B) Les associations et l’action publique

Nous avons vu tout au long de notre travail combien les associations tiennent à Annecy une place essentielle dans la mise en place d’une politique culturelle et socioculturelle, en phase avec ce qui est observé à la même époque par Albert Mabileau. Il pointe dans cette période 1977-1983 “ une primauté du socioculturel576 qui l’amène à s’interroger sur l’éventualité d’un “ associationnisme municipal ”577. Même si la référence que nous faisons à cette recherche ne peut valoir comme étude comparative, nous ne pouvons que constater la conformité de la situation de la ville d’Annecy avec ce constat. Richard Balme, dans sa contribution578, souligne le rôle des associations et de leurs professionnels dans un système de régulation croisée, caractéristique des sociétés complexes, régulation identifiée par Michel Crozier et Jean-Claude Thoenig579.

Dans notre introduction, nous posions la question suivante : les associations, ressource politique ou contre-pouvoir ? A l’issue de notre recherche, nous nous proposons de préciser la question, et ensuite de la modifier quelque peu.

La précision consistera à introduire une distinction au sein des associations d’une part, et à examiner les questions de principe relatives à une typologie qui rende compte de l’extrême diversité des situations en la matière d’autre part. En effet nous avons vu comment à Annecy par exemple, toutes les associations n’ont pas, de manière indistincte, accédé à une position reconnue dans la politique municipale. L’épuisement des associations historiques, et finalement leur disparition de la scène, doit probablement pouvoir s’expliquer par un phénomène de dynamique sociale interne, dynamique qui a fait l’objet des recherches de la sociologie des associations que nous rappelions dans notre introduction. Pourtant nous avons relevé comment la municipalité avait opéré un choix précis en matière de structure de gestion des équipements culturels et socioculturels. C’est cette sélectivité à l’œuvre que nous souhaitons approfondir dans sa relation avec la mise en place des politiques publiques, afin de déterminer si la dynamique sociale des associations ne recouvre pas en fait une logique politique. La « question associative » ne concernerait-elle pas en fin de compte essentiellement les associations engagées dans les politiques publiques ?

La modification de notre interrogation est en fait un déplacement du point de vue : à l’interrogation initiale consistant à considérer les associations comme une variable (ressource ou contre-pouvoir ?) explicative du jeu politique local, nous proposons de substituer le constat que les associations ont joué et jouent un rôle essentiel non seulement dans le développement de politiques distributives, notamment de services dans le domaine social au sens large du terme, mais aussi dans la construction des systèmes politiques locaux. A l’intersection entre la représentation des groupes sociaux en mouvement, de la relation avec les publics cible des nouvelles politiques publiques et de la demande de renouvellement du système démocratique, particulièrement sensible dans les années 70, un certain nombre d’associations ont puissamment contribué à cette mutation.

Du coup, la question de leur indépendance, qui fait le fond d’une partie importante de la littérature consacrée à la question associative, prend une nouvelle dimension : ce ne serait plus une dérive, ou un mouvement d’instrumentalisation, mais bien plutôt une donnée constitutive pour bon nombre d’entre elles. Ce problème de l’indépendance des associations fait écho à la question de leur institutionnalisation, très prégnante lors de leur émergence massive sur la scène publique dans les années 70.

Notes
576.

Ibid., p 41.

577.

Ibid., p.46.

578.

Richard Balme, “ L’association et la promotion du pouvoir municipal ”, Gouverner les villes moyennes, op.cit., p. 101.

579.

Crozier Michel et Thoenig Jean-Claude, “ La régulation des systèmes organisés complexes ; le cas du système politico-administratif local en France ”, Revue française de sociologie, 1975, XVI.