Un système redondant

Tout d’abord, la reproduction assez systématique d’un modèle associatif unique, celui de la cogestion, aussi bien dans le temps, de 1965 jusqu’à ces dernières années, que dans les différents champs de l’action publique locale, présente des caractéristiques très marquées : une association par équipement ou par projet culturel, une représentation garantie statutairement des syndicats, parents d’élèves, services publics et représentants des autres associations aux instances de décision de chacune, avec bien entendu à chaque fois la présence de la mairie et la plupart du temps du Conseil Général. Si les adhérents à titre individuel disposent bien entendu d’une représentation au sein des différents conseils d’administration (avec une étendue variable selon les cas), et fournissent le plus souvent les présidents, pour autant, les membres de droit et associés, par leur nombre et leur présence répétée dans chacune, forment bien une catégorie tout à fait importante. D’autre part, à aucun moment, n’a été envisagée une simplification ou un regroupement de ces associations au sein d’une instance commune : à Annecy un regroupement de type union locale des MJC n’a jamais été envisagé à notre connaissance, pas plus d’ailleurs qu’un office socioculturel, comme à Rennes par exemple559.

La répétition pour chaque équipement, chaque projet culturel, de cette forme de participation de tous les acteurs concernés peut-elle s’inscrire dans une forme de redondance institutionnelle telle que William Ossipow l’a définie dans ses travaux sur le fédéralisme helvétique560 ? A partir des théories de l’information, et de ses applications dans le domaine de la sécurité, William Ossipow pointe l’importance que recouvre “ l’excès de signes par rapport à ce qui est strictement nécessaire pour la transmission d’un message ” afin d’éviter les défaillances dans le processus de communication. “ La redondance consiste donc à introduire un nombre de composants supérieur à celui qui est strictement nécessaire pour assurer le fonctionnement du système 561. L’application de ce principe dans le domaine des institutions politiques, en particulier au système fédéral helvétique, met en évidence une multiplicité de lieux de décision de même nature : “ ce qui pourrait être accompli en un lieu unique par le centre se trouve l’être en de multiples lieux. Selon le principe de subsidiarité, l’instance centrale de décision intervient uniquement en cas de défaillance des instances locales conformément à un schéma de type traditionnel 562.

La multiplication des structures de cogestion de même type, rassemblant le plus souvent les mêmes acteurs forme-t-elle un système de redondance qui permet au centre, la municipalité en l’occurrence, d’éviter de jouer justement le premier rôle dans l’élaboration et les prises de décisions, tout en s’assurant du concours de tous les acteurs dans un dispositif fiable ?

Notes
559.

Le cas de Rennes a été analysé par Armel Huet, directeur du LARES, dans, entre autres, Le système socio-culturel dans la ville : acteurs, pratiques, problèmes, redéfinitions, et enjeux, dans L’action socioculturelle dans la ville, Paris L’Harmattan, 1994 ; voir aussi Guy Saez, L’Etat, la ville et la culture, op.cit. .

560.

En particulier Ossipow William “ Le système politique suisse ou l’art de la compensation ” dans Papadopoulos Yannis Elites politiques et peuple en Suisse. Analyse des votations fédérales : 1970-1987, Lausanne, Réalités sociales, 1994. Nous nous référons également à un texte de William Ossipow, Pour une théorie de la redondance institutionnelle, fourni par l’auteur lors d’un séminaire de DEA de science politique à l’IEP de Grenoble.

561.

Ossipow William, op. cit., p.20.

562.

Ibid.