C) Une stratégie institutionnelle ?

Nous avons longuement insisté sur le fait que, tout au long des années que nous avons retenues pour cette étude, la mairie d’Annecy a fait un choix très constant d’une forme de structuration des activités culturelles et socioculturelles, celui des associations de cogestion, qu’elle a défendu contre toutes les pressions visant soit à y introduire la primauté de l’artiste ou des œuvres avec leur charge forte, soit des valeurs spécifiques, comme la laïcité de la FOL. Ce choix est fondé sur une reproduction d’un modèle élaboré initialement par la Fédération des MJC, avec en complément, une professionnalisation du secteur basée presque exclusivement sur les directeurs de MJC. Il porte en outre, dans le cas précis d’Annecy, réminiscence de la fondation du centre d’éducation populaire des Marquisats à la Libération, avec la participation de tous les courants politiques engagés dans la Résistance et dans la perspective de reconstruction d’une société nouvelle.

Le pluralisme, souligné par Dumazedier et revendiqué par la municipalité, est réel sur le plan politique en ce sens que la totalité des courants, à travers la participation généralisée des syndicats et associations, sont représentés. Aucun courant ne peut se dire victime d’une tentative d’exclusion, puisque la municipalité recherche au contraire leur adhésion. Par contre, le pluralisme n’a plus cours en matière d’institutions : un seul modèle a droit de cité tout au long de ces années, tout au moins pour les associations occupant une place stratégique dans le dispositif, c’est à dire en charge d’un équipement ou d’un projet artistique. Les autres associations ne sont pas éliminées du jeu, mais elles ne peuvent y participer que par l’intermédiaire des structures de cogestion.

Cette différence entre le pluralisme politique reconnu et installé, et l’unicité, au contraire, des types de structures institutionnelles, non seulement retenues, mais acceptées, ressort comme un principe d’application constante. En l’occurrence, dans le cas d’Annecy, il ne peut s’agir d’une simple coïncidence, tant la répétition est systématique, encore aujourd’hui. Ceci nous amène à mettre en évidence l’une des dimensions de la politique menée par la majorité municipale à Annecy, et finalement bien acceptée par l’opposition, c’est à dire la dimension institutionnelle pour prendre en charge la gestion des équipements. Nous avons souligné dans la première partie combien les équipements ont constitué à la fois l’ancrage territorial et la substance même des nouvelles politiques publiques lancées par le IVe Plan, ainsi que le rôle joué par les associations et fédérations engagées dans ces politiques.

Cependant deux remarques essentielles s’imposent à ce stade de nos conclusions. La première concerne la structure de l’ensemble du dispositif culturel et socioculturel à Annecy. La seconde est relative à sa genèse.