociale, est cantonnée dans un deux pièces cuisine de 50 m² ; le Foyer de jeunes et d’éducation populaire des Teppes, après l’incendie de son bâtiment préfabriqué, est relégué dans les anciens locaux du Logis, tout à fait à la périphérie nord de la ville, à l’écart de la ZUP de Novel et des Teppes.

La structuration institutionnelle du secteur culturel et socioculturel prend donc une forme, sinon définitive, du moins bien arrêtée dans ses principes, et qui marginalise ceux qui ne les acceptent pas. Cette forme, appuyée sur les associations fonctionnant avec une large participation d’acteurs d’horizons divers, sur un ensemble de professionnels complet, avec une production de manifestations culturelles qui semblent faire consensus, apparaît alors comme un modèle.