Nous avons montré, en particulier dans la deuxième partie de notre travail, comment la ville d’Annecy avait en réalité conduit une véritable stratégie politique dans le domaine culturel et socioculturel, stratégie appuyée sur une combinaison singulière et constante d’éléments divers mais qui ont contribué à façonner le paysage politique annécien, marqué par la stabilité, en même temps que par un développement assez complet.
Nous avons souligné, dans la première partie, combien la municipalité, pour déterminer et mettre en œuvre ces principes de construction politique, n’avait pas disposé initialement d’une capacité d’expertise propre, issue d’une expérience antérieure ou de ses ressources spécifiques, mais avait procédé à un apprentissage prudent. On peut penser que la gestion des difficultés rencontrées au fur et à mesure, en particulier aux Marquisats, en lien avec le premier corps de professionnels du secteur, la confrontation aux désordres provoqués par les artistes, notamment au début des années 70, lui ont tout à la fois permis d’acquérir une compétence en la matière et servi à élaborer de manière empirique une ligne de conduite qui s’est avérée être en fin de compte un véritable système politique.
La construction politique qui en résulte met en évidence une redondance de structures homogènes, fonctionnant en parallèles, pour reprendre la formule de William Ossipow570, facteur de stabilité et producteur d’ordre. Mais surtout, nous avons constaté une institutionnalisation précoce, voire initiale, due au choix premier par la municipalité de formes de gestion homogènes, professionnalisées, rencontrant ainsi l’offre d’une fédération, celle des MJC, la plus engagée dans les politiques publiques nationales, c’est à dire légitimée à un niveau supérieur. En ce sens nous sommes bien dans ce que Pierre Duran et Jean-Claude Thoenig appelaient une politique constitutive, qui ne fixe pas les objectifs mais édicte les règles571.
Le rappel des éléments de construction du dispositif annécien permet-il de questionner d’une manière plus générale, mais aussi plus précise, le rapport entre les collectivités et le pouvoir central, de préciser le rapport centre/périphérie que Pierre Grémion, et les sociologues des organisations à sa suite, plaçaient au cœur de l’interrogation politique ?
Ossipow William, Pour une théorie de la redondance institutionnelle, op. cit.
Duran Pierre et Thoenig Jean-Claude, « L’Etat et la gestion publique territoriale », art. cit.